La crise a poussé beaucoup de Grecs dans la rue depuis 2010. 4:53
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Sébastien Krebs, en Grèce, édité par Thibaud Le Meneec , modifié à
À quelques jours des européennes, Europe 1 voyage à travers le continent. Pour cette cinquième et dernière étape, notre grand reporter s'est rendu en Grèce, où le pays essaye tant bien que mal de retrouver le chemin de la prospérité, entre le retour de la croissance et un chômage qui reste très élevé.
REPORTAGE

À l'occasion de la dernière semaine avant les élections européennes du dimanche 26 mai, Europe 1 voyage à travers le continent, à la rencontre des pays qui le peuplent. Notre grand reporter Sébastien Krebs s'est rendu en Grèce, où la grave crise économique du début des années 2010 a laissé des traces profondes. Là-bas, la société se relève difficilement de la tutelle de ses créanciers et les citoyens entretiennent une relation ambivalente avec l'Europe.

Les spectres qui pesaient sur la Grèce se sont éloignés au fil des ans. Désormais, on ne parle plus d'une sortie de l'Union européenne, le fameux "Grexit", ni d'une faillite. Le pays est sorti des plans d'aide et donc de la tutelle de ses créanciers l'été dernier, avec la possibilité retrouvée de réemprunter sur les marchés. La croissance est revenue depuis deux ans. L’étau semble s’être au moins un peu desserré.

C'est cette "renaissance" qu'essaye de présenter le Premier ministre Alexis Tsipras dans ses meetings : "Nous n'avons plus besoin des technocrates de Bruxelles", clamait-il récemment dans une banlieue populaire de Bruxelles, se vantant d'avoir enfin augmenté le Smic, longtemps en baisse. Aujourd'hui, il est d'environ 650 euros.

"Du travail pour les jeunes !"

Alexis Tsipras vient par ailleurs d'offrir un treizième mois aux retraités, de quoi redonner un peu le moral à ses électeurs. "Ma retraite a énormément baissé, de 40%. Mais là, je vois qu’il y a une certaine amélioration, elle a de nouveau augmenté, de 15 euros", constate un retraité. "C’est normal d’en vouloir à l’Europe quand on te baisse ton salaire comme ça. Mais la réalité, c’est vrai que l’Europe nous a quand même aidé", concède une habitante. "Ça ne suffit pas de sortir des plans d’aide, maintenant il faut des infrastructures, il faut du travail pour les jeunes, et des perspectives !", insiste une autre.

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Le gros point noir du pays reste le chômage. Il est de 18%, le plus élevé de l’Union. Chez les jeunes, ce taux frôle les 40%. Et ce sont les étudiants croisés par Europe 1 qui se montrent les plus virulents : "On nous a appris toute notre enfance que l’Europe était une belle idée, très positive… Mais ce que je vois, ce ne sont que des situations difficiles. Nous les jeunes, on veut travailler !"

La Grèce est encore sous surveillance de ses créanciers. Il reste une dette colossale, qui atteint 180% du PIB, et Alexis Tsipras n'a jamais obtenu son effacement. L'austérité est en fait toujours là : les pensions de retraites ont baissé 23 fois en huit ans et le revenu médian dépasse à peine 600 euros.

Salaires faibles et inflation de l'immobilier

La pauvreté n'a donc pas réellement diminué. "Je désespère à me dire que j’ai travaillé toute ma vie, et que je n’ai plus que ça. Je perds confiance", déplore Andreas, 75 ans, ouvrier à la retraite qui vit avec moins de 500 euros en compagnie de sa femme. "Peut-être qu’un jour ça ira mieux, mais je crois que ce ne sera pas de mon vivant. J’aimerais qu’ils se disent que l’Europe est une famille, et que la Grèce fait partie de cette famille." Andreas ira quand même voter, avec l’espoir que les députés européens défendront la Grèce.

En attendant, Andreas va trouver de l’aide auprès de sa paroisse, comme beaucoup. Les religieux, d'ailleurs, ne voient pas d’amélioration, car l'Église accueille toujours 20.000 personnes, de tous les âges, dans les soupes populaires qu'elle organise. 

Entendu sur europe1 :
On s’attendait pas à rester aussi longtemps, avec les enfants, qui sont grands, tous dans la même chambre

La situation est aussi difficile pour les gens qui travaillent : les salaires ne remontent que très peu, et en même temps, le tourisme à Athènes fait exploser les prix de l’immobilier, si bien qu’il devient très difficile de se loger. Nikos Rompapas est dans ce cas-là : cet informaticien a dû retourner vivre chez ses parents, au début de la crise, avec sa femme et ses enfants. Aujourd'hui, il en a trois. Ils ont coupé l’appartement en deux, et le logement commence à être petit, mais il ne peut toujours pas faire autrement. Ses revenus ont été divisés par deux. "On s’attendait pas à rester aussi longtemps, avec les enfants, qui sont grands, tous dans la même chambre", se désole-t-il. "On en voit pas le bout, de cette crise." "Moi j’en veux à l’Europe. Ils auraient dû être plus compréhensifs avec la Grèce. Mais pas ce massacre ! Ça a été un massacre !", dénonce sa mère.

Pas d'enjeu européen dans cette campagne

Dans ces conditions, le pays peut-il repartir ? Pour l'heure, la croissance n’est qu’à 2%. Les experts estiment que la Grèce peut faire bien mieux, et s'attaquer vraiment au chômage. Le pays échoue encore à se rendre suffisamment attractif pour les entreprises et les investisseurs étrangers. La gauche de Tsipras a eu massivement recours aux impôts, qui sont très élevés.

C'est tout le débat qui occupe cette campagne, dont l’enjeu n’est en fait pas très européen. Cette élection peut avant tout se voir comme la répétition générale avant les législatives, prévues à l’automne. Et où Alexis Tsipras, menacé de perdre le pouvoir car devancé par le parti de centre droit, joue sa peau.