Essence : peut-on stopper la flambée ?

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avec Carole Ferry , modifié à
ENQUETE - Les prix sont condamnés à augmenter mais on peut freiner le mouvement.

La barre symbolique des deux euros le litre a été franchie mardi dans une station essence, en plein de centre de Paris. Et avec ce pic, le prix des carburants est devenu dès mercredi un sujet polémique de la campagne présidentielle. Les politiques tentent de rebondir et de proposer des solutions. Mais comment est fixé le prix des carburants et quelles sont les marges de manœuvres réelles ?

L’inexorable hausse des prix

L'essence à deux euros ne concerne qu'une seule seule station pour le moment mais un tel niveau de prix pourrait bien se généraliser. C'est même inéluctable, l'essence à deux euros le litre sera bientôt la norme, ce n'est qu'une question de temps, à en croire Jean-Louis Schilanski, le président de l'Union de l'industrie pétrolière. "Le litre à deux euros, cela dépend de ce qui va se passer sur le front géopolitique : s'il y a des incidents diplomatiques en Iran, cela peut aller très vite car les marchés vont prendre peur, cela risque de s'enflammer", décrypte-t-il.

Et "par le jeu normal de l'offre et de la demande, et notamment la demande croissante qui vient d'Asie et le fait que le pétrole est une matière qui n'est pas inépuisable, on s'oriente vers un prix de l'essence à deux euros le litre dans un futur de trois à cinq ans", ajoute Jean-Louis Schilanski.

La très taxée composition des prix

Cette tendance lourde de hausse des prix du pétrole est donc inévitable et les marges de manœuvres sont inexistantes puisque le marché mondial échappe complément au contrôle de l'Etat. En ce qui concerne le prix de l'essence, c'est différent et notamment en raison de la composition de ce tarif : le pétrole ne représente que 40% du prix, environ 60 centimes d'euros par litre, c'est-à-dire parmi les prix les moins chers d'Europe.

Les 60% qui restent se décomposent ainsi : 6% de raffinage et de distribution, c'est-à-dire les bénéfices des pétroliers, et 54% de taxes de l'Etat. Ces taxes, la TVA à 19,6%  et la TIPP à 61 centimes par litre, sont donc des leviers sur lesquels les candidats à l'élection présidentielle souhaitent agir.

Les solutions de chaque candidat

Chacun a donc présenté sa solution pour freiner l'inflation des prix de l'essence. Pour Nicolas Sarkozy, c'est aux consommateurs de faire jouer la concurrence : à eux de boycotter les stations les plus chères pour les obliger à baisser leurs prix... dans les régions où il y a de la concurrence. Pour le Front de gauche, il faut au contraire nationaliser Total, ce qui est possible mais coûterait 100 milliards d'euros.

Les autres candidats proposent d'agir sur la fameuse TIPP. Marine Le Pen souhaite l'abaisse de 20%, une modification compensée par une surtaxe des grands groupes pétroliers. Nicolas Dupont-Aignan propose, lui, de la réduire de six centimes d'euros. Quant à François Hollande, il propose de bloquer les prix pendant trois mois et de restaurer une "TIPP flottante".

"Recomposer le prix de l'essence"

Bloquer les prix est en effet tout à fait possible, le gouvernement peut même les figer jusqu'à six mois. Au-delà, c'est légalement impossible et surtout dangereux parce que l'industrie pétrolière n'est pas seulement constituée du groupe Total et ses 12  milliards de bénéfices mais aussi de petites stations essences indépendantes et de raffineries, beaucoup plus fragiles.

Un gel des prix pendant trois mois serait néanmoins une bonne manière d'appuyer sur le bouton "pause", le temps de réfléchir. "Pendant ces trois mois, je pense qu'il faut se réunir avec les représentants de l'industrie pétrolière et prendre de très bons fiscalistes et économistes afin de recomposer le prix de l'essence", estime Thomas Porcher, économiste à l'Ecole supérieure de gestion (ESG).

Avantages et inconvénients de la TIPP flottante

"Il faudrait mieux partager cette taxe, qui repose uniquement sur le consommateur, entre les pétroliers et les consommateurs car il n'y a aucune raison qu'elle repose seulement sur les consommateurs", poursuit Thomas Porcher, avant d'ajouter : "'il faudrait d'autre part différencier les travailleurs qui ont besoin de leur voiture, pour qui c'est une dépense contrainte, des conducteurs occasionnels qui ne l'utilisent que le dimanche".

L'autre solution consiste à restaurer la fameuse TIPP flottante, dont le principe est de moduler le montant des taxes pour conserver les prix inchangés : quand le prix du pétrole est très élevé, on baisse les taxes. Et quand il redescend, on remonte les taxes. Ce sont donc les taxes qui bougent et non le prix de l'essence.

Sauf que si le prix du pétrole ne cesse de monter, les taxes ne cesseront de baisser et ce sera donc moins d'argent qui rentre dans les caisses de l'Etat. Problème : les taxes sur l'essence représentent quand même 10 à 15% du budget de l'Etat.

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