Mory-Ducros : une reprise et des doutes

Sur les environ 5.000  employés actuels de Mory-Ducros, seulement 2.210 seront préservés après le plan de reprise.
Sur les environ 5.000 employés actuels de Mory-Ducros, seulement 2.210 seront préservés après le plan de reprise. © Maxppp
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Damien Brunon , modifié à
Accord forcé, secteur ravagé, intentions politiques : autant de raisons qui font que cette reprise n’est pas nécessairement synonyme de sauvetage.

L’INFO. Ouf ! Le tribunal de commerce de Pontoise a finalement donné son aval jeudi à la reprise de Mory-Ducros par Arcole Industries. C’est le point final d’un psychodrame qui a agité la  CFDT pendant plusieurs jours. "Nous sommes en train d'aboutir à la reprise de 2.210 salariés, mais c'est mieux que si c'était zéro (...) et c'est quand même une victoire", a déclaré mardi Arnaud Montebourg, le ministre du Redressement productif. Une victoire à la Pyrrhus dont on a plusieurs raisons de douter de la fiabilité.

>>> Europe1.fr vous livre cinq raisons pour lesquelles la reprise de l’entreprise n’est pas synonyme de sauvetage.

Arcole a traîné des pieds pour reprendre

Pendant toute la période des négociations autour de la reprise de l’entreprise, on a beaucoup évoqué la prudence du repreneur Arcole Industries. Il faut dire que, selon ce fonds d’investissement, Mory-Ducros aurait enregistré un déficit de 80 millions d’euros en 2013 et perdrait actuellement cinq millions d’euros par mois.

Il a tout d’abord fallu que le gouvernement mette la main à la poche pour convaincre le fonds d’investir. Début janvier, Arnaud Montebourg avait annoncé un prêt de 17,5 millions d’euros pour soutenir la reprise de Mory-Ducros.

Fin janvier, le repreneur avait même menacé de retirer son offre au début de la grève des employés. Il faut dire qu’il avait imposé un certain nombre de conditions à la reprise du transporteur, dont faisait partie l’absence de mouvement social pendant les négociations.

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Arcole est déjà le patron

Fait rare et étonnant, la reprise du transporteur ne se fait pas vers une entreprise complètement étrangère. En 2011, lors d’un premier plan de reprise, Arcole était devenu l’actionnaire majoritaire de Mory-Ducros, c’est donc lui qui dirigeait l’entreprise depuis. Cette fois-ci, le transporteur est complètement racheté. Concrètement, Mory-Ducros ne sera plus une entité externe, mais une partie intégrante des activités d’Arcole.

Lors de la première reprise, près de 700 licenciements avaient déjà été autorisés par le tribunal de commerce de Bobigny. “Ce qui est surprenant, c’est qu’on a assisté à une fusion sans recentrage de l’entreprise sur certaines activités, note Olivier Klein, directeur adjoint du Laboratoire d’Economie des Transports de Lyon 2, à Europe1.fr. On a eu quelques économies d’échelle qui ont permis de diviser le déficit global par deux, mais on a pas l’impression qu’il y ait de voie de sortie qui se dessine pour cet opérateur là.”

Arcole n’est pas un spécialiste des transports

Le groupe Caravelle, dont Arcole fait partie, est un fonds spécialisé dans le rachat d’entreprises en difficulté. Ils rachètent, ils réorganisent, ils revendent. “A priori, on pourrait donc se dire que c’est un bon acteur pour redresser l’entreprise, mais ce qu’on peut se dire aujourd’hui, on pouvait se le dire il y a deux ans”, note le chercheur.

Les fonds comme Arcole voient les entreprises comme des objets marchands à part entière. L’idée est de réparer un outil cassé pour le revendre plus cher. “Et optimiser une entreprise pour qu’elle soit revendue au meilleur prix, ça ne veut pas forcément dire sauver les emplois, ajoute Fiodor Rilov, avocat spécialiste des cas médiatiques de Goodyear ou Faurecia, à Europe1.fr. Les politiques d’investissement à long terme ou la sauvegarde de tel ou tel savoir-faire des salariés, tout ça passe un peu au second plan.”

Mory Group

© Capture d'écran site Mory Group

Le secteur de la messagerie est en difficulté

Sur les 5.000 employés de Mory-Ducros, seuls 2.210 vont être sauvés par le plan de reprise d’Arcole. La réduction drastique des effectifs coule de source à en croire les spécialistes du secteur. “Le secteur du transport de colis connaît une crise renforcée, précise Olivier Klein. Progressivement, on assiste à l’érosion de la rentabilité des acteurs du secteur. Il y a trop d’acteurs par rapport au marché de la messagerie”.

C’est d’ailleurs la concurrence féroce dans le secteur qui avait amené Mory Team et Ducros Express à se rapprocher dans une fusion fin 2012. La maison-mère de Mory Team avait déjà déposé le bilan mi 2011. Quant à Ducros Express, la société avait déjà était rachetée un euro symbolique au groupe DHL. Quand les deux sociétés fusionnent fin 2012, c’est donc déjà l’alliance d’entreprises mal en point.

Une reprise politique

Des réunions jusque tard dans la nuit, des annonces téléguidées depuis le ministère et un dossier supervisé directement par Arnaud Montebourg : rien n’a été laissé au hasard pour que la reprise soit finalement signée. Pour preuve, le plan de reprise a été négocié directement dans les locaux de Bercy.

Il faut dire qu’à quelques mois des élections municipales, la faillite de Mory-Ducros aurait fait tâche. Outre les 5.000 emplois mis dans la balance, c’est surtout le maillage territoriale d’une telle entreprise qui aurait pu jouer un rôle politique négatif. Avec 85 agences partout en France, la disparition des camions Mory-Ducros aurait été remarquée sur tout le territoire.

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