Écotaxe : vers l'abandon de projets routiers ?

La nouvelle version de l'écotaxe est officiellement reportée "sine die", a indiqué la ministre de l'Environnent.
La nouvelle version de l'écotaxe est officiellement reportée "sine die", a indiqué la ministre de l'Environnent. © Reuters
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avec Anne-Laure Jumet et Emmanuel Duteil , modifié à
 CASSE-TÊTE - L'écotaxe enterrée, l'exécutif cherche un moyen de financer les infrastructures. Et ce n'est pas gagné…

Ségolène Royal a enterré la taxe poids lourds. La nouvelle version de l'écotaxe est officiellement reportée "sine die", a indiqué la ministre de l'Environnent jeudi. Et cela va coûter cher à l’État. Il va, d'une part, falloir payer les loyers dus à l'exploitant des portiques de collecte de la taxe. Et il va surtout manquer de l'argent pour financer les routes françaises. Environ 400 millions d'euros devaient être affectés à cette tâche. Et les remplacer s'annonce compliqué.

Plusieurs projets vont être repoussés. De nouveaux projets d'infrastructure vont donc être repoussés "sine die" en même temps que la taxe. C'est le cas de la seconde phase de la rocade de Strasbourg ou du passage à trois voies de certains tronçons de la rocade de Bordeaux par exemple. Ces projets étaient prévus dans le budget de l'Etat pour 2015, mais ils vont être repoussés faute d'écotaxe, selon la Fédération nationale des travaux publics. L'Etat et les collectivités locales vont désormais devoir renégocier pour voir ce qui va être annulé. Des projets de transports en commun pourraient également être retardés, pour compenser le manque de financement des routes.

Une taxe sur les sociétés d'autoroutes ? Pour palier le manque à gagner, Ségolène Royal remet sur le devant de la scène l'idée de taxer les sociétés d'autoroutes. "C'est un peu choquant de les voir faire autant de profits", dénonce la ministre. Mais l'opération s'annonce compliquée. L'an dernier, le gouvernement a déjà voulu augmenter de 100 % une taxe à la charge de ces sociétés. Résultat ? Colère des intéressées, saisine du Conseil d’État, et une taxe vue au rabais.  Si le gouvernement veut encore actionner ce levier, ce sera donc une nouvelle bataille juridique. Un dirigeant de société d'autoroutes le confirme d'ailleurs à Europe1, confiant : "on ira devant le Conseil d’État, et on gagnera !"

Un meilleur partage des bénéfices ? "Les sociétés autoroutières ont bénéficié (...) de contrats extrêmement avantageux (...), extrêmement bien faits, ils prévoient que s'il y a une augmentation de fiscalité (...) il doit y avoir une compensation", a d'ailleurs prévenu Michel Sapin, ministre des Finances, jeudi lors d'une conférence de presse à Washington.

L'autre possibilité qu'il reste à Ségolène Royal, c'est donc de jouer la carte du donnant-donnant. L’État pourrait allonger la durée de concession des sociétés d'autoroutes, celle qui leur donne le droit d'exploiter le réseau, et en échange, elles partageraient davantage leurs bénéfices avec l'Etat. L'autre compensation pourrait être une augmentation des péages. Mais cela ne séduit pas franchement l'exécutif. "L'augmentation du péage, est-ce que c'est une bonne solution, y compris pour les camions ? Je n'en suis pas absolument certain", a Michel Sapin.

"Les sociétés d'autoroutes sont en position de force", reconnait, en guise de conclusion, un parlementaire socialiste partisan du bras de fer. Pendant ce temps l'état des routes, lui, continu de se dégrader.