Le plan de départs volontaires mal accueilli chez les fonctionnaires

Gérald Darmanin, avec Edouard Philippe à ses côtés, a mis le feu aux poudres en parlant de plan de départ volontaire.
Gérald Darmanin, avec Edouard Philippe à ses côtés, a mis le feu aux poudres en parlant de plan de départ volontaire. © AFP
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Olivier Samain et Shanel Petit, édité par R.D , modifié à
L’idée, totalement inédite, d’un plan de départs volontaires dans la fonction publique, annoncée jeudi, fait grincer les dents des syndicats et des agents, méfiants.

C’est un sacré pavé dans la mare qu’a lancé Gérald Darmanin jeudi lors d’un discours sur la réforme de l‘Etat. Le ministre des Comptes publics a annoncé - entre autres - l’ouverture d’une grande concertation avec les syndicats pour mettre en place un vaste plan de départs volontaires dans les années à venir. L’idée, c’est, à terme, de supprimer 120.000 postes de fonctionnaires. Mais cette annonce a été froidement accueillie par les syndicats et par les principaux intéressés, notamment car les contours restent flous.

La nouveauté : un plan à grande échelle. Car ce qui est nouveau dans cette annonce, c'est la dénomination : "Plan de départs volontaires". Des aides au départ, ça existe déjà dans la fonction publique. Pour les fonctionnaires en fin de carrière, notamment, ou pour ceux qui, par exemple au moment de la fusion des régions en 2016, ont préféré partir pour ne pas se retrouver en doublon dans certains services. Mais ça concernait à chaque fois un tout petit nombre de personnes.

Aujourd'hui, c'est à une beaucoup plus grande échelle que le gouvernement veut agir. Parce que, dit-il, les réformes qui vont être engagées - avec en toile de fond la transformation numérique - vont chambouler la manière de travailler dans les administrations. Pas sûr que tous les fonctionnaires suivent. Il y aura donc bel et bien un "plan" de départs volontaires, mais pas pour tout le monde, précise Gérald Darmanin. Seulement pour les agents qui ne trouveraient plus leur place dans la nouvelle configuration.

"Il s’agit bel et bien de supprimer des missions publiques". Volontaires, vraiment ? c'est l'interrogation des syndicats... qui craignent que les agents en question soient mis devant le fait accompli. "Que les fonctionnaires aient envie d’aller dans le secteur privé, c’est à mon avis un phénomène assez rare", estime Jean-Marc Canon, de la CGT Fonction publique. "Donc ce n’est pas du tout de ça dont il est question. Il ne faut pas leurrer les gens. Il s’agit bel et bien de supprimer des missions publiques. Et on dira aux gens qui sont sur ses missions : ‘monsieur, madame, votre mission étant supprimée, soit vous allez à Pétaouchnock sur un poste qui n’offrira pas les mêmes garanties et où vos qualifications ne sont pas reconnues, soit on vous offre un petit pécule et vous vous en allez pour faire ce que vous voulez, ailleurs. C’est ça, la réalité."

"Permettre aux structures de se réorganiser", dit Macron. "Ça n’est pas la fin de la fonction publique, c’est les conditions de sa pérennité véritable", a répondu Emmanuel Macron jeudi depuis la Tunisie. "On doit donner à notre fonction publique la possibilité de pouvoir, sur certains postes, embaucher par contrats, et pas forcément uniquement sur le statut, de pouvoir réorganiser plus vite, comme le font les entreprises, avec des plans et un accompagnement des personnes qui permettent aux structures de se réorganiser".

"On a l’impression de faire du chiffre. On abat". N’empêche, il va falloir au gouvernement une sacrée dose de pédagogie pour convaincre les premiers intéressés, chez qui l’annonce passe mal. Exemple à la préfecture de Nanterre. "C’est des économies toujours sur le dos des fonctionnaires. Comme si c’était nous qui coûtions le plus cher. Qu’ils commencent à faire le ménage là-haut, peut-être qu’il y aurait des postes à supprimer", peste ainsi Françoise, en poste depuis 19 ans, interrogée par Europe 1. "On a de plus en plus de travail, on est moins nombreux. Pas le temps de lever la tête. On a l’impression de faire du chiffre. On abat", poursuit cette assistante de direction.  

Pour autant, tous ne ferment pas la porte. "Qu’ils me donnent un gros chèque, OK et je partirais sans aucune hésitation", assure ainsi Sébastien. "Et j’utiliserais l’argent pour faire le tour du monde avec mon épouse". Mais quel chèque, et quel montant ? Pour le moment, aucun ordre d’idée n’a été évoqué.