Alban de Crémiers : de la banque d’investissement à la start-up sociale

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Alors qu'il était sur le point d'intégrer une banque d’affaires, Alban de Crémiers a décidé de tout plaquer pour lancer sa start-up sociale, un service de télémédecine pour contrer la désertification médicale.

Comment mieux vivre dans un monde qui change ? Comment redonner du sens à son travail  ? C’est pour vous aider à répondre à ces questions qu’Europe 1 s’engage concrètement auprès des acteurs de l’économie sociale et solidaire. Cet engagement s’incarne notamment par notre partenariat avec Ticket for Change, une start-up dont l’objectif  est de changer la société par l’entreprenariat. Ticket for Change est un «facilitateur de projets», qui accompagne des entrepreneurs et aide les salariés à innover au sein de l’entreprise. A travers une série de témoignages d’hommes et de femmes publiés sur Europe1.fr dans ce le cadre de ce partenariat, vous pourrez découvrir comment être un acteur du changement et redonner du sens à ses actions. 

Témoignage d'Alban de Crémiers recueilli en mars 2017 par Ticket for Change. 

Quelle était ta vie d’avant ?

Je n’ai jamais été très scolaire… J’ai fait cinq ans d’internat, puis j’ai passé les concours post-bac. J’ai atterri à Lyon dans une école pas terrible et là j’ai craqué complètement pendant 1 an : après 5 ans d’internat, c’est comme si je sortais de la cage aux lions ! Je me suis fait virer au bout d’un an, en juillet, donc pour trouver une école qui te prend le 1er septembre c’était pas évident *rire*… Je suis rentré à Léonard de Vinci et le premier jour de la rentrée, j’étais tellement déprimé que je me suis fait la promesse que je sortirai d’ici, quel qu’en soit le prix et les efforts à fournir.

Au bout de deux ans, j’ai postulé pour faire une fac à Londres.  J’ai été pris pour faire une licence en finance, puis j’ai passé les concours des écoles, et je suis arrivé à Audencia.

Là, je me suis mis dans la tête que je voulais faire de la banque d’affaires parce qu’on nous rabâche que c’est la voie royale. À l’époque, je pouvais te citer les 100 premières banques mondiales, mais on ne nous parlait pas du tout du monde des start-ups par exemple.

Après mon dernier stage en juillet 2015, je me suis dit que j’allais continuer là dedans, puisque de toute façon je ne savais rien faire d’autre. J’avais la même logique que tout le monde dans cette branche : faire cinq ans de travail acharné pour ensuite aller bosser en fond d’investissement et avoir la belle vie.

L’élément déclencheur ?

J’en ai eu deux en réalité.

Le 1er c’est pendant que je postulais aux banques anglo-saxonnes et aux cabinets de stratégie. Je passais le dernier tour d’un des gros de la place. Et puis en sortant, j’ai une illumination : je me suis dis que tout ça c’était de la m****, que ce n’est pas ce que je voulais faire. J’ai dit non à tout et je me suis dit que je voulais entreprendre, faire quelque chose d’utile, qui ait du sens, même si à l’époque je ne savais même pas ce que c’était l’entrepreneuriat social. Mais je ne voulais pas entreprendre seul, il me fallait quelqu’un de complémentaire : j’ai appelé mon copain Benjamin pour prendre une bière, et rapidement je lui dis : “j’ai une idée de génie, il faut que tu plaques tout et que tu me rejoignes” *rire*. Au début il a cru que je me foutais de lui, mais quelques semaines plus tard il me disait qu’il avait posé sa démission de la grande agence digitale dans laquelle il était. Mon idée de base, il nous a fallu 4 jours pour savoir que ça ne pouvait pas marcher. Mais ce qui nous intéressait au fond, c’était le concept d’entreprendre, donc on ne s’est pas démonté : on a réfléchi à de grands problèmes à résoudre et on s’est rendu compte qu’il y avait un gros sujet d’accessibilité aux soins. C’est comme ça qu’est né Feelae.

Le 2ème déclic, c’était avec Ticket for Change. Je pense que mon expérience avec Ticket for Change a contribué à faire qui je suis aujourd’hui. Ça m’a fait prendre conscience qu’aujourd’hui changer le monde ce n’est pas une utopie, ce n’est pas un truc de hippie. Que faire du social business, c’est-à-dire avoir un impact sur la société et en vivre c’est possible. Sans rentrer dans le pathos, ça m’a fait me poser beaucoup de questions, et j’ai l’impression d’avoir fait une refonte globale de ma vie. Au début on était poussé par ce projet, aujourd’hui on se sent porteur de ce projet. On a compris la légitimité qu’on avait, j’ai compris pourquoi je faisais Feelae et ça a complètement changé ma vision à long terme de la boîte.

Et puis ça nous a mis un coup de pied aux fesses. On est arrivé très confiants dans le programme, et je me rappelle d’une session de mentorat au tout début pendant laquelle on nous a un peu remis à notre place. On nous a dit qu’on ne foutait rien, qu’il fallait être plus dans le concret : on en avait besoin ! Le programme* nous a aussi apporté énormément de contacts, que ce soit des entrepreneurs, des experts … Nos co-participants et l’équipe Ticket for Change nous ont permis d’avancer dans la bonne direction, de nous challenger, de pousser plus loin les limites de notre réflexion. Le programme nous a permis de confronter nos idées au monde réel, grâce à l’expérience et l’expertise des mentors qui nous ont suivi.

*Le parcours entrepreneur : Qu'est-ce que c'est ?

Le Parcours Entrepreneur est un programme d’accompagnement de 6 mois, pour des individus, seuls ou en équipe, qui ont une idée de projet pour résoudre nos enjeux de société. Ticket for Change accompagne ainsi chaque année 50 talents à lancer leur start-up à impact positif en leur apportant un suivi personnalisé, des outils concrets pour tester leur idée sur le terrain, un réseau de pairs et d'experts, et une visibilité pour leur projet. Au cœur de ce programme : le Ticket Tour, un voyage intense de 10 jours à travers la France pour rencontrer sur le terrain les pionniers les plus inspirants du pays, découvrir les solutions locales, et prototyper rapidement sa start-up sociale. Et tout au long du programme, un accompagnement en ligne personnalisé et quotidien est proposé (mentoring & formations et ressources en ligne). 

Et maintenant ?

Pour résoudre ce problème d’accès aux soins, on a décidé de développer Feelae. C’est une plateforme de téléconsultation médicale qui permet à tous les Français d’avoir accès à un médecin généraliste en moins de cinq minutes n’importe où, n’importe quand en visioconférence.
Là on vient de boucler notre première levée de fonds, et on est en train de développer le produit qui sera disponible en bêta-test début mai 2017.

Aujourd’hui je "méta surkiffe" [SIC] ma vie *rires*.

Je suis dans une situation financière qui est catastrophique. Je vis chez mes parents mais je suis heureux, alors qu’avant je n’avais aucun problème de trésorerie mais j’étais malheureux. Il ne faut pas avoir peur de sauter le pas : on vit dans un monde où l’entrepreneuriat est extrêmement bien valorisé alors qu’il y a 10 ans c’était presque un gros mot. Je pense que tout le monde ne peut pas être entrepreneur mais tout le monde peut être entrepreneur de sa propre vie.