4:00
  • Copié
Matthieu Charrier, édité par Romain David
Piloté par Thierry Frémaux, le délégué général du Festival de Cannes, le comité de sélection visionne depuis novembre les films qui candidatent à intégrer la compétition officielle.
ENQUÊTE

Le Festival de Cannes s'ouvrira dans deux mois jour pour jour. Mais dans les bureaux du comité de sélection, les équipes s'activent depuis l'automne pour préparer cette grand-messe du cinéma. Et notamment arrêter la liste des films qui auront le privilège d'être diffusés pendant l’événement culturel le plus médiatisé au monde.

Il faut monter jusqu'au dernier étage d'un immeuble du troisième arrondissement de Paris pour trouver la salle de projection secrète du comité d'organisation. Derrière une petite porte se cache une salle de cinéma d'une quinzaine de sièges rouges, très confortables. C'est ici que le comité de sélection de Thierry Frémaux, délégué général du Festival de Cannes, fait le tri. "C'est notre grotte à nous, c'est ici que du matin au soir – on mange même dans cette salle –, on regarde quotidiennement six ou sept films", explique-t-il.

>> De 7h à 9h, c’est deux heures d’info avec Nikos Aliagas sur Europe 1. Retrouvez le replay ici

Quelque 2.000 candidats. Cette année, le festival devrait passer la barre symbolique des 2.000 films candidats à la sélection officielle, soit deux fois plus qu'au début des années 2000. Une cinquantaine de films seulement seront retenus pour être projetés pendant le festival, dont une vingtaine dans le cadre de la compétition, avec pour objectif de décrocher la Palme d'or.

N'importe quel réalisateur peut tenter sa chance, même amateur. Il suffit que son filme fasse plus d'une heure, et qu'il paye entre 50 et 350 euros selon le format, pour qu'il soit projeté devant le comité. Outre Thierry Frémaux, ce comité compte huit autres personnes, journalistes ou réalisateurs. Ils commencent à travailler en novembre et, évidemment, tout s'accélère à partir du mois de février pour livrer la sélection mi-avril, au moment de la grande conférence de presse durant laquelle elle est annoncée.

Vendre un film, tout un métier. Il y a des films qui candidatent, mais aussi ceux que le comité réclame, quand il s'agit de grands réalisateurs attendus, ou de films qui se sont fait remarquer dans de petits festivals à travers le monde. Certains producteurs organisent une campagne de lobbying pour voir leur film sélectionnés, sans atteindre toutefois la même ampleur que pour les Oscar : on sait, par exemple, que Netflix a dépensé plusieurs dizaine de millions de dollars pour valoriser son film Roma avant la cérémonie américaine.

Le Festival de Cannes est encore loin de tout ça, mais les coups de fil peuvent s’enchaîner. "On essaye de convaincre quand on sent qu'il y a une hésitation. On met en avant les qualités du film qui nous paraissent originales par rapport à l'offre", explique ainsi Jean Labadie, qui dirige la société de distribution Le Pacte. Il a notamment distribué le film de Kore Eda, Une affaire de famille, Palme d'or 2018. "Moi, j'ai passé des heures au téléphone avec Thierry [Frémaux, ndlr] pour lui dire de prendre un film. Finalement, je crois que ça ne sert à rien…", glisse-t-il.

À quoi va ressembler la sélection 2019 ? Officiellement, il n'y aucun quota de retenu pour effectuer la sélection. Mais chaque année, elle apparaît plutôt équilibrée, en fonction des continents notamment. Le public a pu avoir par le passé l'impression de revoir "toujours les mêmes". Les derniers crus tendent à prouver le contraire. Lors de la précédente édition, la majorité des concurrents pour la Palme d'or y venaient pour la première ou deuxième fois seulement.

Il est encore trop tôt pour faire des pronostics sur la sélection 2019. Tout se décide généralement dans les 15 derniers jours. On parle toutefois du retour d'Abdellatif Kechiche après La Vie d'Adèle, d'Arnaud Desplechin, de James Gray, de Marco Bellocchio, ou encore de Xavier Dolan. Et cette question : Netflix va-t-il faire son retour sur la croisette ? Les exploitants refusent que les films de Netflix soient en compétition si la plateforme ne s'engage pas à les sortir derrière en salles. Pour mettre tout le monde d'accord, Netflix pourrait montrer un ou deux de ses films pendant le Festival de Cannes, mais hors compétition.