Avec des dépenses «en roue libre», la France risque de décrocher, prévient la Cour des comptes
La Cour des comptes alerte sur les dépenses publiques françaises. Elle demande au gouvernement de respecter sa trajectoire de réduction du déficit public sous peine de voir la France "décrocher de ses partenaires européens". Pour la Cour des comptes, le "dérapage du déficit depuis deux ans place la France au pied du mur".
La France doit freiner une dépense publique "en roue libre" et respecter sa trajectoire de réduction du déficit public sous peine de "décrocher" en Europe, a alerté jeudi la Cour des comptes, au moment où débute l'élaboration d'un budget 2026 s'annonçant difficile.
Après un dérapage du déficit public à 5,5% du PIB en 2023 et environ 6% en 2024, le gouvernement souhaite le ramener à 5,4% cette année et passer sous le plafond maximal européen de 3% en 2029, avec deux ans de retard sur les prévisions initiales et bien après les autres pays de la zone euro.
"En dépit de ses faiblesses", notamment une prévision de croissance à 0,9% jugée "un peu optimiste", "il est crucial de respecter cette trajectoire sous peine de voir la France décrocher de ses partenaires européens", a indiqué la Cour des comptes dans un rapport. "Le dérapage du déficit public depuis deux ans place la France au pied du mur", a prévenu la Cour : "Tout retard supplémentaire rendrait les ajustements indispensables encore plus importants et difficiles".
Près de la moitié des hausses de prélèvements ont un caractère "temporaire"
Or, selon les magistrats de la rue Cambon, les efforts restent insuffisants en termes d'économies structurelles et durables, quand bien même les budgets français sont dans le rouge depuis 50 ans. En 2025, l'effort budgétaire de 50 milliards d'euros "repose exclusivement sur des prélèvements obligatoires plutôt que sur des efforts globaux d'économies, le cœur de la dépense continuant de progresser à un rythme proche de sa tendance d'avant-crise", ont-ils souligné.
Alors que la France est déjà l'une des championnes des prélèvements obligatoires et des dépenses publiques, ces dernières progresseraient davantage que la croissance économique pour atteindre 56,9% du PIB. En outre, près de la moitié des hausses de prélèvements prévues dans le budget ont un caractère "temporaire", comme la surtaxe sur les entreprises et la contribution exceptionnelle des hauts revenus.
De quoi compliquer davantage la tâche pour le gouvernement du Premier ministre François Bayrou qui a lancé les travaux de préparation du budget 2026. Des pistes d'économies sont évoquées dans les dépenses de santé, les collectivités locales et des programmes de l'État, hormis ceux sanctuarisés de la défense, de la justice ou de la sécurité. Une réforme de l'État est aussi jugée "impérative".
En 2024 déjà, la dépense publique "en roue libre" s'est révélée problématique : avec des recettes décevantes, elle explique une bonne partie du déficit, sa progression ayant été masquée par l'extinction progressive des soutiens lors de la crise.
"L'austérité, la vraie, elle viendra si on ne fait rien"
En conséquence, le risque d'un nouveau dérapage au-delà de 5,4% du PIB est prégnant en 2025. "Nous sommes déjà sur le fil du rasoir pour atteindre cet objectif", a déclaré le premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, devant la presse. En tenant compte des arrondis, le déficit prévu est même "très proche de 5,5%", note-t-il.
"Les mesures d'économies prévues dans le projet de loi de finances devront être effectivement et complètement mises en œuvre", a-t-il ajouté, d'autant plus que les marges de manœuvre sont très réduites pour faire face à des dépenses imprévues en cours d'année.
Pour évider une nouvelle sortie de route, le ministre de l'Économie Éric Lombard a promis une surveillance renforcée de la mise en œuvre du budget. Dans le cas contraire, le scénario de la Cour des comptes est sombre. En cas de croissance plus molle qu'attendu et d'effort budgétaire qui n'atteindrait que la moitié des 110 milliards d'euros jugés nécessaires d'ici à 2029, le ratio d'endettement pourrait s'envoler au-delà de 125% du PIB avec un déficit encore supérieur à 5% à cet horizon.
La charge de la dette, qui grève déjà les finances publiques, doublerait presque à 112 milliards d'euros en 2029, devenant le premier budget de l'État, "loin devant l'Éducation nationale". "Les erreurs passées ne peuvent plus se reproduire, a souligné Pierre Moscovici. "L'austérité, la vraie, elle viendra si on ne fait rien. Ce que nous n'aurons pas fait par nous-mêmes, par des mesures intelligentes, par une réflexion sur notre modèle (...) écologique, social, économique, on nous l'imposera de l'extérieur."