Qui était Marie-Louise Carven, la couturière des petites dames ?

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Madame Carven en 2010 © AFP/JOEL SAGET
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P.H. avec AFP , modifié à
Marie-Louise Carven, fondatrice de l'ancienne maison de haute couture du même nom, est morte lundi à 105 ans.

Une grande dame pour les petites est morte lundi. Marie-Louise Carven, décédée à l'âge de 105 ans, était considérée comme "le grand couturier" des petites femmes pour lesquelles elle a dessiné pendant cinquante ans des robes pimpantes et féminines.

Trop petite pour la haute couture. Tout est parti d'un complexe : parce qu'elle était haute comme un "trognon de chou", selon ses propres mots, Madame Carven a consacré sa vie à montrer que l'élégance n'est pas affaire de taille en dessinant des vêtements au chic très parisien, pleins de fraîcheur. "J'ai véritablement souffert d'un complexe. J'en ai délivré les femmes petites. Je mesure 1,55 mètre, j'ai des rondeurs et durant toute ma jeunesse, les femmes à la mode étaient si grandes, si longues, si minces", expliquait cette femme volontaire et joyeuse qui n'a lâché ses crayons qu'en 1993, après cinquante ans de création.

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Une autodidacte. Etudiante aux Beaux-Arts, fille d'un éditeur italien, Carmen de Tommaso se voit architecte, se passionne pour les antiquités mais commence à confectionner des robes pour elle et ses amies à la fin des années 1920, bâtissant peu à peu un réseau de clientes. "Je n'ai appris avec personne et j'ai créé ma collection sur moi", se souvenait-elle.

En 1945, elle a 34 ans quand elle s'installe Rond-Point des Champs-Elysées, se rebaptisant Carven, contraction de son prénom qu'elle n'aime pas et du nom de sa tante, dont elle était proche. Sa boutique est consacrée aux femmes petites qui ne trouvent pas de vêtements à leur taille. Une robe en cotonnade rayée blanc et vert – décolleté avantageux, taille bien prise, jupe ample -, fait un tabac : ce modèle appelé "Ma Griffe" lance aussi le "vert Carven" qui deviendra la couleur fétiche de la maison. Dans le Paris de l'après-guerre qui n'aspire qu'à la légèreté, les femmes craquent pour cette robe seyante et sans prétention. Un an plus tard, Carven lance un parfum qui fait le tour du monde, le premier de toute une série.

Des conseils précieux pour les petites. Pour sublimer les petites silhouettes dans son genre, elle distille aussi de précieux conseils : "renoncer à porter du noir, ça rapetisse encore plus" et "fuir les carreaux géants, les grands imprimés, les décolletés en largeur, les manches bouffantes".

De la couleur et de la gaieté. "J'ai épuré au maximum, aboli les rembourrages des tailleurs, accentué la taille par des successions de pinces, mis la poitrine en valeur et fait plus court pour les rendre plus sexy", résumait-elle en 2002. Son éternelle bonne humeur, comme son style jeune et des modèles confortables, apportent une touche de décontraction à l'univers de la haute couture. Madame Carven aime les coloris gais et les étoffes inédites que cette grande voyageuse rapporte parfois du bout du monde et qui lui inspirent des modèles aux noms exotiques, "Carioca" ou "Loukoum".

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De la haute couture au prêt-à-porter. A force de fréquenter des hôtesses de l'air lors de ses nombreux voyages, elle redessine leurs uniformes pour plusieurs compagnies. "Carven Uniforme" habille aussi les "pervenches" parisiennes ou les athlètes françaises aux JO de 1976. La maison Carven multiplie lignes et produits : maille, collections pour enfants, foulards, bijoux. Madame Carven n'abandonne la création qu'à 84 ans pour se consacrer à sa passion pour les meubles anciens et les objets rares. 

La griffe, passée entre plusieurs mains et présidée par Henri Sebaoun, a abandonné la couture pour se recentrer sur le prêt-à-porter, nommant en 2009 à la création le talentueux Guillaume Henry, qui avait relancé la maison. Il a passé le relais en janvier dernier. En 2010, Frédéric Mitterrand alors ministre de la Culture, parlait de la maison Carven comme d'un "lieu de mémoire de la mode française".