Les transactions en bitcoin nécessitent l'équivalent de la consommation électrique de pays comme la Suède ou l'Argentine. 1:31
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Le PDG de Tesla Elon Musk a affirmé qu'il ne sera plus possible de payer ses voitures en bitcoin. Un retournement de veste soudain pour le milliardaire, grand promoteur des cryptomonnaies, dont la décision a été motivée par l'impact environnemental du bitcoin, très énergivore. 
DÉCRYPTAGE

Elon Musk fait encore des siennes : le fantasque PDG de Tesla ne veut plus du bitcoin ! Une annonce surprenante faite, comme à son habitude, sur Twitter mercredi. "Tesla a suspendu la possibilité d’acheter des véhicules avec des bitcoins. Nous avons des inquiétudes sur l’augmentation rapide des énergies fossiles qui sont utilisées pour miner des bitcoins et émettre des transactions, en partie le charbon, qui est la pire des émissions", écrit le fondateur de la marque de voitures électriques. Elon Musk met ainsi, tardivement, le doigt sur la problématique environnementale des cryptomonnaies.

Des fermes de minage de bitcoins très énergivores

Derrière sa façade immatérielle, le bitcoin présente en effet un bilan carbone très négatif. Le processus de création de cette cryptomonnaie, qu’on appelle le minage, consiste à faire tourner des "fermes" de milliers d’ordinateurs, 24h sur 24h. Chaque ordinateur résout des problèmes informatiques très compliqués permettant de créer des "blocs", des espaces de stockage supportant les transactions en bitcoin. En échange de ce travail à la chaîne 2.0, les mineurs reçoivent des fragments de la précieuse monnaie virtuelle. À plus de 40.000 dollars l'unité, c'est donc un business très rentable, d'autant qu'il nécessite peu de personnels, les ordinateurs tournent tout seuls.

Ferme-bitcoin

Sauf que tout cela a un prix. "Qui dit problèmes informatiques complexes dit puissance de calcul très importante et donc consommation d'énergie élevée", explique Lionel Aré, directeur associé au Boston Consulting Group. Résultat, la moindre transaction en bitcoin nécessite des quantités faramineuses d'électricité. "Quand vous faites une opération, c'est la même chose que faire tourner 5.000 micro-ondes pendant les 10 minutes que prend l'enregistrement de l'opération. Autre exemple, acheter une Tesla en bitcoin revient, pour le seul acte d'achat, à faire rouler la voiture sur 5.000 kilomètres", illustre ce spécialiste des cryptomonnaies.

Le bitcoin consomme plus d'électricité que la Suède

Le bitcoin est donc très énergivore et, problème dans le problème, 70% des fermes de minage sont situées en Chine, où l’électricité provient encore massivement du charbon, l'énergie fossile la plus polluante. "Les défenseurs des cryptomonnaies diront que c'est une électricité qui n'est pas utilisée pour autre chose. C'est difficile à prouver. On a besoin de l'électricité pour tout un tas d'usages plus essentiels que le bitcoin. Ce qui est certain, c'est que les gérants de fermes de minage en Chine ou dans d'autres pays d'Asie soient très sensibles aux critères écologiques", estime Lionel Aré.

Le bitcoin est donc indirectement un grand émetteur de CO2. Et la frénésie récente autour des monnaies virtuelles n’a pas amélioré la situation, loin de là. Selon l’Université de Cambridge, qui a établi un index dédié, la consommation d’électricité liée au bitcoin a été multipliée par dix en trois ans, et par deux rien que sur la dernière année. Elle atteint désormais 150 térawatt-heure par an, plus que la consommation de pays comme la Suède et l’Argentine. Si le bitcoin était un pays, ce serait le 24ème plus grand consommateur d'électricité dans le monde.

Une prise de conscience tardive…

C'est pour toutes ces raisons qu'Elon Musk a pris ses distances avec le bitcoin. "Les cryptomonnaies représentent de très bonnes nouvelles sur de nombreux plans, et nous estimons qu’elles ont un futur prometteur, mais cela ne peut pas avoir des conséquences dramatiques sur l’environnement", a affirmé Elon Musk. Des propos qui ont valu à leur auteur de nombreuses critiques, certains internautes pointant du doigt l'hypocrisie du milliardaire américain. Lui qui vantait depuis des mois les mérites des cryptomonnaies, jouant même de son influence pour faire grimper les cours à coups de tweets enflammés, a eu une illumination bien tardive.

"En réalité, ce sont ces déclarations d'aujourd'hui qui sont censées alors que ses prises de position antérieures avaient de quoi étonner. On ne peut pas penser qu'Elon Musk n'était pas au courant des effets du bitcoin sur l'environnement", avance Lionel Aré, du Boston Consulting Group. D'autant que le milliardaire a bien profité, voire provoqué le boom du bitcoin. Son entreprise, Tesla, a ainsi investi à hauteur de 1,5 milliard de dollars dans la cryptomonnaie en février. Un investissement juteux dont Elon Musk a grandement bénéficié à titre personnel avant, donc, d’ouvrir les yeux tardivement sur la réalité environnementale du bitcoin.

… mais qui peut faire bouger les lignes

Mais mieux vaut tard que jamais. Capable d'influencer une communauté qui suit ses préconisations économiques à la lettre, Elon Musk peut bousculer le fonctionnement du bitcoin. "S'il trouve maintenant que ça n'est pas une bonne chose pour la planète, j'ai du mal à croire que les grandes banques américaines et les acteurs institutionnels, qui sont aujourd'hui les principaux investisseurs en cryptomonnaies, puissent avoir longtemps un avis différent", estime Lionel Aré.

Quoi qu'il en soit, l'histoire entre Elon Musk et le bitcoin n'est pas finie pour autant. "Tesla ne vendra pas ses bitcoins. Nous comptons les utiliser pour effectuer des transactions, aussitôt que le minage se fera avec des énergies plus renouvelables", a écrit Elon Musk, qui s'est déjà lancé un nouveau défi. "Nous nous intéressons aussi à d’autres cryptomonnaies qui représentent moins de 1% des émissions carbone du bitcoin en termes de transactions". Fossoyeur du bitcoin ou promoteur de cryptomonnaies plus écologiques ? Les prochains tweets d'Elon Musk seront scrutés de près.