Death Stranding 5:02
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Sorti début novembre, le dernier jeu vidéo d'Hideo Kojima est une expérience déroutante, à la fois aride et poétique, spectaculaire et politique dans laquelle Léa Seydoux, Guillermo del Toro ou encore Mads Mikkelsen apparaissent sous leurs traits grâce à la motion capture. Rien de moins qu'un des jeux de l'année !

Énigmatique, spectaculaire, abscons, génial, délirant… Les qualificatifs ne manquent pas pour qualifier Death Stranding. Le dernier jeu vidéo du Japonais Hideo Kojima (Policenauts, Metal Gear Solid), considéré comme un demi-dieu dans le milieu, était extrêmement attendu depuis la présentation de premières images intrigantes en 2016. Depuis sa sortie le 8 novembre, exclusivement sur PS4 (avant une sortie sur PC à l'été 2020), Death Stranding caracole en tête des ventes et déchaîne les passions des joueurs. Europe 1 a pris le temps de tester le jeu sur la longueur. Il fallait bien quelques dizaines d'heures pour démêler les fils de cette expérience déroutante… mais fascinante. 

De la science-fiction comme au cinéma avec un casting 5 étoiles

Les bandes-annonces distillées au fil des ans laissaient entrevoir un jeu à l'intrigue aussi originale qu'alambiquée. Sur ce point, Death Stranding tient toutes ses promesses. On n'avait jamais rien vu de tel auparavant. Créateur tout puissant (il est crédité au scénario, au design, à la production et à la réalisation), Hideo Kojima nous embarque dans une histoire post-apocalyptique cryptique. L'action prend place dans un futur assez lointain. Le "Death Stranding" (littéralement "mort échouée"), un phénomène surnaturel, a décimé la quasi-totalité de la population mondiale. La civilisation s’est effondrée et la nature a repris ses droits.

Aux États-Unis, ou plutôt ce qu’il en reste, les quelques survivants tentent de s’organiser. L'entreprise Bridges entend ainsi relier les camps et villes encore habités pour bâtir les Villes Unies d'Amérique. Après l'échec d'une première mission, elle confie cette lourde tâche à… un coursier : Sam Porter, un taiseux, brut de décoffrage, incarné dans le jeu par Norman Reedus (Daryl dans The Walking Dead). Hanté par son passé, il accepte la mission sans enthousiasme. C'est donc parti pour une épopée d'est en ouest, dans la lignée des pionniers des premières colonies américaines, pour livrer des marchandises aux survivants et les connecter les uns après les autres au réseau. Un job entre le livreur Colissimo et le technicien fibre d'Orange, en quelque sorte.

On n'en dira pas plus sur l'intrigue pour préserver la surprise, si ce n'est qu'au cours de cette entreprise, Sam va croiser quelques personnages interprétés par de véritables acteurs, grâce au procédé de motion capture. Ainsi, Léa Seydoux est une livreuse mystérieuse, Guillermo del Toro un scientifique bavard, Mads Mikkelsen un père en quête de son bébé, Lindsay Wagner une figure maternelle bienveillante, etc. Un casting cinq étoiles qui confère au jeu un aspect très cinématographique. Impression renforcée par les (très) longues cinématiques qui ponctuent les premières heures de jeu.

Marcher, livrer, recommencer

Le choix d'un coursier comme personnage principal peut paraître surprenant tant on est loin du héros classique de la science-fiction. Livrer des colis, ça ne vend pas du rêve, même dans un jeu vidéo. Mais c’est justement le parti pris fort de Death Stranding. Ce n’est pas un jeu d’action, plutôt un jeu d’exploration. Car l'essentiel du temps est passé à… marcher. Beaucoup. Vraiment beaucoup. Chaque mission - ou "livraison" - consiste à relier un point A à un point B, avec des dizaines de kilos de marchandise sur le dos à livrer en bon état.

Dans "Death Stranding", on marche. Beaucoup.

Fort heureusement pour les joueurs, mais pas pour Sam Porter, les marches sont loin d'être des promenades de santé. Les obstacles et les dangers sont nombreux. Il y a les Mules, des pillards accros à la livraison (oui, oui), à l’affût du premier porteur assez fou pour se risquer dans leur zone. Et puis, les Échoués, des spectres apparus sur Terre lors du Death Stranding, invisibles et qui cherchent à dévorer les humains. Effrayant, mais Sam Porter est en fait un "rapatrié" : il ne peut pas mourir et quand il se fait tuer, son âme ressuscite son corps. Là encore, l'idée est originale : mourir n'est pas une fin dans le jeu, simplement un contretemps.

