Le fonds Barnier submergé par les demandes d’indemnisation

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Aurélien Fleurot, Walid Berrissoul et
ARGENT - Cette enveloppe, censée venir en aide aux propriétaires victimes des intempéries, est largement insuffisante.

Après les très violentes intempéries dans le sud de la France, l'heure est aux réparations. Mais certains propriétaires de maisons inondées à répétition peuvent être tentés de quitter leur logement situé en zone dangereuse, pour trouver une nouvelle maison. En principe, il existe même un fonds pour cela : le fonds Barnier, qui permet de racheter ces logements et d’indemniser les propriétaires au prix du marché pour qu'ils puissent s'installer ailleurs. Sauf que cette enveloppe est très largement insuffisante, après une année 2014 marquée par des intempéries en cascade.

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Quelle indemnisation après la catastrophe ? Le sud de la France n’a enfin plus les pieds dans l’eau et commence à faire les comptes. Et l’addition s’annonce lourde : dans la seule plaine côtière des Pyrénées-orientales, une cinquantaine de communes ont été touchées par les "inondations exceptionnelles", dixit la préfecture. La région de Nîmes a, elle, été touchée par plus d’une dizaine d’épisodes cévenols depuis le début de l'automne.

Pour certains habitants, c’est la catastrophe naturelle de trop et la tentation est de plus en plus forte de vouloir déménager. Mais il est difficile de vendre un bien inondé à plusieurs reprises, si bien que l’Etat a mis en place en 1995 un fonds, baptisé fonds Barnier, qui permet d’indemniser les victimes de risques exceptionnels. En clair, ce fonds rachète le logement au prix du marché pour permettre à son propriétaire d’en trouver un autre.

"Je n’attendrai pas quatre inondations". Un dispositif d’aide dont espère profiter Laure, qui est installée avec sa famille à Nîmes. Sa maison a été endommagée par les derniers épisodes cévenols. "Ça s’est joué à quelques secondes, on a vu arriver cette vague de plus de trois mètres, boueuse, qui aurait pu nous emporter", témoigne-t-elle pour Europe 1. Laure s’est donc fait une raison, elle veut déménager et a fait une demande auprès du fonds Barnier : "les voisins en sont pour certains à la troisième ou quatrième inondation. Moi je n’attendrais pas quatre inondations, ça c’est clair".

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Une indemnisation devenue incertaine. Sauf que Laure n’est pas sûre de pouvoir bénéficier du fameux fonds Barnier : si Nîmes compte 16.000 logements en zone inondable, seules une petite vingtaine de maisons ont pour le moment été rachetées avec ce fond Barnier. Les dossiers acceptés sont donc rares, même quand le drame a été évité de justesse.

Plusieurs voisins de Laure ont justement vu leur demande refusée, par exemple parce qu’ils  ont un étage où se refugier, même si le rez-de-chaussée est sous 1,5 mètre d’eau. Ce sont les critères, rappelle-t-on à la mairie de Nîmes.

Le fonds Barnier presque à sec. Si les dossiers sont si souvent rejetés, c’est parce que l’argent commence à manquer. Le fonds Barnier est doté de 190 millions d’euros par an en moyenne, une enveloppe suffisante en temps normal. Sauf que les inondations de cet automne n’ont pas été normales et que les demandes d’indemnisations pleuvent.

A la Mairie de Nîmes, on estime par exemple qu’il faudrait une enveloppe cinq fois plus importante : "idéalement, il faudrait racheter une centaine d’habitations", mais cela veut dire 40 millions d’euros, soit près d’un quart de l’enveloppe annuelle pour la France entière. Or, la région de Nîmes n’est pas la seule à avoir été victime de la météo : les demandes d’indemnisations explosent aussi dans le Var ou encore dans les Pyrénées-Orientales. Résultat, les 190 millions prévus seront insuffisants, reconnait déjà à demi-mot le ministère de l'Ecologie.

Un système à réformer ? Ce n’est pas la première fois que le fonds Barnier est insuffisant : en 2010, la tempête Xynthia avait poussé l’Etat à verser des aides exceptionnelles pour indemniser les 1.200 maisons placées en zone noire et donc menacées d'expropriation. Un coup de pouce qui pourrait à nouveau décidé.

Sauf que certaines années, l’argent mis de côté sur le fonds Barnier n’est pas toujours utilisé. Il sert alors à la prévention, c'est-à-dire à construire des digues pour protéger les habitations ou encore à financer des campagnes de sensibilisation et des dispositifs de veille pour alerter au mieux les populations. Les assureurs demandent donc à l’Etat de ne pas se disperser.