Injure, négationnisme, violence… Que risquent les auteurs d'actes antisémites en France ?

avocat code penal
© JEFF PACHOUD / AFP
  • Copié
/ Crédits photo : JEFF PACHOUD / AFP
Le Premier ministre Gabriel Attal a annoncé ce lundi une hausse de 300% des faits antisémites en France au premier trimestre 2024 comparé à celui de 2023. Une recrudescence inquiétante, liée au conflit au Proche-Orient, ravivé depuis les attaques terroristes du 7 octobre. Mais que risquent concrètement les auteurs de tels faits ? On fait le point.
DÉCRYPTAGE

"366 faits antisémites" en l'espace de trois mois. "Personne ne peut nier cette déferlante antisémite. Personne ne peut nier le fait qu'on estime que les Français juifs représentent 1% de la population française, mais que plus de 60% des actes antireligieux sont des actes antisémites", a ainsi déclaré le chef du gouvernement, Gabriel Attal, dans un discours ce lundi lors du 38ᵉ dîner du Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France) à Paris.

Face à cette vive augmentation, nettement liée au conflit au Proche-Orient depuis les attaques du 7 octobre perpetrées par les terroristes du Hamas, qu'est-il prévu pour condamner les auteurs de faits antisémites ? En France, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 énonce par l'article 10 que "nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses". Tout acte contrevenant à ce principe est donc puni par la loi française. On distingue cependant les propos antisémites des actes et violences antisémites.

Les limites entre liberté d'expression et propos antisémites

Pour comprendre la limite entre liberté d'expression et propos antisémites, il faut également s'arrêter sur la loi de 1881 qui détaille les contours de la liberté d'expression dans la loi, car "aucune opinion, tant qu'elle n’est pas exprimée publiquement, ne peut être poursuivie", comme le rappelle le site du gouvernement. Or celle-ci est limitée par deux principes : des propos peuvent être condamnables à partir du moment où ceux-ci sont publics et relèvent du racisme, de l'antisémitisme ou encore de l'islamophobie ou de l'anticatholicisme.

Cinq types de propos publics définis par la loi sont condamnables : l’injure raciste et la diffamation raciste, la provocation à la discrimination, la haine et la violence raciste, le délit d'apologie des crimes et la contestation de l'existence d'un ou plusieurs crimes contre l'humanité. À noter, que ni le blasphème ni la critique de la religion n'y figurent.

De l'injure dans le cadre privé au délit d'apologie des crimes et négationnisme

L’injure dans le cadre privé, tout comme la diffamation non-publique, punit son auteur d’une amende pouvant aller jusqu’à 750 euros. Lorsque l’injure raciste et antisémite est publique, il s’agit d’un délit avec une peine pouvant aller jusqu’à six mois d’emprisonnement et 22.500 euros d’amende. La diffamation publique peut, elle, être condamnée à un an d'emprisonnement et 45.000 euros d'amende.

Les propos les plus souvent poursuivis devant les tribunaux sont ceux qui relèvent de la provocation à la discrimination, la haine et la violence raciste. Lorsque cette provocation n'est pas publique, elle est punie d’une amende pouvant aller jusqu’à 1.500 euros. Lorsqu’elle est publique, comme ce fut le cas pour les propos de l'humoriste Dieudonné dans les années 2000, cette provocation constitue un délit passible d’un an d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende.

Enfin, une personne qui contesterait de l'existence d'un ou plusieurs crimes contre l'humanité, notamment la Shoah, encourt un an d'emprisonnement et 45.000 euros d’amende. Une circonstance aggravante, celle de la diffusion de cette apologie via des moyens de communication en ligne, peut faire aller la peine jusqu’à sept ans d’emprisonnement et 100.000 euros d’amende.

Les actes antisémites, une circonstance aggravante dans le Code pénal

Le caractère antisémite peut être retenu comme "circonstance aggravante" dans tout acte violent défini par le Code pénal. Cette circonstance est retenue par la justice lorsqu’elle motive le passage à l’acte de l’auteur. La loi du 23 janvier 2003, prévoit une liste de délits et crimes dont les peines sont aggravées par le caractère raciste, antisémite ou xénophobe des faits. Sont donc concernés, le meurtre, les tortures et actes de barbarie, l'homicide involontaire, les violences ayant entraîné des mutilations ou des infirmités permanentes, les violences avec incapacité de travail de huit jours.

Dans ce dernier exemple, les faits sont souvent punis par une peine de trois ans d’emprisonnement et 45.000 euros d'amende. Si cet acte a une motivation raciste ou antisémite, l'auteur des violences encourt finalement cinq ans d'emprisonnement et 75.000 euros d'amende.

Le code pénal dispose également que "la destruction, la dégradation ou la détérioration d'un bien appartenant à autrui" et la "destruction, la dégradation ou la détérioration d'un bien appartenant à autrui par l'effet d'une substance explosive, d'un incendie ou de tout autre moyen de nature à créer un danger pour les personnes", sont également concernées par ces circonstances aggravantes.

Prouver un acte antisémite

Reste qu'il est parfois difficile de prouver qu'un acte a une motivation antisémite. La loi indique donc que la circonstance aggravante est constituée "lorsque l'infraction est précédée, accompagnée ou suivie de propos, écrits, images, objets ou actes de toute nature portant atteinte à l'honneur ou à la considération de la victime à raison de son appartenance ou non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée".

Face à la hausse des faits antisémites ces derniers mois, "pas un acte ne doit rester impuni, pas un antisémite ne doit avoir l'âme tranquille", a affirmé le Premier ministre, Gabriel Attal, en promettant de "faire preuve d'une fermeté exemplaire à chaque acte". Déplorant qu'il ne soit pas possible de connaître précisément le nombre et les condamnations pour des actes commis en raison de la religion, il a annoncé avoir demandé au ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, "de trouver les moyens de mettre en œuvre un recensement de ces cas et de ces condamnations partout en France".