Pourquoi les entreprises redoutent le cap des 50 salariés

Le ministre du Travail François Rebsamen s'est dit prêt mercredi à "suspendre les seuils sociaux pendant trois ans".
Le ministre du Travail François Rebsamen s'est dit prêt mercredi à "suspendre les seuils sociaux pendant trois ans". © MAXPPP
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CRISE DE LA CINQUANTAINE - François Rebsamen s'est dit prêt à suspendre les seuils sociaux pendant trois ans, au nom de l'emploi. Mais quel est le rapport ?

Le cap de la cinquantaine donne parfois aux entreprises un sacré bourdon. Le passage à 10, mais surtout à 50 salariés, entraîne en effet de nombreuses obligations (et frais) supplémentaires pour les dirigeants, comme l'obligation de créer un conseil d'entreprise (CE) par exemple. Les organisations patronales réclament à cor et à cri la suppression de ces seuils, dits "sociaux", depuis des années. Selon eux, les supprimer entraînerait, de fait, un boom des embauches. Et le gouvernement vient de leur dire "chiche", quitte à froisser les syndicats et le PS.

Le ministre du Travail François Rebsamen s'est en effet dit prêt mercredi à "suspendre ces seuils pendant trois ans". "Les organisations patronales affirment qu'ils constituent des freins à l'embauche. Je dis donc aux organisations syndicales que le meilleur moyen de faire tomber cet argument, c'est de tenter l'expérience", a expliqué le ministre mercredi. "Si cela crée de l'emploi, tant mieux, sinon, on remettra les seuils en vigueur et on n'entendra plus l'argument patronal", a poursuivi François Rebsamen, dans un entretien aux journaux du groupe Ebra.

Le Parti socialiste ne soutient "pas du tout" la proposition, a rétorqué dès jeudi son premier secrétaire, Jean-Christophe Cambadélis. "Nous avions pris position, en son temps, assez sévèrement contre ce dispositif porté par Nicolas Sarkozy. Je ne pense pas que dans le moment présent, il faille faire des expériences approximatives", a renchéri le numéro un du parti majoritaire. "Ce n'était pas la position du PS. Maintenant, le ministre est en responsabilité, il peut décider, mais nous avons dit lors de notre dernier bureau national que nous ne soutenions pas l'expérience. Je souhaiterais qu'elle ne se fasse pas". Même son de cloche du côté de plusieurs syndicats, la CGT qualifiant la mesure de "bêtise", la CFDT la jugeant "incongrue".

>> Pourtant, si ces seuils apportent de nombreux droits aux salariés, ils alourdissent un peu plus la bonne marche des entreprises.

Quelles sont les différentes obligations ? Au dessus de 10 salariés, une entreprise a l'obligation de nommer un délégué du personnel, qui dispose d'un certain droit de regard sur l'action des dirigeants pour se faire le porte-parole des salariés. Au dessus de 50, les choses se corsent. En 2008, le rapport Attali pour la libération de la croissance recensait 34 obligations liées au franchissement du seuil. Parmi elles : l'obligation de créer un Conseil d'entreprise (CE), un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) avec formation de ses membres ou encore obligation de mettre en place un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) en cas de projet de licenciement économique collectif.

En quoi sont-elles contraignantes ? Ce n'est pas parce qu'une entreprise passe de 49 salariés à 50 que son budget décuple ou que les dirigeants disposent de plus de temps. Or, les obligations obligent le chef d'entreprise à trouver du temps et des locaux pour le CE, à former les membres du CHSCT ou à limiter les licenciements via la législation du PSE, qui impose de ne pas licencier autant de salariés qu'un dirigeant le souhaitait et d'accompagner les salariés licenciés avec des offres de reclassement. Selon le rapport Attali, le passage à 50 salariés entraîne un surcoût équivalent à 4% de la masse salariale.

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"L'arrivée de nouvelles règles et contraintes a été très lourde pour une petite structure comme la nôtre. Sans compter tout le temps et l'énergie déployés", témoigne ainsi un patron de PME informatique de 58 salariés dans la région Rhône-Alpes, cité par le site du magazine L'Entreprise.  "Nous avons chiffré le coût du franchissement de seuil à 165 000 euros sur deux ans. Plus que des coûts directs, ce sont des coûts indirects liés à l'activité supplémentaire ou à la nécessité de se préparer en faisant appel à des conseillers extérieurs", explique encore ce dirigeant.

Agissent-elles vraiment sur l'emploi ? Selon le patronat, la peur de passer au dessus des 50 salariés conduit les dirigeants à cesser d'embaucher une fois arrivés à 49. Selon la Banque de France, il y a ainsi deux fois plus d'entreprises de 49 salariés que d'entreprises de 50 salariés. Mais il faut relativiser ces données. "L’effet des seuils sur la dynamique et la distribution des entreprises est statistiquement significatif mais de faible ampleur", écrivent ainsi, pour leur part, deux chercheurs de l'Insee dans une étude de 2010 sur la question. Selon eux, la proportion des entreprises entre 20 et 250 salariés n'augmenterait que de 0,2% en cas de suppression des seuils.