Déficits, dette : du mieux dans le pire

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La France se serre la ceinture et emprunte moins mais continue à vivre au-dessus de ses moyens.

La guerre des chiffres est déclarée, laissant libre cours aux interprétations de chaque candidat à l’élection présidentielle. En 2011, le déficit public s’est stabilisé à 5,2% du produit intérieur brut (PIB) mais la dette a atteint 85,8% du PIB.

"Les chiffres sont excellents. La France a réduit ses déficits de 22 milliards d'euros", s’est réjoui vendredi Nicolas Sarkozy sur Europe 1. "Monsieur Sarkozy cherche à transformer en bonne nouvelle ce qui en réalité est une mauvaise nouvelle", ont répliqué Michel Sapin et Jérôme Cahuzac, responsables économiques du programme de François Hollande. Que faut-il comprendre derrière les derniers chiffres de l’Insee ?

LE DÉFICIT PERSISTE MAIS RALENTIT

Le chiffre. L’administration française dépense plus d’argent qu’elle n’en gagne, générant ainsi du déficit public : en clair, l’argent qu’elle doit emprunter et qui se transforme ensuite en dette. Le déficit public est passé de 7,1% du PIB en 2010 à 5,2% en 2011.

La bonne nouvelle. La France a réduit son déficit grâce à des dépenses contenues mais aussi et surtout parce que les entrées d’argent ont été meilleures que prévu. "Jamais le déficit public de la France n'a autant diminué d'une année sur l'autre", s'est réjoui le Premier ministre François Fillon.

La mauvaise nouvelle. La situation s’améliore donc après plusieurs années dans le rouge vif mais notre pays continue à vivre à crédit malgré une ambiance de rigueur généralisée. Le prochain gouvernement devra donc soit augmenter les recettes, et donc les impôts, soit réduire les dépenses et donc les recrutements, remboursements médicaux, transferts sociaux, etc.

Les perspectives. Si clôturer une année sans déficit paraît illusoire, ce n’est jamais arrivé depuis 1974, la maîtrise des déficits doit donc continuer. Le gouvernement prévoit de finir l’année 2012 à 4,4% pour atteindre 3% en 2013, mais tout dépendra de la croissance. Grâce à cette dernière et à  l’inflation, qui efface naturellement une partie des déficits, on estime que clôturer l’année en déficit n’est pas dangereux jusqu’à 3%. Au-delà, ce déficit est difficilement rattrapable et s’ajoute à la dette.

LA DETTE SE CREUSE ET S’ACCÉLÈRE

Le chiffre. La dette résulte de l’accumulation, année après année, des déficits publics. Elle atteint désormais 1.717,3 milliards d'euros, un nouveau record : la dette s’est en effet aggravée, passant de  82,3% du PIB en 2010 à 85,8% en 2011.

La mauvaise nouvelle. La dette s’est creusée plus vite que prévu, le gouvernement tablait sur 84,9% et non 85,8%. A ce rythme, la dette, "devrait aisément dépasser la barre fatidique des 90% du PIB cette année", souligne Marc Touati, d'Assya Compagnie financière. Problème : plus la dette augmente, plus il faut consacrer d’argent à la rembourser. Et lorsque la croissance est atone, un pays risque d’entrer dans un cercle vicieux, devant contracter de nouveaux prêts pour rembourser les précédents.

La bonne nouvelle. La France ayant limité son déficit public en 2011, elle envoie un signal positif aux investisseurs : elle est sur la bonne voie et inspire d’avantage confiance. L’Hexagone devrait donc avoir moins de mal à emprunter de l’argent et bénéficier de meilleurs taux d’intérêt… mais il s’agit toujours de s’endetter.

UNE INCONNUE : LA CROISSANCE

Pour freiner la dette, il faut donc continuer à réduire les déficits publics. "La grosse marche sera d'atteindre 3% (de déficit) en 2013", décrypte l'économiste de l’OFCE Eric Heyer, qui juge cet objectif "quasiment irréalisable avec une croissance aussi faible et les plans de rigueur simultanés partout en Europe".

La croissance au cours des prochaines années sera donc déterminante et pour cause : plus de croissance, c’est plus de richesses créées et donc plus d’entrées d’argent sans que le contribuable n’ait l’impression de se serrer la ceinture. Après une année 2011 à 1,7% de croissance, le gouvernement table sur 0,7% pour 2012. Un chiffre peu réjouissant, d’autant qu’il a revu à la baisse ses prévisions pour 2013, passant de 2 à 1,75%.