Comment mettre du "local" dans les cantines ?

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MADE IN FRANCE – Le gouvernement envoie un guide aux maires pour favoriser la proximité dans les cantines. Réalisable ?

Le saviez-vous ? La majorité des produits consommés dans les cantines scolaires sont importés. Selon  le ministère de l'Agriculture, la proportion des denrées étrangères se situe entre 50 et 60%. Selon la  FNSEA, le principal syndicat d'agriculteurs français, cela grimpe même à 70% pour la viande rouge et 90% pour la volaille. Pourtant, il n'est pas si difficile de proposer un menu plus "Made in France".

Le ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll,  a ainsi présenté mardi un guide destiné aux collectivités et aux ministères, afin de les encourager à privilégier les approvisionnements locaux dans les cantines publiques. "On doit améliorer l'approvisionnement dans la restauration collective" et ce guide a pour objectif de "donner des indications sur la méthode qu'on peut utiliser", a expliqué le ministre.

Qu'il y a-t-il dans ce guide ? Le code européen des marchés publics interdit de faire valoir une préférence nationale dans les achats. Mais il est possible de contourner cette règle tout en restant dans un cadre légal. Et ça, selon Stéphane Le Foll, beaucoup d'élus l'ignorent. Le guide contient donc un résumé des dernières règlementations en vigueur pour aider l'agriculture de proximité.

Le document rappelle que la mairie, en charge des cantines, peut par exemple inscrire des critères environnementaux et qualitatifs dans ses appels d'offres à destination des producteurs. Ce qui favorise, de fait, l'agriculture biologique locale, qui intègre des critères qualitatifs dans sa production, diminue l'usage de pesticide et réduit la durée du transport des marchandises. La mairie peut également découper ses commandes en petits lots, pour favoriser plusieurs petites entreprises locales plutôt qu'une seule grande multinationale.

Baptisé "comment promouvoir l'approvisionnement local en restauration collective ?", ce guide sera envoyé en version numérique à tous les maires, présidents des Conseils généraux et régionaux, aux Chambres d'Agriculture et aux autres membres du gouvernement. Mais est-il vraiment utile ?

>> Pour lire l'intégralité du guide, c'est par ici

Avant tout une question de "volonté politique". "Le code du marché public a été nettoyé en la matière. Aujourd'hui, ce n'est pas compliqué de faire du Made in France. Ce guide peut donc permettre de vulgariser les règles", salue Jacques Pélissard, président UMP de l'Association des maires de France de 2004 à 2014, contacté par Europe1. "Mais c'est avant tout une question de volonté politique", prévient celui qui est également maire de Lons-le-Saunier, commune du Jura qui propose, depuis 1991, du 100% local pour le pain et le bœuf, et du 25% pour les légumes.

Si ce n'est juridiquement "pas compliqué", introduire des produits locaux dans les cantines nécessite toutefois certaines conditions. "Il faut, d'une part, une offre suffisante de la part des producteurs. Souvent, il n'y a pas assez de produits pour fournir les cantines. Surtout des produits bios, de qualité. Introduire des produits de proximité non bio, ça n'a pas beaucoup d'intérêt. Il faut conjuguer les deux", souligne Jacques Pélissard.

Mais même en l'absence d'offre suffisante, les maires ont tout de même le choix. Car c'est souvent la décision politique qui change la donne. "Si le maire garantit aux agriculteurs une demande pérenne, les agriculteurs s'adaptent. Chez nous, c'est la demande qui a déclenché l'offre. On leur a dit : 'on vous achète vos produits, et vous nous fournissez des produits de qualité", raconte l'élu.

Comment surmonter le surcoût ? Mais le "local" dans les cantines est aussi une question de coût. Car acheter bio coûte plus cher. Un kilo de pommes "locales" en Indre-et-Loire, par exemple, peut coûter jusqu'à 1,90 euro, soit le double que chez un grossiste, selon TV Tours. Et cela risque, au final, d'alourdir la facture des contribuables. "A long terme, ça ne coûte pas forcément plus cher. Les produits locaux peuvent être conservés plus longtemps, davantage retravaillés. Il faut bien s'organiser", nuance Jacques Pélissard.

Ce dernier reconnaît tout de même que "bien s'organiser" nécessite aussi des investissements. "Nous sommes par exemple en train de créer une légumière, pour laver, stocker, conditionner et conserver les légumes plus longtemps. Ça nous a coûté 900.000 euros, mais l'Europe, l’État et la Région en ont financé 80%". Produire local, c'est donc une question nationale, voire plus.