Chute des prix du pétrole : qui y perd, qui y gagne ?

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Margaux Baralon
BAISSE DU BRUT - Depuis deux ans, le prix du baril connaît une chute vertigineuse, qui fait le bonheur de certains pays et en pénalise d'autres. Les pays producteurs pourraient s'organiser pour faire remonter les cours.

C'est l'histoire d'une chute qui secoue le monde économique. Depuis juin 2014, le prix du pétrole ne cesse de baisser. D'un peu plus de 110 dollars (97 euros), le baril est passé à environ 42 dollars (37,2 euros) mercredi. Ce n'est pas sans conséquence, tant sur les pays producteurs que sur leurs clients.

  • Pourquoi le prix du pétrole est-il si bas ?

La chute de plus de 50% du prix du baril a plusieurs causes. D'abord, le ralentissement de la demande, notamment chinoise. L'économie de la Chine a connu à partir de la fin 2014 un sérieux coup de frein, avec une croissance à 7,4%, au plus bas depuis 1990. En 2015, elle est même tombée à 6,9%. De nombreux secteurs industriels fonctionnent donc au ralenti, ce qui fait chuter la demande de pétrole.

Mais les explications sont également à chercher du côté de l'offre. Depuis deux ans, les pays producteurs, notamment l'Arabie Saoudite, inondent les marchés, préférant faire la course aux prix bas. Ils le font notamment pour concurrencer le pétrole de schiste américain, mais aussi parce que tous refusent de freiner leur production tant que les autres ne le font pas, de peur de se retrouver seul à pratiquer des prix prohibitifs. C'est donc le serpent qui se mord la queue : personne ne prenant l'initiative de contrôler la production, celle-ci reste à son maximum.

  • A qui cela profite ?

Pour les pays importateurs, des prix bas sont une aubaine. Cela permet de réduire la facture énergétique des entreprises et des ménages, donc de réduire les coûts de production des premières et de booster le pouvoir d'achat des seconds. Les sociétés peuvent investir ou embaucher, les foyers augmenter leur consommation. Ces comportements ont des effets positifs sur l'économie globale d'un pays. Ainsi, en France, où la croissance 2015 a été de 1,1%, 0,4 point de hausse est imputable aux cours du pétrole très bas.

"Ce qui est vrai pour la consommation des Français l'est également pour la consommation des partenaires commerciaux de la France", note également le think tank Terra Nova dans une étude sur les conséquences de la chute des prix du pétrole. Logiquement, la baisse du pétrole améliore donc la balance commerciale du pays.

  • Qui est pénalisé par les prix bas ?

Fatalement, les pays producteurs sont les plus durement touchés par la baisse des cours. Et ce d'autant plus que, pour la majeure partie d'entre eux, le pétrole représente une part très importante des exportations. Les plus riches d'entre eux, comme l'Arabie Saoudite ou les Emirats Arabes Unis, ont suffisamment de fonds pour compenser. Mais pour d'autres, comme le Venezuela, les conséquences se font immédiatement sentir. Dans ce pays sud-américain, le PIB a reculé de 5,7% en 2015, selon la Banque centrale. Et ces difficultés économiques peuvent avoir des conséquences sociales et politiques directes.

Même pour les pays importateurs, la baisse des cours du pétrole n'a pas que des avantages. Tout d'abord, cela rogne sur les exportations vers les pays producteurs, moins enclins à la dépense. Mais cela menace aussi de tirer les prix vers le bas ce qui, en situation de faible inflation, laisse planer le risque de déflation. Or, c'est exactement le problème que connaît la zone euro. L'inflation y est déjà très faible, ce qui prive les Etats de certaines rentrées fiscales. Une déflation serait autrement plus problématique, puisqu'elle entraînerait un report des achats des ménages, de nouvelles baisses de prix, donc des difficultés pour les entreprises qui seraient obligées de baisser les salaires ou de licencier.

Enfin, la baisse des prix du pétrole est une mauvaise nouvelle pour l'environnement, puisqu'elle décourage les pouvoirs publics, les entreprises et les ménages d'investir dans des énergies plus vertes. Par ricochet, cela peut nuire à l'économie, en plombant les investissements et la consommation dans le secteur du renouvelable. Ainsi, l'intérêt d'acheter une voiture moins gourmande en essence n'est plus aussi évident lorsque le prix à la pompe est très bas.

  • Les cours pourraient-ils remonter ?

Cette semaine, un léger frémissement des prix du pétrole s'est fait sentir après des informations sur un accord entre la Russie et l'Arabie Saoudite qui auraient décidé de geler leur production. Et les pays producteurs ont prévu de se rencontrer dimanche, au Qatar, pour décider de mesures à prendre. Selon Terra Nova, "le rééquilibrage de l'offre à court terme devrait surtout provenir de la diminution de la production non-conventionnelle", c'est-à-dire du pétrole de schiste. Son exploitation coûte en effet trop cher pour être rentable lorsque les cours sont très bas.

Mais d'autres signes font plutôt s'éloigner la perspective d'une hausse des cours. Mercredi, l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) a publié une note mensuelle dans laquelle elle rappelle que "la surabondance d'offre persiste et les stocks restent élevés". Non seulement l'essoufflement économique de l'Amérique latine pourrait tasser la demande, mais l'arrivée de l'Iran parmi les pays exportateurs va encore accroître l'offre. En effet, les exportations d'hydrocarbures de ce pays étaient jusqu'ici limitées par l'embargo en vigueur contre Téhéran. Le réchauffement des relations diplomatiques avec l'Occident qui s'est produit en janvier dernier a fait sauter cette barrière.

Quand bien même les pays producteurs parviendraient à s'accorder, dimanche, sur un gel de la production, cela pourrait donc ne pas suffire. Et même cette hypothèse semblait s'éloigner mercredi. Interrogé par un quotidien national sur l'intention du royaume de couper le robinet, le ministre saoudien du pétrole, Ali al-Nouaïmi, l'a exclu. "Oubliez ! Les prix du brut son volatils. Ils sont parfois en baisse et parfois en hausse." Et l'Arabie Saoudite n'a apparemment pas l'intention de les aider à remonter.