Automobile : se reconvertir, pas si facile

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Sophie Amsili , modifié à
ENQUETE - Un programme existe mais peine à recruter. Rencontre avec deux candidats.

D'un côté, un secteur frappé de plein fouet par la crise, qui pourrait voir disparaître quelque 80.000 emplois en Europe dans les deux prochaines années.  (>> A LIRE : Renault va supprimer 7.500 postes) De l'autre, une industrie qui résiste bien et qui a besoin de techniciens pour répondre aux nouvelles commandes.  Et pourtant, entre l'automobile et l'aéronautique, peu de salariés tentent le grand saut. L'agence de travail temporaire Randstad en fait l'expérience : tablant sur 9.000 à 13.000 embauches dans l'aéronautique sur les 18 prochains mois, elle a lancé l'été dernier une "passerelle" pour reconvertir des ouvriers de l'automobile. Electriciens, carrossiers, peintres ou encore métallos peuvent ainsi apprendre à utiliser leurs compétences dans l'aéronautique pendant des formations de 6 à 12 semaines assurées par les centres de formation d'apprentis (CFA) de l'aérien.

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Problème: sur 400 ouvriers contactés, seule une trentaine a accepté de se lancer dans l'aventure. Et la moitié ne vient finalement pas de l'automobile. "C'est peu au vu des efforts mis en œuvre", reconnaît Laurent Duverger, responsable de la formation, contacté par Europe1.fr.  Former aux métiers de l'aéronautique coûte, de plus, "50% à 100% plus cher qu'une formation standard", précise-t-il.

Pourquoi si peu de candidats ? Randstad avance plusieurs raisons dont la première est géographique : c'est en effet le grand écart entre l'automobile, traditionnellement implantée dans le Nord-Est de la France, et l'aéronautique, plutôt dans l'Ouest et le Sud-Ouest. Les participants, prêts à déménager, sont donc souvent des jeunes sans enfants. Autre raison : le métier, plus exigeant, rebute également certains. "Dans l'automobile, il y a quasi-zéro entorse au protocole, mais dans l'aéronautique, il y en a zéro", souligne Laurent Duverger. Et la moindre erreur coûte cher : "si un réservoir est mal percé, on ne peut pas le réparer. C'est un million d'euros jeté à la benne."

L'automobile, ne "plus en entendre parler"

Deux jeunes hommes, rencontrés par Europe1.fr, tentent néanmoins le pari. Gérald Triviaux-Frenet, 26 ans, fabriquait depuis cinq ans des pièces chez plusieurs équipementiers automobiles de la région parisienne. Nicolas Cardoso, 27 ans, était quant à lui mécanicien dans un garage d'Angoulême.

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© S.A./Europe1.fr

Mais l'automobile, ce secteur où "il n'y a pas d'avenir",  ils ne veulent "plus en entendre parler", lâchent-ils. "C'est le travail à la chaîne", se désole Gérald Triviaux-Frenet. "Il faut que la machine tourne, c'est tous les jours la même chose. On devient des robots et il n'y a pas de reconnaissance." Et à la fin, pourquoi ? s'interroge le jeune homme. "Il faut aller plus vite pour produire plus, mais, derrière, il y a moins d'achats." Il veut maintenant "que [son] cerveau fonctionne". Nicolas Cardoso, veut, lui, en finir avec les mains sales et les journées dans le froid de son garage. Il voudrait surtout avoir des perspectives d'évolution, comme son père et son frère employés dans l'aéronautique. Lui s'y voit déjà chef d'équipe d'ici dix à quinze ans.

Tous deux attendent avec impatience le certificat d'"ajusteur cellule" que leur délivrera la formation. Pour eux, ce sera la promesse d'un emploi plus facile à trouver, mieux payé et plus valorisant. L'aéronautique, c'est "la perfection", dit l'un, "l'excellence", dit l'autre. Le niveau d'exigence ne leur fait  pas peur, au contraire. Gérald Triviaux-Frenet s'anime de ce nouveau défi : "On n'a pas le droit à l'erreur." Et si Airbus les appelait pour les faire venir à Toulouse ? Nicolas Cardoso, "jeune et sans attaches", est affirmatif : "moi je prends mon sac et je suis parti."