David Foenkinos : "On ne se sent jamais totalement écrivain"

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A.D
Même après avoir été le lauréat de prix littéraires prestigieux, David Foenkinos n'a de cesse d'apprivoiser son métier de romancier.
INTERVIEW

Par provocation, un jour, David Foenkinos avait dit cette phrase : "Je suis devenu écrivain parce que je n’avais pas trouvé de bassiste." Mais après avoir vendu plus d’un million d’exemplaires de La Délicatesse, qu'il a d'ailleurs adapté avec son frère au cinéma, et avoir reçu  le prix Renaudot et le Goncourt des lycéens pour Charlotte, le romancier ne peut plus faire croire au hasard. Il était l'invité de l'émission Il n'y a pas qu'une vie dans la vie après la sortie de son dernier roman, Le mystère Henri Pick.

"Boulimie de culture". La vérité, c'est que David Foenkinos est venu à la littérature tard. "Jusqu’à 16 ans, je ne lisais pas, je n’écrivais pas." A cet âge là, il est opéré du cœur, passe des mois à l’hôpital, et surtout près de la mort. Il en ressort guéri mais surtout transfiguré. "Je me suis mis à lire, écrire, faire de la musique, aimer la peinture, à avoir un rapport plus sensuel, plus artistique à la vie."

Pris d'une boulimie de culture et d'une énergie nouvelle, il se jette d'abord dans la musique. "J’ai été guitariste, j’ai fait une école de jazz. J’essayais de monter des groupes et ça ne marchait pas. Parallèlement, j’écrivais." Il envoie son manuscrit partout. Les refus s'accumulent mais pas chez Gallimard où son roman est publié en 2002, "comme si ma voix était vraiment celle de l’écriture', commente-t-il.

Ce n’est pas parce qu’on a eu du succès, ce n’est pas parce qu’on a été capable d’écrire des romans qu’on va être capable à nouveau

Une note de Gallimard. Quand il reçoit le coup de fil lui annonçant la publication, il croit à un canular. "La plupart du temps, les livres sont refusés. C’est plutôt improbable d’être publié. C’est dans cet ordre-là qu’il faut voir les choses." Peu lui importent alors les ventes, la simple publication suffit à son bonheur. Il ne l'apprend que dix ans plus tard mais, à l'époque, le comité de lecture avait fait une note moitié curieuse, moitié charmante : "C’est foutraque, c’est bordélique mais ça vaut le coup d’essayer." Lui n'est pas aussi clément avec ce premier manuscrit et conseille de ne pas le lire ! (A tout hasard, il s'appelle Aversion de l'idiotie).

"Ça se travaille sans cesse". Quatorze ans plus tard, et après d'immenses succès qui pourraient le rassurer, il reste modeste. "C’est assez troublant. On ne se sent jamais totalement écrivain. Ce n’est pas quelque chose de stable. Il y a des moments où j’ai le sentiment de perdre pied. Ce n’est pas parce qu’on a eu du succès, ce n’est pas parce qu’on a été capable d’écrire des romans, qu’on va être capable à nouveau. Ça se travaille sans cesse", avoue-t-il. Il se souvient aussi que lors d'une dédicace à la Fnac après son cinquième ou sixième roman, il n'y avait qu'une personne dans la salle, qui de surcroît n'était là que parce qu'elle avait oublié ses clés.

Refuge des manuscrits refusés. Sa chance, c'est que son imagination ne l'a pas abandonné, malgré une période d'un an sans avoir pu écrire après la déferlante Charlotte. Quand il découvre qu'une bibliothèque de Vancouver est le refuge de manuscrits refusés, il s'en inspire, transpose la bibliothèque à Crozon, dans le Finistère et commence Le mystère Henri Pick.

Dans ce livre, une jeune éditrice découvre un roman qu’elle estime être un chef d’œuvre. La suite se transforme en polar littéraire. C'est aussi une déclaration d'amour à la littérature et un petit clin d’œil au monde de l'édition. Écrivain, il l'est définitivement. Et aussi un peu cinéaste, puisqu'il va de nouveau rejoindre les plateaux de cinéma "sans doute avec Karine Viard", pour adapter un scénario original.