En réalité, au bout de quelques heures de jeu, on se rend vite compte que notre principal ennemi n'est ni un spectre angoissant ni un pillard jaloux de notre travail mais plutôt… les rochers. Les terres abandonnées que l'on parcourt sont en effet très accidentées. Or, Death Stranding pousse la physique dans le jeu vidéo à un niveau de réalisme extrême. Les colis que transporte Sam, dont la charge excède régulièrement les 100 kilos, le déséquilibrent au moindre faux pas. Il faut alors veiller à ne pas tomber, sous peine d'abîmer le précieux chargement et de voir la mission échouer.

Un jeu politique et poétique

Death Stranding a nécessité quatre ans de développement, une éternité dans le jeu vidéo, et on comprend assez rapidement pourquoi. Le jeu est extrêmement travaillé. Les décors naturels, notamment le relief, sont spectaculaires et la motion capture atteint un niveau de réalisme rarement observé jusqu'ici. Tout a été pensé dans les moindres détails, jusqu'à la disposition des colis sur le dos de Sam avant chaque étape. Une fonctionnalité en apparence secondaire mais qui se révèle vite essentielle pour espérer marcher droit dans la lande. Aussi étonnant que cela puisse paraître, on finit d'ailleurs par se prendre au jeu de la livraison de colis. 

Par ailleurs, visuellement, Death Stranding est un feu d’artifice d’idées de science-fiction complètement folles : une plage où se croisent les morts et les vivants, un fœtus dans un bocal accroché sur le torse de Sam, des pluies qui vieillissent tout ce qu’elles touchent… L’univers inventé par Hideo Kojima et ses équipes n’a rien à envier aux plus grands films de science-fiction. Noir et terrifiant, le monde post-apocalyptique de Death Stranding se révèle néanmoins poétique, bien aidé par la bande-son envoûtante qui accompagne les longues randonnées de Sam.

Et puis c’est un jeu éminemment politique. Comme souvent, la science-fiction sert à refléter les peurs de notre société d’aujourd’hui. Death Stranding, c’est l’allégorie d’un monde éclaté, ubérisé pourrait-on dire. Un monde où les communautés bâtissent des murs pour se protéger et où plus personne ne crée de lien avec son voisin. Et ça, nous dit Hideo Kojima, c’est un monde qui court à sa perte. Tout l’enjeu pour nous, joueurs, va donc être de relier à nouveau les humains.

Kojima, escroc ou génie ?

Pour le moins atypique, Death Stranding ne fait pas l'unanimité parmi les joueurs. Il y a ceux qui disent qu’on s’ennuie, que les cinématiques sont trop longues, trop bavardes, qu’on ne fait que marcher. Pour eux, le créateur omnipotent Hideo Kojima se serait un peu trop fait plaisir, sans penser aux joueurs. Difficile de leur donner tort, au moins sur l'aspect très cinématographique du jeu. Il nous est arrivé de poser la manette tant certaines cinématiques sont longues ! Death Stranding est un jeu qui se regarde autant qu'il se joue.

Norman Reedus incarne Sam Porter Bridges et Léa Seydoux la coursière Fragile.

Et puis, il y a ceux qui crient au génie. Dans une industrie de plus en plus formatée, où les gros jeux originaux ont cédé le pas aux licences annuelles comme Call of Duty et FIFA, Death Stranding fait figure d’ovni. Impossible de rester indifférent devant ce jeu extrêmement original et techniquement splendide. Il est certain qu'on s'en souviendra longtemps. À Europe 1, on n'a d'ailleurs pas peur de dire que Death Stranding est une œuvre d'art.

Notre avis : un jeu qui marque... mais pas pour tout le monde

Death Stranding est clairement un jeu unique en son genre, extrêmement original et avec des idées de mise en scène époustouflantes. Un jeu qui marque quand on y joue et même après quand on a posé la manette. Rarement le jeu vidéo a autant mérité son statut officieux de Dixième art. Mais il faut être honnête : Death Stranding n’est pas un jeu pour tout le monde. Il faut avoir la force de pousser au-delà des 7-8 premières heures pour commencer à apprécier l’histoire et les mécaniques de jeu. On ne s’amuse pas toujours, le jeu est parfois aride et abscons, mais l'expérience vaut le détour.