La filière des objets électroniques reconditionnés ne décolère pas. Le gouvernement devrait mettre en place prochainement une nouvelle taxe sur les smartphones reconditionnés, qui offrirait une nouvelle source de revenus au secteur de la culture, frappé de plein fouet par la crise sanitaire du coronavirus depuis près d'un an. Cette décision est "incompréhensible" pour les professionnels du secteur, qui rappellent leur engagement en matière d'environnement et de made in France, qui plus est en ces temps de crise.
La taxe représente 4% du prix de vente
L'idée de l'exécutif est d'appliquer aux appareils électroniques reconditionnés la taxe sur la copie privée prélevée par la société Copie France sur les objets pouvant stocker des œuvres protégées par le droit d'auteur, comme les smartphones, les tablettes et les clés USB. C'est inscrit dans les textes, mais nombre de reconditionneurs refusent de la verser, au motif qu'elle est déjà payée une fois sur l'appareil neuf, avant reconditionnement. Elle s'élèverait à 4% du prix de vente d'un appareil reconditionné.
Selon les professionnels du secteur, plus de 600 petites et moyennes entreprises s'en trouveraient menacées économiquement. Certaines pourraient même mettre la clef sous la porte puisque cette redevance serait rétroactive sur plusieurs années. La plus grosse plateforme du secteur, Backmarket, refuse de s’y plier. Son patron, Thibaud Hug de Larauze, estime qu’on se tire une balle dans le pied. "Ce qui me choque le plus, c’est que le gouvernement répète que le plus important est de relancer l’économie française en appuyant la transition écologique alors que là, on parle de taxer l’économie circulaire. Il y a une incohérence profonde."
Une redevance "payée par le consommateur"
Selon lui, cette nouvelle redevance mettrait de plus le marché français en danger. "Cela va faire fermer des boutiques et donc mettre plusieurs centaines de salariés de ces filières au chômage en France. On va donner un avantage significatif aux filières étranger et perdre du terrain dans l'Hexagone. Pour moi c’est catastrophique à tous ces niveaux."
De son côté, le président de Copie France, Bruno Boutleux, réfute cette interprétation de la redevance. "Il est totalement faux de dire que cette redevance est nouvelle et aurait un caractère rétroactif. Elle existe depuis 2008 sur les téléphones et s’est toujours appliquée sans jamais distinguer les téléphones neufs des reconditionnés lorsque ces derniers sont apparus sur le marché", rappelle-t-il. "Elle est payée non pas par les fabricants ou les distributeurs des appareils qui permettent de faire de la copie privée, mais par le consommateur."
Selon lui, "on peut copier de la musique ou des films indifféremment sur un appareil neuf ou reconditionné. Ne pas appliquer le même régime aux uns et aux autres serait discriminant vis-à-vis des usagers et parfaitement illégal. Les artistes, auteurs et producteurs que Copie France représente ne font qu’appliquer la loi".
Bras de fer au gouvernement
Le patron de BackMarket, Thibaud Hug de Larauze, propose lui d'augmenter la redevance sur les appareils neufs, pour ne pas pénaliser la filière du reconditionné que le gouvernement dit vouloir encourager. Une mauvaise idée pour Bruno Boutleux. "Une 'éco TVA' à taux réduit sur tous les appareils reconditionnés serait bien plus efficace", argue-t-il.
Le bras de fer se joue en ce moment au gouvernement entre la ministre de la Culture Roselyne Bachelot d'un côté, et la ministre de l'Écologie Barbara Pompili ainsi que Cedric O, secrétaire d'État chargé du Numérique, de l'autre. Mais plusieurs reconditionneurs craignent que la partie ne soit déjà jouée. Ils ont reçu ces derniers jours des lettres d’assignation pour régler la facture.