Raphaël Enthoven : "J'ai écrit pour détruire mon image"

Raphaël Enthoven était l'invité de Nicolas Carreau, dimanche sur Europe 1 (photo d'archives).
Raphaël Enthoven était l'invité de Nicolas Carreau, dimanche sur Europe 1 (photo d'archives). © Europe 1
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Margaux Lannuzel , modifié à
Invité de Nicolas Carreau dans "La voix est livre", dimanche sur Europe 1, Raphaël Enthoven évoque son roman autobiographique, "Le Temps gagné", et la polémique qui en a découlé. "Je n'avais jamais autant aimé écrire", affirme-t-il notamment. 
INTERVIEW

Son roman a suscité la polémique à la rentrée. Dans Le Temps gagné, un livre autobiographique, Raphaël Enthoven évoque les personnages de son enfance et de sa vie, notamment son père, Jean-Paul Enthoven, qui a dénoncé un "océan d'ingratitude". Invité de La Voix est livre, dimanche, sur Europe 1, l'essayiste est longuement revenu sur cet ouvrage, dans lequel il affirme ne pas s'épargner lui-même. 

 

"Quand les mots vous viennent si facilement..."

"J'ai adoré écrire tout ça, j'ai découvert que j'avais la possibilité et les moyens de raconter les histoires et en les racontant d'en dissoudre la douleur, pour les proposer à d'autres cœurs que le mien", explique d'abord Raphaël Enthoven, dont Le Temps gagné est le premier roman. "Je n'ai jamais autant aimé écrire. J'avais écrit vingt livres avant celui-là (des essais, ndlr) et d'une certaine manière, celui là est le premier. (...) Quand les mots vous viennent si facilement pour décrire ce que vous avez vécu, je connais peu d'émotions comparables."

L'essayiste assure encore avoir écrit "en trois mois seulement", en suivant deux règles. "La première, c'était de ne jamais mentir. Non pas parce que la vérité serait moralement meilleure que le mensonge, mais parce que quand on ment pas, comme dit Jerphagnon (Lucien Jerphagnon, historien de la philosophie grecque et romaine, ndlr), on peut dire n'importe quoi. (...) Et la deuxième, c'était de ne pas me poser la question des effets du livre au moment où je l'écrivais."

"La différence entre mon père et ma mère"

Les effets, pourtant, sont désormais indéniables. Interrogé sur les propos de son père, qui s'est dit "en deuil" après la publication du livre, Raphaël Enthoven estime que "certaines personnes ne souhaitent pas qu'on les aime pour ce qu'elles sont". "Certaines personnes veulent absolument être aimées pour l'image qu'elles renvoient d'elles mêmes. Et quand vous êtes Aragonien, c'est mon cas, c'est-à-dire quand vous considérez que celui qui n'a jamais été déçu ne sait rien du véritable amour, vous vous évertuez à regarder les gens, même les dieux de votre enfance, c'est à dire vos parents. (...) Il y a des gens aux yeux de qui une telle démarche est impardonnable, inqualifiable. D'autres savent y voir une déclaration d'amour. C'est toute la différence entre mon père et ma mère." 

Et Raphaël Enthoven de souligner que Le Temps gagné n'est tendre avec personne, et surtout pas lui-même. "Je n'ai pas écrit ce livre pour me donner bonne image, pour me dorer la gueule, pour améliorer les choses. (...) Quand on écrit, on s'empêche pas. (...) J'ai écrit pour détruire mon image, ou en tout cas pour la malmener, pour la blesser, pour la faire saigner."