Accords fiscaux au Luxembourg : des sanctions de Bruxelles ?

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Noémi Marois, Isabelle Ory et Julien Pierce avec AFP , modifié à
FISCALITÉ - Le Luxembourg aurait passé des accords fiscaux avec des centaines d'entreprises entre 2002 et 2010. La Commission européenne se dit prête à sanctionner.

Scandale de taille. Voilà ce que révèlent jeudi 40 médias internationaux. Selon des documents obtenus par le Consortium international des journalistes d'investigation (ICIJ), le Luxembourg aurait passé des accords fiscaux avec 340 multinationales, dont Apple, Amazon, Ikea ou Pepsi. Ces ententes, passées entre 2002 et 2010, représenteraient des milliards d'euros de recettes fiscales perdues pour les Etats où ces entreprises réalisent des bénéfices. À la suite de ces révélations, la Commission européenne se dit prête à sanctionner le Luxembourg, a déclaré Margaritis Schinas, un de ses porte-parole. Le premier ministre du Grand-Duché, Xavier Bettel, a répliqué en avançant que les pratiques fiscales du Luxembourg étaient "conformes aux lois internationales". 

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28.000 pages de documents bien bavardes. Dans son enquête de six mois baptisée "Luxembourg Leaks" ou "LuxLeaks", l'ICIJ a eu accès à 28.000 pages de documents de "tax ruling", rédigées par le cabinet d'audit et de conseil PricewaterhouseCoopers (PwC).  

On y découvre comment de grandes entreprises "s'appuient sur le Luxembourg et ses règles fiscales souples, mais aussi sur les déficiences de la réglementation internationale, pour y transférer des profits afin qu'ils n'y soient pas taxés, ou très faiblement", écrit Le Monde.

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Qu'est-ce que le "tax ruling" ? La pratique du "tax ruling" permet à une entreprise de demander à l'avance comment sa situation sera traitée par l'administration fiscale d'un pays, et d'obtenir certaines garanties juridiques. Le tout entièrement légalement. 

Axa et le Crédit Agricole en ont bénéficié. Les entreprises concernées ont ainsi placé au Luxembourg un total de 215 milliards de dollars grâce à la création de filiales, de holdings ou au déplacement de leur siège social sur le territoire du Grand-Duché. 

Le but ? Payer le moins d'impôt possible. Un géant pharmaceutique américain par exemple n'a payé en impôts que l'équivalent de 16% de ses profits alors qu'il aurait dû, normalement, en payer le double.

Apple, Amazon, Verizon, AIG, Heinz, Pepsi, Ikea ou les Français Axa et Crédit agricole en ont ainsi profité, selon l'ICIJ.

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Le Luxembourg la joue perso.  Alors que la France lutte contre l'évasion fiscale, "le Luxembourg garde ces accords fiscaux secrets" et "ne le notifie pas à ses partenaires européens" bien que le Grand-Duché soit "mis au courant, de fait, par ces multinationales, de leur stratégie d'évitement de l'impôt", poursuit Le Monde.

Apple et Starbucks déjà visés par une enquête. La Commission européenne avait ouvert en juin des enquêtes contre plusieurs états membres sur la pratique fiscale de "tax ruling" visant des Etats membres.

L'une vise l'Irlande et concerne des accords passés entre l'administration fiscale et le géant américain d'internet Apple. Une deuxième concerne des soupçons d'avantages fiscaux accordés par les Pays-Bas à la chaîne de cafés Starbucks. La troisième porte sur des accords passés par le Luxembourg avec Fiat Finance and Trade, qui fournit des services de gestion de trésorerie au groupe automobile Fiat.

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Jean-Claude Juncker n'interviendra pas. Jean-Claude Juncker, récemment nommé président la Commission européenne et qui a été pendant 19 ans premier ministre du Luxembourg, a annoncé qu'il n'interviendra pas dans ce dossier : "La Commission fera son travail. Moi, je m'abstiendrai d'intervenir dans ce dossier puisque c'est un dossier qui relève de la Commissaire chargée de la concurrence. Elle doit avoir une grande liberté d'action et de propos". Il a précisé qu'il "ne la freinerait pas" car il trouverait cela "indécent".

Il a cependant précisé qu'il avait "une idée sur le sujet" mais qu'il la gardera pour lui.

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