Pourquoi la BNP risque une amende record aux Etats-Unis

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Alexis Toulon , modifié à
ON VOUS EXPLIQUE - La banque française est accusée d’avoir violé un embargo américain et pourrait devoir payer 10 milliards d’euros.

L’annonce fracassante est tombée jeudi soir. Les Etats-Unis réclament à BNP Paribas 10 milliards de dollars d’amende pour avoir violé certains de ses embargos, notamment sur l’Iran. Une somme colossale qui interpelle. Est-elle justifiée ? Menace-t-elle l’existence même de la banque française ? Ses clients doivent-ils s’inquiéter ? Explications.

Qu’est-il reproché à BNP Paribas ? La banque est accusée d’avoir violé les embargos américains sur l’Iran, Cuba et le Soudan, sur la période allant de 2002 à 2009. Rien n’empêche le groupe français de faire affaires avec les bêtes noires de Washington, à condition de ne pas les faire en dollars car cela implique que l’argent impliqué a été compensé à un moment donné sur le territoire américain. Une des hypothèses avancées serait que les investissements de BNP auraient été faits depuis la Suisse en direction de l’Iran (même si le régime n’est jamais formellement cité), potentiellement vers des entreprises françaises, comme PSA Peugeot Citroën, très actif sur place. Du commerce franco-français en terre perse, avec des devises américaines, qui pourrait coûter cher à la banque. Outre le prix de l’amende, la banque risque une interdiction temporaire de travailler sur le sol américain. Sans sa licence, BNP Paribas ne pourrait plus réaliser de transactions en dollars vers ou depuis les Etats-Unis

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Pourquoi avoir pris ce risque en sachant qu’elle pouvait se faire attaquer ? La seule question valable pour la banque est : le jeu en vaut-il la chandelle ? L’Iran est un pays qui attire les investisseurs. Une fois les sanctions levées, son secteur pétrolier devrait voir accourir les capitaux étrangers. En attendant, les entreprises européennes tentent de prendre pied dans le pays et de s’attirer les bonnes grâces de Téhéran. Un véritable pari sur l’avenir. Toutefois, à vouloir s’approcher trop du soleil, BNP Paribas s’est brulé les ailes, mais ne tombe pas pour autant des nues devant la décision de la justice américaine. Lors de la présentation de ses comptes en février, la banque avait affiché un bénéfice en baisse de 26,4%, pour l’année 2013, provoqué par la mise en provision de 800 millions d’euros… destinés à payer la future amende américaine. Au total, la banque a provisionné 2,7 milliards de dollars pour régler ses litiges. Et dans son rapport annuel 2009, BNP Paribas révélait être en discussion avec le département américain de la Justice et le bureau du procureur de New York pour des paiements en dollars réalisés vers des pays soumis aux sanctions économiques américaines. La décision des autorités américaines de fixer l’amende à 10 milliards de dollars va accélérer la procédure, qui devrait tout de même prendre des semaines. Les négociations vont être âpres pour la BNP qui aimerait réduire la facture au minimum à 8 milliards de dollars.

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La BNP est-elle la seule dans ce cas ? La banque française n’est pas la seule à être attaquée pour avoir violé les embargos économiques américains. Et les Etats-Unis sont actuellement très agressifs envers les établissements financiers européens. La Britannique HSBC, accusée de complicité de blanchiment d’argent au profit de trafiquants, de terroristes et de l'Iran, avait accepté en décembre 2013 de payer 1,92 milliard de dollars US (1,5 milliard d'euros), pour mettre fin aux poursuites. Au même moment, une autre banque britannique, Standard Chartered (SCB) avait dû payer près de 670 millions de dollars pour avoir violé l’embargo sur l’Iran. Credit Suisse a également subi les foudres de Washington pour avoir conseillé et aidé certains de ses riches clients américains à établir des "déclarations fiscales tronquées" et échapper ainsi au fisc américain. La banque avait accepté de payer une amende de 2,6 milliards de dollars (1,9 milliard d'euros).

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Quelles conséquences pour BNP ?  L’information étant tombée tard hier, les premières conséquences de la volonté du gouvernement américain de réclamer 10 milliards d’euros d’amende s’est traduit par une chute de près de 6% de la valeur de l’action à l’ouverture de la Bourse de Paris. Cette somme, équivalente à son bénéfice annuel, viderait ses réserves en fonds propres, mais BNP pourrait s’acquitter de sa dette, sans coup frémir. Evidemment, elle peut également refuser de payer l’amende. Mais elle dirait de fait adieu à sa stratégie d’implantation en Amérique du Nord. La région représentait 10% de ses revenus en 2013 et devrait atteindre 12% en 2016, principalement grâce au trading et à la corporate-finance, deux activités très profitables, assurées par la filiale Bank of the West.

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Qui va payer ? Les litiges sont monnaie courante dans le secteur bancaire et les établissements prévoient des enveloppes pour faire face à ces crises. Toutefois le montant réclamé à BNP Paribas par le gouvernement américain est sans précédent. Mais Serge Maître, secrétaire général de l'Association française des usagers de banque (Afub) se veut rassurant : il a estimé au micro d’Europe 1 que l’amende « ne devrait pas avoir d'impact sur l’emploi en France. Ceux qui peuvent y perdre, ce sont les actionnaires".

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