Est-il (vraiment) possible de gagner plus avec des aides sociales qu'en travaillant ?

© PHILIPPE HUGUEN / AFP
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La plupart des candidats à la primaire de la droite le suggèrent, prônant un plafonnement des minima sociaux. Pourtant, il est quasiment impossible de gagner plus avec les allocations qu'avec un Smic.

"Je veux m'assurer que ces allocations restent en permanence en-dessous du salaire du travail de façon que celui qui travaille ait un meilleur revenu que celui qui vit des minima sociaux." Voilà ce qu'a déclaré Alain Juppé, jeudi soir, sur le plateau de L'Emission politique, sur France 2. Le candidat à la primaire de la droite n'est pas le seul à faire cette proposition. Bruno Le Maire aussi souhaite "plafonner les aides sociales" pour "garantir que le travail soit plus rémunérateur que l'assistanat". Dans le projet de Nicolas Sarkozy figure le même plafonnement, "à 75% du smic". Idem pour François Fillon, sans précision de taux.

Disant cela, tous ces candidats à la primaire de la droite sous-entendent qu'il est aujourd'hui possible de gagner plus avec les minima sociaux qu'avec un salaire minimum. Or, ce n'est pas le cas, sauf rares exceptions.

Un revenu de base et des allocations. Aujourd'hui, le salaire minimum est d'environ 1.145 euros mensuels nets (1.466,62 euros bruts). Le RSA, lui, est fixé à 524 euros mensuels pour une personne seule et 787 pour un couple sans enfant. Il faut ajouter à ces montants de base ceux des différentes aides sociales existantes. Ainsi, une personne au RSA va aussi toucher des aides au logement (APL), une prime de Noël et, selon l'endroit où elle vit, des avantages divers comme des réductions sur les titres de transport, voire leur gratuité. Un salarié au Smic, lui, touchera la prime d'activité, et parfois des APL selon les cas, mais qui seront bien moindres que pour les bénéficiaires du RSA.

Voilà pour les personnes seules. Dans le cas de familles avec des enfants, les travailleurs au Smic bénéficient d'allocations familiales. Ce n'est pas le cas des bénéficiaires du RSA, puisque les allocations familiales sont comprises dans le socle du revenu de solidarité active.

Les foyers avec un Smic gagnent toujours plus. Au final, qui gagne le plus ? L'association ATD Quart Monde a effectué, le mois dernier, des simulations avec trois cas de figure : celui d'un couple avec deux enfants, celui d'un couple sans enfant, et celui d'un parent isolé avec deux enfants. Le résultat est sans appel. À chaque fois, les foyers vivant avec un Smic gagnent entre 516 et 688 euros de plus que les bénéficiaires du RSA.

Dans le cas d'une personne seule et sans enfant, là encore, celle qui travaille touche plus que celle qui ne vit que des minima sociaux. En revanche, souligne ATD Quart Monde, "l'écart RSA-Smic n'est pas significatif". Autrement dit, il peut être désavantageux financièrement de travailler si cela engendre des coûts collatéraux (comme, par exemple, celui d'un véhicule si une voiture est nécessaire pour se rendre sur son lieu de travail). Et cette faible différence peut être suffisamment dissuasive si le travail payé au salaire minimum est pénible ou occasionne du stress.

Ce cas de figure "représente environ 5% des foyers fiscaux en France", note l'association. Cela donne donc raison à Nathalie Kosciusko-Morizet lorsqu'elle écrit, dans son programme, que "la perte des allocations n'est pas toujours compensée par le salaire".