Ces clichés encore trop récurrents dans les séries judiciaires françaises

De nombreux clichés sont encore trop présents dans nos fictions françaises préférées.
De nombreux clichés sont encore trop présents dans nos fictions françaises préférées. © Aurelien Faidy / France 3
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Clémence Olivier , modifié à
L’avocate pénaliste Clarisse Serre est conseillère sur la série "Engrenages". Pour Europe 1, elle passe en détail les clichés les plus fréquents fictions dans les judiciaires françaises. Entre copie des séries américaines et poncifs du genre, vous saurez enfin démêler le vrai du faux !

Engrenages, Candice Renoir, Le juge est une femme… On ne compte plus les séries françaises qui prennent pour décor le monde judiciaire et plongent les téléspectateurs dans des affaires criminelles. Le sujet fascine et inspire les scénaristes. Mais les séries et les films d'avocats sont-ils fidèles à la réalité ? Pour Clarisse Serre, avocate pénaliste qui s'est confiée dans "Mon client et moi", le nouveau podcast judiciaire d'Europe 1 Studio, de nombreux clichés sont encore trop présents dans nos fictions françaises préférées. L'avocate , qui est également consultante pour la série de Canal + Engrenages, s'amuse à les décortiquer pour vous. 

 

Cliché numéro 1 : "Votre honneur, je suis innocent"

"Objection votre honneur, cette question n'a aucun lien avec l'affaire "... C'est un classique. Dans de nombreuses fictions, l'accusé, le prévenu ou la partie civile s'adresse au président du tribunal avec ces deux mots : "votre honneur". Ce n'est pas totalement farfelu. C'est bien comme ça que l'on appelle le ou la présidente du tribunal aux Etats-Unis. "Mais en France, cela ne se dit pas. On appelle le président Monsieur ou Madame le président", pointe Clarisse Serre. Pour autant, il n'est pas rare que des prévenus emploient ce terme lors d'une audience, "parce qu'ils l'ont entendu dans des séries américaines", constate l'avocate pénaliste. 

Cliché numéro 2 : des coups de marteau pour rappeler à l'ordre

Dans les fictions françaises, il est fréquents que les magistrats soient affublés de marteaux. Ils l'utilisent à l'envi pour rappeler à l'ordre une salle d'audience dissipée ! Votre honneur, c'est là aussi une erreur ! Dans l'hexagone, les marteaux sont avant tout utilisés par les commissaires priseurs ! Pour demander le silence au tribunal, les magistrats lèvent simplement la voix. 

Cliché numéro 3 : "Ouvrez, j'ai un mandat"

Sans mandat, pas de perquisition ? C'est en tout cas ce que, nous, téléspectateurs croyons. Les films regorgent de ce genre de scènes où l'on voit des policiers débarquer chez un suspect avec à la main un sésame qu'ils appellent "mandat". Sans ce document, la perquisition serait impossible ou du moins le suspect aurait le droit de la contester ! "En fait c'est typiquement américain. Le terme de mandat de perquisition n'existe tout simplement pas dans le droit français", souligne Clarisse Serre. Pour perquisitionner un domicile, en France, la police judiciaire n'a pas besoin de présenter un mandat. En revanche, si elle n'a pas l'autorisation écrite de la personne dont le domicile est visité ou si elle n'agit pas dans le cadre d'une enquête de flagrance ou d'une enquête préliminaire, elle doit agir avec l'autorisation écrite du juge d'instruction. On appelle cela une commission rogatoire. 

Cliché numéro 4 : l'avocat de la défense est un homme

Les clichés sexistes n'épargnent pas le monde de la justice. A l'écran, les avocats et magistrats sont souvent très stéréotypés. "Dans de nombreuses séries et films français, la justice est incarnée par des hommes. Les magistrats sont des hommes, les procureurs sont des hommes, les flics sont des hommes", déplore Clarisse Serre. Il en est de même pour l'avocat de la défense, le ténor du barreau. 

Pourtant, de plus en plus de femmes exercent la profession d'avocat. Selon une enquête réalisée par la Direction des affaires civiles et du Sceau en 2019, 56,4% des avocats sont aujourd'hui des femmes contre 50,5% dix ans auparavant.

Cliché numéro 5 : l'avocate raide dingue du détenu

Quand elles sont représentées à l'écran, les avocates raffolent des jupes et des talons hauts, comme dans On va s'aimer, un peu, beaucoup…, la série de France 2 qui met en scène des avocates spécialistes en droit de la famille. Et puis, souvent, elles tombent amoureuses du détenu. "C'est un grand classique, même si depuis les années 1990, cela évolue un peu. On a vu apparaître à l'écran des femmes flics comme Julie Lescaut ou Candice Renoir", constate l'avocate. Néanmoins, ces femmes ont généralement du mal à gérer leur vie professionnelle et leur vie de famille. "C'est dommage. On ne voit pas souvent les hommes avocats ou policiers confrontés à ce genre de situation à l'écran, alors que cela arrive pourtant dans la vie". 

Cliché numéro 6 : le policier et le juge traînent toujours ensemble

Non, les policiers et juges ne passent pas leur temps ensemble sur les lieux d'un crime et pendant l'enquête contrairement à ce que laissent penser certaines fictions comme les Cordier Juge et Flic ou Alice Nevers. "C'est une ineptie de voir ça car le juge instruit à charge et à décharge. Son rôle est d'arbitrer entre les policiers qui font le travail et ce que les avocats peuvent dire. Il ne peut donc pas passer son temps à déjeuner avec les flics et à parler des dossiers", assure Clarisse Serre. "C'est vraiment de la caricature !" 

Cliché numéro 7 : une enquête bouclée en un rien de temps

Le temps judiciaire n'est pas celui de la fiction. "En 52 minutes, le téléspectateur peut assister à une interpellation, une garde à vue et une condamnation. Cela ne correspond pas du tout à la réalité", estime Clarisse Serre. "D'ailleurs certains de nos clients s'étonnent du temps qu’une procédure judiciaire peut prendre. Ils sont parfois surpris que je leur dise qu'ils ne seront pas jugés avant deux ans". Mais l'avocate estime que cette compression du temps est nécessaire à l'écran : "Cela permet de donner du rythme à ces procédures vécues sur plusieurs années". 

Découvrez "Mon client et moi" le podcast judiciaire d'Europe 1 Studio

Vous avez dévoré les sept saisons d'Engrenages et la série documentaire de Netflix sur le petit Grégory ? Le métier d'avocat vous fascine ? Découvrez "Mon client et moi", le nouveau podcast judiciaire d'Europe 1 Studio, qui vous plonge dans la tête des avocats pénalistes. Ils et elles vous racontent une affaire qui a marqué leur carrière, un client qui a bouleversé leur vie, changé leur perception du métier. 

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