Pollution au diesel : nouvelles normes et nouvelle polémique

© DAMIEN MEYER / AFP
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AUTOMOBILE - Le parlement européen a validé de nouveaux tests antipollution... mais aussi de nouvelles normes plus souples.

Comment protéger l’environnement et la santé publique sans pour autant fragiliser la filière automobile européenne ? Le parlement européen était confronté mercredi à ce dilemme et sa décision devait forcément faire des déçus. Ce qui n’a pas manqué d’arriver : en adoptant un assouplissement des tests d'émission de gaz polluants par les véhicules diesel, les députés européens ont provoqué l’ire de nombreuses associations et de plusieurs politiques.

Des contrôles antipollution à revoir. Depuis le scandale Volkswagen sur les émissions réelles de ses véhicules diesel, le brouillard s’est dissipé : il est devenu évident que si les normes antipollution sont devenues progressivement de plus en plus strictes, les contrôles censés vérifier leur bon respect sont très lacunaires. Les méthodes choisies pour réaliser ces tests  en garage permettent en effet aux constructeurs automobiles de multiplier les petits arrangements : pneus sous gonflés, moteur surgraissé, entrées d’air colmatées, etc. Au final, leurs voitures affichent des résultats qui n’ont rien à voir avec le comportement d’une voiture dans des conditions réelles. Et ce, même sans avoir recours à un logiciel tricheur, comme l’a fait Volkswagen.

Mise sous pression, la  Commission européenne a donc été invitée à changer les règles du jeu pour que les tests réalisés en intérieur sur un banc d’essai soient remplacés par des tests en conditions réelles, c’est-à-dire sur la route. Les députés européens étaient invités à se prononcer mercredi sur cette nouvelle réglementation prévue pour 2017.

Un test plus strict mais des normes plus laxistes. La réforme proposée par la Commission européenne est cependant loin de faire l’unanimité car cette dernière a décidé d’être compréhensive vis-à-vis des pratiques du secteur automobile au nom du principe de réalité. Les nouveaux tests étant plus exigeants, une bonne partie des modèles actuels ne respecteraient jamais les normes en cours. Pas vraiment idéal pour redorer le blason d’une industrie pourtant stratégique pour l’Europe.

La Commission européenne a donc proposé de revoir aussi ces normes en les assouplissant, et pas qu’un peu : les constructeurs seraient autorisés à les dépasser de 110% entre 2017 et 2020, soit lus du double, le temps qu’une nouvelle réglementation soit adoptée. En clair, si la limite officielle est de 80 mg/km, un modèle peut aller jusqu’à 168 mg/km. Une marge plus que confortable qui a poussé la Commission de l'environnement du parlement européen à dénoncer cette réforme : à ses yeux, si une marge de 30% était acceptable, mettre la barre à 110% revient à vider la règle de son contenu.

Devoir de réalisme ou renoncement favorisé par les lobbies ? Las, malgré l’opposition de la Commission de l'environnement du parlement européen, les députés ont adopté mercredi le texte présenté par la Commission par 323 voix contre 317. Le tout avec deux arguments : un, les nouvelles règles doivent être réalistes et ne pas pénaliser un secteur automobile qui sort à peine de la crise. Deux, ces nouvelles règles ne sont que temporaires et seront rapidement remplacées par une réforme plus profonde. Bref, ce n’est pas parce que le secteur automobile a fauté qu’il faut adopter dans la foulée une législation punitive.

Mais pour les opposants à cette réforme, la ficelle est un peu grosse et l’ombre du lobby automobile plane sur ce texte. "Les constructeurs européens ont déjà eu presque dix ans pour s'adapter aux nouvelles normes en matière d'émissions d'oxydes d'azote. (…) Ils n'ont plus d'excuses et le Parlement aurait dû être intraitable", a souligné la députée européenne EELV Michèle Rivasi. "Le Parlement a cédé aux lobbys automobiles", a renchéri le Réseau Action Climat, qui soupçonne les Etats fabricant des voitures - Allemagne, France et Italie en tête – d’avoir pesé de tout leur poids dans cette affaire.

Ségolène Royal s’empare du sujet. La ministre française de l’Ecologie, Ségolène Royal, n’a pas caché son exaspération après ce vote : "Instaurer des normes plus laxistes, c'est comme donner un droit à polluer aux constructeurs automobiles", a-t-elle lâché dans Le Parisien, avant d’ajouter : "Le poids des lobbies a malheureusement pleinement pesé sur cette décision."

Ségolène Royal en a profité pour faire un point sur les contrôles menés par la France après le scandale Volkswagen. Et là aussi, le ton est amer : "Les derniers résultats sont assez édifiants puisque pas un constructeur automobile testé n'est dans les clous. (…) Tous dépassent ce que la réglementation autorise actuellement en matière d'émissions, avec des niveaux qui peuvent atteindre entre cinq et onze fois les normes !" De quoi dissuader les constructeurs automobiles de communiquer davantage sur l’automobile verte.