"Juste la fin du monde" : Xavier Dolan fait sa mue

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Le film est une adaptation de la pièce de théâtre du même nom, signée Jean-Luc Lagarce. © Capture d'écran
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Guillaume Perrodeau , modifié à
Auréolé d'un second prix à Cannes, Xavier Dolan fait son retour en salles, deux ans après le carton de "Mommy".

Pour beaucoup de spectateurs, Mommy fut une révélation. C'était aussi, pour Xavier Dolan, la première fois qu'il dépassait les 150.000 entrées en France, réunissant avec son cinquième film, prix du jury à Cannes en 2014, plus d'1,1 million de spectateurs dans l'hexagone. Deux ans plus tard, le réalisateur québécois fait son retour avec Juste la fin du monde, couronné du Grand Prix au dernier Festival de Cannes.

Le film est une adaptation de la pièce de théâtre du même nom, signée Jean-Luc Lagarce. Le long-métrage raconte ainsi le retour d'un écrivain (Gaspard Ulliel) dans son village natal. Absent depuis douze ans, il doit annoncer sa mort prochaine à sa mère (Nathalie Baye), sa sœur (Léa Seydoux), son frère (Vincent Cassel) et sa belle-sœur (Marion Cotillard). Des retrouvailles lourdes de rancœurs et de questions.

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"Démesuré" est un mot qu'on accole souvent, à raison, au cinéma de Xavier Dolan. Les films du Québécois prennent souvent des détours excessifs pour trouver leur voie. Mais les usages fréquents du ralenti, les choix musicaux appuyés et son goût pour associer à l'image des couleurs détonantes sont loin d'être artificiels. Ils participent toujours à nourrir un univers où la frénésie est la clé pour surpasser les difficultés du réel. Xavier Dolan, c'est une pluie de vêtements dans Laurence Anyways, un format carré 1:1 qu'on agrandit dans Mommy, une rencontre à trois dans un café sous l'air de Bang Bang dans Les amours imaginaires. Et qu'importe pour ceux qui n'adhèrent pas. "Les sceptiques seront confondus", prévenait Anne Dorval dans les premières minutes de Mommy.

Juste la fin du monde se situe bien loin de cette agitation. Le bruit et la fureur se jouent très longtemps entre les lignes dans le sixième long-métrage de Xavier Dolan. Tout est une affaire de non-dits, de regards qui en disent longs ; la clé du film se trouve quelque part dans ces silences qui ponctuent les échanges entre les protagonistes. Pas d'exubérance : Juste la fin du monde fonctionne sur la retenue et la subtilité, le cinéaste jouant une carte de la finesse qu'il avait jusqu'ici peu exhibée de son jeu.

Ce retour à la simplicité met plus que jamais en lumière le talent du réalisateur de 27 ans pour le sens du cadrage et du découpage. Ces 90 minutes, essentiellement composées de dialogues, sont l'occasion de (re)voir à quel point le cinéaste excelle lorsqu'il s'agit de placer la caméra face à ses acteurs et lorsque le temps est venu de couper l'action. Avec une caméra au plus près d'eux et si peu encline à cadrer en plan large, aucun des acteurs n'a le droit à l'erreur. Tous s'en sortent très bien, avec sans doute une mention spéciale pour Nathalie Baye et Marion Cotillard.

Juste la fin du monde fonctionne ainsi, par petites séquences accumulées qui finissent par prendre toutes leur sens lorsque vient le temps des explications. Une longue montée, d'une tension sourde, pour aboutir à un sommet étouffant. Sur ce chemin, Xavier Dolan perdra peut-être quelques spectateurs. Ce n'est pas la fin du monde, assurément.