Délocaliser, c'est vraiment grave pour l'emploi ?

Entre 2009 et 2011, 4,2% des sociétés françaises ont délocalisé au moins une activité, mais elles se sont tournées d'abord vers l'Union européenne et non vers les pays émergents, contrairement aux idées reçues, selon un rapport officiel de l'Insee publié mercredi.
Entre 2009 et 2011, 4,2% des sociétés françaises ont délocalisé au moins une activité, mais elles se sont tournées d'abord vers l'Union européenne et non vers les pays émergents, contrairement aux idées reçues, selon un rapport officiel de l'Insee publié mercredi. © REUTERS
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Selon l'Insee, cela ne détruit "que" 6.600 postes par an. Où ? Pourquoi ? Est-ce crédible ?

Les chiffres. Et si les délocalisations n'étaient pas si graves que ça ? Entre 2009 et 2011, seules 4,2% des entreprises marchandes de 50 salariés ou plus (hors banques et assurances) ont déménagé des activités vers l'étranger, soit 1176 sur 28.000, révèle l'Insee mercredi. En trois ans, le phénomène n'a entrainé la suppression "que" de 20.000 emplois, soit 6.600 par an, assure l'institut. Et l'étude ne prend même pas en compte les entreprises qui ont fait le chemin inverse. À titre de comparaison, rien qu'en 2011, les secteurs marchands ont perdu, au total, 108.000 emplois. Les délocalisations n'auraient donc représenté que 6% de ce total.

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Une usine TRW en Moselle. Ce sous-traitant a pour client Peugeot et Citroën.

L'étude est-elle crédible ? Les données de l'Insee sont à prendre avec des pincettes : l'Institut ne prend pas en compte les suppressions d'emplois chez les sous-traitants entrainées par les délocalisations. Or, reconnaît l'Insee, les chiffres des précédentes études incluant les sous-traitants sont "un peu supérieur" même si "d'un ordre de grandeur comparable". L'un des plus vastes, réalisée par l'Insee entre 1995 et 2001, concluait par exemple que les délocalisations stricto sensu seraient à l'origine de 10 % à 20 % des diminutions des effectifs. Mais ces chiffres ont dégrossit depuis que la crise est passée par là, assure l'Insee. Aujourd'hui, "les entreprises se développent moins à l'étranger", insiste l'institut. La vérité se situe donc entre les deux.

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Quels sont  les secteurs les plus touchés ? L'industrie manufacturière et les services de l'information et de la communication apparaissent comme les secteurs les plus dévastés, avec  8,8 % des sociétés concernées. Rien que dans l'industrie, les délocalisations ont entraîné la suppression de 11.500 postes, notamment dans la fabrication d'équipements électriques, informatiques, électroniques et optiques. Dans l'immense majorité des cas, les délocalisations touchent des entreprises d'envergure internationale. Presque toutes appartiennent en effet à un grand groupe (94%) et délocalisent en majorité au sein de ce dernier.

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Où partent les entreprises ? Les entreprises qui délocalisent privilégient d'abord les quinze pays originels de l'Union européenne (destination de 38% des entreprises ayant délocalisé). Viennent ensuite l'Afrique (24%), les nouveaux États membres de l'Union (22%), puis la Chine (18%) et l'Inde (18%). Ce faible classement de l'Asie s'explique en partie par le fait que les coûts de production ne sont pas le seul critère pour aller voir ailleurs. La Chine et l'Inde pâtissent en effet de "leur éloignement et d'un environnement des affaires parfois moins attrayant". À l'inverse, l'Afrique bénéficie "de sa proximité avec la France et de l'usage du français dans certains pays", explique l'Insee.

Pourquoi certaines renoncent à partir ? D'après l'institut, 3,1% des sociétés ont envisagé des délocalisations sans les effectuer. Et la moitié d'entre elles justifient leur décision par la peur de ne pas trouver une qualité de produits aussi bonne qu'en France, une fois la délocalisation effectuée. Le besoin d'une proximité avec le client, les barrières juridiques et administratives ainsi que la peur d'un mouvement social finissent ensuite de les convaincre.