"Antidisturbios", la série espagnole sur les violences policières

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SERIELAND RECO/CONSEIL - "Antidisturbios", série espagnole disponible sur la plateforme MyCanal, embarque le spectateur au sein d'une brigade anti-émeutes en Espagne qui va commettre une bavure. Au-delà de son sujet d'actualité, la fiction du réalisateur espagnol Rodrigo Sorogoyen est une démonstration de mise en scène.

Cette semaine, l’algorithme de SERIELAND, Margaux Baralon, vous conseille "Antidisturbios", une série en huit épisodes diffusée sur la plateforme de Canal+ MyCanal. Cette fiction espagnole allie un sujet d'actualité et une mise en scène absolument virtuose, signée du réalisateur Rodrigo Sorogoyen. L'occasion de rappeler qu'il est bon d'avoir la même exigence pour les fictions sérielles et pour le cinéma.

Au début de l'histoire d'Antidisturbios, série espagnole en huit épisodes disponible sur la plateforme MyCanal, nous sommes au creux du mois d'août. Celui qui écrase Madrid de sa moiteur et entraîne, au sein de la police, un sous-effectif par lequel le drame arrive. Alors que l'une des brigades est envoyée en opération pour procéder à l'expulsion d'un appartement, les forces de l'ordre ont la mauvaise surprise de découvrir une trentaine de personnes, entraînées par des militants associatifs, qui font un sit-in. Appels d'urgence au juge pour interrompre l'expulsion, demandes de renfort, rien n'y fait : les hommes sont sommés d'intervenir et, dans l'empoignade qui s'en suit, un migrant tombe d'un balcon et meurt.

Bavure policière et examen intime

La force d'Antidisturbios est à la fois son inscription dans une actualité brûlante et sa capacité à aller au-delà du sujet de départ, qui est celui des violences policières. Car sans trop dévoiler l'intrigue, l'agente zélée du bureau des affaires internes, sorte d'équivalent de l'IGPN en Espagne, chargée d'enquêter sur les manquements de la brigade incriminée, va rapidement découvrir que les enjeux de l'affaire dépassent largement ceux d'une bavure. Et la série devient alors une critique cinglante du système politique espagnol.

Cela n'étonnera pas ceux qui auront reconnu le nom derrière Antidisturbios : Rodrigo Sorogoyen, qui en est le co-scénariste avec Isabel Peña, mais aussi le créateur et le réalisateur, a déjà égratigné la politique de son pays dans son formidable El Reino, film sorti sur grand écran en 2018. Deux ans auparavant, le réalisateur s'était fait connaître en France avec Que Dios nos perdone, thriller rondement mené. L'été dernier, le même Rodrigo Sorogoyen a signé Madre, drame intime qui montrait qu'il était capable de s'illustrer dans des genres bien différents. 

Sa série est une sorte de synthèse de tout ces talents tant, ici, le thriller et le politique le disputent à l'examen des consciences. Antidisturbios emmène le spectateur ausculter la personnalité de chacun des membres de la brigade incriminée pour comprendre pourquoi, comment des hommes deviennent violents une fois leur uniforme enfilé. 

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Bijou de mise en scène

Surtout, cette fiction sur petit écran est un bijou de mise en scène. La scène de l'évacuation, filmée quasiment en temps réel, caméra à l'épaule et subjective, emporte le regard au plus près des policiers au point que même en voyant tout, il est bien difficile d'affirmer avec certitude que la mort d'un civil résulte d'une véritable faute. En revanche, plus tard dans la série, une autre opération de maintien de l'ordre est, cette fois-ci, filmée de loin, en plan large, mettant à distance le spectateur qui, dès lors, se montre bien plus critique envers l'action des policiers. S'il en était encore besoin, Rodrigo Sorogoyen convaincra les plus sceptiques avec un formidable plan-séquence qui tient lieu de dissection des âmes (damnées) de tous ses personnages dans le dernier épisode de sa série. Mais vous n'aurez pas besoin d'aller jusque là : la scène d'ouverture à elle seule est un bijou.

Voilà donc la preuve, selon les plans et les mouvements de caméra choisis, un vrai, un grand réalisateur vous dira des choses bien différentes. La mise en scène est un langage et Rodrigo Sorogoyen le maîtrise à la perfection. Le voir mettre autant d'ambition sur petit que sur grand écran est un réel plaisir.