Le TGV, une menace pour les grands crus bordelais ?

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avec AFP , modifié à
Une ligne à grande vitesse doit bientôt relier Bordeaux à Dax. Mais les viticulteurs locaux redoutent l’impact sur leurs vignes.

La construction d’une nouvelle ligne à grande vitesse (LGV) provoque immanquablement de vifs débats, le plus souvent alimentés par les associations écologistes. En Aquitaine, l’opposition vient aussi d’un autre groupe, d’habitude peu concerné par les grands travaux : les producteurs de vins. Ces derniers avancent même un argument qui pèse lourd : la nouvelle LGV menacerait la qualité de nombreux grands crus bordelais, dont des sauternes.

SNCF câbles

L’Aquitaine en pleine réorganisation ferroviaire. Si les TGV circulent bien dans le Sud-Ouest, c’est souvent à vitesse réduite dans la région car les lignes ne sont pas adaptées à la grande vitesse. Mené par Réseau ferré de France, (RFF), le Grand projet ferroviaire du Sud-Ouest (GPSO) vise donc à moderniser le réseau en construisant deux lignes à grande vitesse (LGV), Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax, pour ensuite prolonger cette dernière jusqu’à la frontière espagnole.

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Une LGV en pleine zone de grands crus. Prévue pour entrer en fonction en 2027, la LGV entre Bordeaux et Dax doit traverser la basse vallée du Ciron, une zone classée Natura 2000 entourée de nombreux domaine viticoles reconnus. D’où l’inquiétude de l'Union des vins liquoreux de Bordeaux, qui regroupe onze AOC, dont des grands crus de sauternes et de barsac. "Nous appelons tous les défenseurs des vins liquoreux à faire part de leur mécontentement", a lancé son président Philippe Dejean

Le Comité interprofessionnel des vins de Bordeaux a demandé lui aussi "des éclaircissements" à RFF et "une véritable enquête menée sans a priori". Car "aujourd'hui rien n'existe" quant à l'impact des travaux sur les sauternes, souligne son président, Bernard Farges.

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Viticulteur yonne empoisonneur arsenic

Que redoutent les viticulteurs ? De prime abord, le lien entre la future LGV et la qualité des grands crus bordelais ne saute pas aux yeux, d’autant que le nouveau tracé passe à une dizaine de kilomètres du vignoble de Sauternes. Mais les viticulteurs craignent que la LGV perturbe le fragile micro-climat de la région, et donc la spécificité de leurs vins.

D’après les producteurs locaux, les liquoreux de Bordeaux ne doivent en effet leur existence qu'à une brume matinale générée par les eaux froides du Ciron - "à température de la terre" - qui se réchauffent en arrivant sur la plaine de Sauternes. Et c'est ce brouillard qui permet l'apparition sur les grappes d'un champignon, le botrytis, qui va "confire" les grappes, donnant au jus de raisin son arôme spécifique.

"C'est ça, le moteur de nos AOC !" insiste Xavier Planty, président de l'organisme de défense et de gestion de Sauternes. "Si les eaux du Ciron se réchauffent, la formation du brouillard sera plus compliquée. On ne peut pas prendre le risque de tout foutre en l'air".

"Pas d'effet sur sa climatologie". A la fois pour des raisons d'éloignement du tracé et de dimensionnement des ouvrages, RFF estime que le projet de ligne "n'est pas susceptible d'entraîner un impact" sur la basse vallée du Ciron, notamment sur le vignoble de Sauternes et Barsac. Et il "n'aura pas d'effet sur sa climatologie", affirme RFF. Avant de rappeler que le projet "résulte d'une longue démarche d'études et de concertation" à partir des débats publics de 2005-2006, et que les enjeux avaient été identifiés avec les acteurs, "dont ceux des secteurs viticoles".

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Une alternative à moins grande vitesse ? Des explications qui ne satisfont pas le député socialiste de la Gironde, Gilles Savary. Pour l'élu, membre de la Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire de l'Assemblée nationale, il serait bien plus judicieux de réhabiliter les voies ferroviaires existantes pour "sortir Toulouse de son enclavement" et "aller le plus tôt possible jusqu'en Espagne", mais "avec des trains circulant à 250 km/h, et non à 340 km/h" sur des lignes nouvelles.

Pour mettre fin au débat, trois enquêtes publiques ont été menées entre octobre et décembre.  Un rapport de synthèse sera remis au Conseil d'État qui émettra un avis que le gouvernement pourra suivre ou non. Mais les viticulteurs préviennent : s’ils ne sont pas entendus, ils menacent de "saisir la Cour de justice européenne".