Pourquoi frauder dans les transports devient très risqué

tramway RATP Paris
© JACQUES DEMARTHON / AFP
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Margaux Baralon , modifié à
TRANSPORTS - La RATP a lancé cette semaine de vastes opérations anti-fraude sur ses lignes de tramway, alors qu'une récente proposition de loi a renforcé les sanctions à l'égard des resquilleurs.

Sus aux resquilleurs. La Régie autonome des transports parisiens (RATP) a commencé cette semaine à effectuer des "contrôles renforcés" sur la ligne 1 du tramway, qui relie les Hauts-de-Seine à la Seine-Saint-Denis. Les lignes T2 et T3a seront les prochaines concernées. Ce choix ne doit rien au hasard : les tramways à ciel ouvert, très empruntés et qui ne sont pas dotés de portiques de contrôle, concentrent un taux de fraude très important.

Pour la RATP, l'enjeu financier est énorme. Selon la Cour des Comptes, la fraude lui a coûté 191 millions d'euros de perte de recettes nettes en 2013. Avec cette action, qui mobilise entre 50 et 80 contrôleurs par jour, la régie entend donc "amplifier sa politique, déjà très active sur le sujet de la fraude".

Des méthodes de lutte développées. Cette "politique active" se traduit par la multiplication des méthodes de contrôle, du déploiement de petites équipes en civil qui interviennent discrètement jusqu'à l'utilisation du PV électronique. Mais la RATP, comme les autres sociétés de transport en commun, va désormais pouvoir ajouter des cordes à son arc en s'appuyant sur la loi Savary. Voté le 9 mars et inscrit au Journal Officiel la semaine dernière, ce texte durcit les mesures contre les fraudeurs des transports en commun.

Interdiction de signaler les contrôleurs. Les "mutuelles" que certains fraudeurs ont montées, et qui remboursent les contraventions en échange d'une faible cotisation mensuelle, seront désormais interdites. Les resquilleurs récidivistes pourront être poursuivis pour "fraude d'habitude" dès lors que cinq infractions auront été constatées sur un an, contre dix auparavant. En outre, le fait de signaler la présence de contrôleurs aux autres usagers, ce qui est le principe de certaines applications mobiles comme Check My Metro, sera passible de deux mois de prison et 3.750 euros d'amende.

Difficultés de recouvrement des amendes. Surtout, la loi s'attaque aux difficultés de recouvrement des amendes rencontrées par les sociétés de transport. En Île-de-France, selon la Cour des Comptes, les fraudeurs ne paient directement leur amende que dans 30% des cas. Lorsqu'un procès-verbal est établi et envoyé au resquilleur, seulement 14% des amendes sont bel et bien réglées. Au total, "60% des infractions ne donnent lieu à aucun recouvrement par la RATP ou la SNCF" dans la région francilienne, conclut la rue Cambon. Et ce, notamment, à cause de l'incapacité des contrôleurs à recueillir l'identité et l'adresse des fraudeurs.

Vérifier les adresses des contrevenants. Pour pallier cette difficulté, la loi Savary va permettre aux sociétés de transport d'accéder, via un "centre d'interrogation", aux fichiers des services fiscaux ou de la Sécurité sociale. Cela leur permettra de vérifier les informations données par les contrevenants et ainsi s'assurer un paiement plus systématique des amendes.

 

 

 

Zoom sur la fraude

La Cour des Comptes a consacré un chapitre entier à la fraude dans les transports franciliens dans son dernier rapport annuel. Les Sages estiment que 244 millions de voyages ont été effectués en 2013 sans titre de transport. Parmi eux, 123 millions ont été effectués dans le bus, 84 millions dans le métro, 23 millions sur les lignes de tramways et 14 millions sur celles de RER.

Selon la Cour des comptes, "la fraude concerne potentiellement toutes les tranches d'âge, de catégories sociales ou de revenus" mais un profil-type de fraudeur se dégage tout de même. Les resquilleurs sont majoritairement des hommes, qui sont âgés pour la plupart de 15 à 26 ans. Et ils sont particulièrement nombreux chez les lycéens et les étudiants.

La fraude a coûté plus d'un million d'euros par jour à la RATP et la SNCF en 2013. Aux 248 millions d'euros de pertes de recettes nettes s'ajoutent 118 millions d'euros dépensés pour lutter contre les fraudeurs. Au total, cela représente 11,2% des recettes directes de trafic pour la RATP et 10% pour la SNCF.