Des pistes pour l'avenir du "verrou de Bercy" remises mercredi au gouvernement

Le gouvernement estime que le "verrou" de Bercy est utile pour faire pression sur les fraudeurs et leur faire régulariser leur situation rapidement
Le gouvernement estime que le "verrou" de Bercy est utile pour faire pression sur les fraudeurs et leur faire régulariser leur situation rapidement © Joël SAGET / AFP
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avec AFP , modifié à
Le gouvernement recevra mercredi les conclusions de la mission d'information sur le "verrou" de Bercy, ce dispositif pour lutter contre les fraudeurs fiscaux soutenu par le gouvernement, mais dénoncé par les magistrats.

Aménagements a minima ou bien réforme de grande ampleur : le gouvernement recevra mercredi les propositions de la mission d'information sur le "verrou de Bercy", chargée de réfléchir à l'avenir de ce dispositif controversé encadrant la poursuite pénale des fraudeurs.

Faut-il faire sauter ce "verrou", comme le réclament les magistrats et les associations ? Faut-il le conserver, comme le souhaite l'administration ? Voilà les questions auxquelles la mission, pilotée par les députés Eric Diard (LR) et Emilie Cariou (LREM), a prévu de répondre.

Qu'est-ce que "le verrou de Bercy" ?

Ce mécanisme, mis en place dans les années 1920, donne à l'administration fiscale le monopole des poursuites pénales en cas de fraude. En d'autres termes : il empêche la justice d'engager elle-même ces poursuites, sauf pour les cas de blanchiment de fraude fiscale.

De nombreux dossiers. Avant de dénoncer les fraudeurs à la justice, le fisc est toutefois tenu de suivre l'avis d'une autorité indépendante, la commission des infractions fiscales (CIF), composée de magistrats et de conseillers d'État et à la Cour des comptes. Cet organisme reçoit en moyenne 1.000 dossiers par an, sur les 4.000 dossiers portant sur une fraude importante (supérieure à 100.000 euros) repérés chaque année par l'administration. La commission saisit la justice dans près de 95% des cas.

Un système jugé efficace

Faire pression sur les fraudeurs. Ce système, de prime abord complexe, est défendu au nom de l'efficacité. "Celui qui est lésé, c'est l'État, et il est normal que ce soit celui qui est lésé qui porte plainte", avait estimé à la mi-mars le ministre des Comptes publics Gérald Darmanin. Si toutes les affaires de fraude fiscale étaient transmises à la justice, "nous serions dans l'incapacité de traiter l'intégralité des plaintes", a-t-il ajouté, insistant sur la lenteur des procédures judiciaires et l'engorgement des tribunaux.

Pour l'administration, le "verrou" présente au demeurant un avantage de taille : il permet de faire pression sur les fraudeurs, poussés à accepter le redressement qui leur est notifié pour s'éviter des poursuites. Une façon de renflouer rapidement les caisses de l'État.

Un "verrou" considéré comme opaque

Ce dispositif, toutefois, présente des défauts, notamment parce qu'il favorise une certaine forme d'opacité. "C'est un système d'Ancien Régime, qui revient à gérer les choses entre bons amis", a dénoncé récemment le député LFI Eric Coquerel. Ses détracteurs lui reprochent par ailleurs d'entraver la liberté d'action des juges, dépossédés d'une prérogative qui devrait leur revenir, en vertu du principe de séparation des pouvoirs.

Entendus par la mission d'information, plusieurs hauts magistrats ont ainsi critiqué ces derniers mois le dispositif, invitant les parlementaires à mettre un terme à cette spécificité fiscale française. "Le verrou bloque toute la chaîne pénale. Il empêche la variété des poursuites", a dénoncé la procureure du Parquet national financier, Eliane Houlette. "On a peine à justifier un tel système", a renchéri le procureur de Paris, François Molins.

Un dispositif seulement ajusté

Un "verrou" qui sera maintenu. Le gouvernement, tout en assurant qu'il tiendrait compte des conclusions de la mission, a toutefois déjà prévenu qu'il s'opposerait à la suppression de ce dispositif, lui préférant de simples aménagements. "Le verrou de Bercy doit continuer à exister. Mais il me semble que sa clé doit être donnée au Parlement", en inscrivant "dans la loi" les critères en fonction desquels les dossiers "doivent être transmis à la justice", a estimé Gérald Darmanin, auditionné par la mission.

Une plus grande liberté donnée au Parlement. Trois critères sont actuellement pris en compte pour la transmission des dossiers à la justice : le montant des droits fraudés (à partir de 100.000 euros), les agissements du contribuable (activités occultes, comptes cachés...) et les circonstances du dossier. "Vous pourriez tout à fait définir le montant" et "ce qui constitue un comportement aggravant", a souligné Gérald Darmanin, dessinant - avant même la remise du rapport - les contours possibles de la future réforme.