Mais pourquoi la Société générale veut-elle fermer ses agences ?

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avec Emmanuel Duteil , modifié à
BANQUE - La Société générale envisagerait de fermer 20% de ses banques. Même si l’ampleur de cette réorganisation choque, elle est très logique au regard de l'évolution du marché.

Le chiffre donne le tournis : selon des sources syndicales, la Société générale envisage de fermer 20% de son réseau d’agences d’ici 2020. Un régime drastique qui risque de se traduire par des milliers de suppressions de postes, mais la Société générale ne fait que suivre la même tendance que le reste du secteur bancaire : l’essor du numérique oblige les agences à se réinventer et toutes les banques de détail sont concernées.

Une agence de la Société générale sur cinq bientôt fermée ? Si la Société générale a adopté le slogan "développons ensemble l’esprit d’équipe", c’est avec une équipe restreinte que la banque française envisage l’avenir. Elle s’apprêterait en effet à fermer environ 400 de ses 2.221 agences d’ici 2020, selon plusieurs sources syndicales. Soit tout de même presque 20% de son réseau, même si le chiffre n’a pas été confirmée par le groupe bancaire.

"Nous avons déjà commencé progressivement à optimiser le maillage de notre réseau d'agences avec quelques dizaines de fermetures d'agences par an (environ 40 prévues en 2015). La poursuite de la concentration du maillage est prévue essentiellement en milieu urbain et avec une taille moyenne d'agence qui sera plus grande", a précisé la banque.

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 Un mouvement général. Si l’ampleur des fermetures interpelle, les intentions de la Société générale sont tout sauf une surprise car c’est tout le secteur bancaire qui est en train de réduire la voilure. Le Crédit agricole a fermé 50 de ses 325 agences en Ile-de-France et le Crédit lyonnais prévoit de supprimer 1.000 postes d’ici 2018, avec à la clef des fermetures d’agences. Et le mouvement ne se limite pas à la France : mi-septembre, la presse allemande affirmait que la Deutsch Bank envisagerait de supprimer un quart de ses effectifs. Début juin, c’est le géant HSBC qui annonçait une réduction de ses effectifs de 10%, soit entre 22.000 et 25.000 emplois supprimés.

Des agences fermées car boudées par les clients. Ce mouvement général du secteur bancaire ne doit rien au hasard : les clients fréquentent de moins en moins leurs agences bancaires et utilisent de plus en plus les services en ligne. Ce que confirment les chiffres fournis par la Société générale : seuls 42% de ses clients français se rendent au moins une fois par mois dans une agence aujourd’hui, alors qu’ils étaient 57% en 2007. Même tendance du côté du Crédit Lyonnais, qui a vu la fréquentation de ses agences chuter d’un tiers en seulement cinq ans. Une tendance confirmée par une étude du cabinet Deloitte, qui assurait mi-septembre que le nombre de clients ne se rendant jamais en agences était passé de 14% en 2014 à 24% en 2015. Un chiffre, avancé par le Journal du Dimanche en juin dernier, résume la situation : la fréquentation des agences baisse de 5% par an depuis une décennie.

L’activité des banques n’a pourtant pas chuté : les clients ont toujours besoin d’effectuer des opérations bancaires, mais ces dernières peuvent en grande partie être réalisées en ligne, sur ordinateur ou smartphone. Surtout pour les opérations les plus courantes pour lesquelles se déplacer en agence n’apporte aucune valeur ajoutée : virement, gestion de l’épargne, d’un portefeuille boursier, etc..

Vers des agences moins nombreuses mais plus spécialisées. Ce virage numérique oblige les banques à s’adapter. Puisque exit la gestion d’opérations courantes que le client peut effectuer lui-même en ligne, les agences doivent désormais se spécialiser pour que les clients aient des raisons de s’y rendre.

La Société générale mise désormais sur des agences plus grandes avec des conseillers de plus en plus experts : une agence pourrait se spécialiser dans les opérations immobilières, une autre se consacrer aux produits d’épargne, etc. Un mouvement qu’empruntent également la BNP Paribas ou encore le LCL. Quant aux opérations les plus courantes, elles pourraient encore se faire en agences, mais pas au guichet : le CIC, la Société générale et la BNP Paribas installent des centres automatisés avec des effectifs humains réduits au minimum.

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 Et de nouvelles banques en ligne pour compléter son offre. En parallèle, les banques françaises ne cessent de développer de nouvelles banques 100% en ligne dont les coûts de gestion sont bien moindres et qui permettent d’attirer une clientèle plus jeune. La BNP Paribas a créé Hello bank!, la Société générale a acquis en juin dernier l’intégralité de Boursorama Banque, tandis que le Crédit Mutuel a mis la main sur Fortuneo Banque et que BforBank est une émanation du Crédit agricole. La fermeture d’agences n’est donc qu’un pan d’une réorganisation plus large axée sur le numérique.

Des économies mais pas de baisse des tarifs... "C'est présenté comme cela par les banques, n'exagérons rien. (...) Les banques s'y sont employées : elles nous ont obligés à passer par le distributeur, par le guichet automatique. La modernité a bon dos, elle joue contre l'homme", a réagi Serge Maître, président de l'Association française des usagers des banques (Afub), mardi midi sur Europe 1.

Et ce dernier d'appuyer là où ça fait mal : "je serais tout à fait d'accord avec les banques si elles nous annonçaient parallèlement qu'elles vont baisser leurs tarifs". Or, regrette-t-il, "pour la première fois, la Société générale décide d'instaurer à partir du 1er janvier prochain des frais de tenue de compte de 2 euros par mois. 24 euros par an. Voilà une banque qui se porte très bien et qui va encore serrer le robinet sur ses employés". Et Serge Maître de rappeler que les profits de la Société générale ont bondi de 13% au premier semestre 2015.