L'endométriose, une maladie "sous-estimée, méconnue, mal prise en charge"

© PHILIPPE HUGUEN / AFP
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Anaïs Huet , modifié à
De nombreuses femmes atteintes d'endométriose obtiennent un diagnostic au bout de longues années. Sur leur chemin, elles rencontrent souvent des soignants qui ne savent ni détecter, ni prendre en charge cette maladie.
LE TOUR DE LA QUESTION

Comme bon nombre de femmes atteintes d'endométriose, Yasmine Candeau a vécu sept années d'errance médicale avant qu'enfin, après tant de souffrances physiques et psychologiques, les médecins posent un diagnostic. Selon les spécialistes, le problème n'est pas tant la détection complexe de la maladie que la formation des professionnels de santé.

Une maladie "sous-estimée, méconnue, mal prise en charge". Mercredi, chez Wendy Bouchard sur Europe 1, Erick Petit, médecin radiologue et fondateur du Centre de l'Endométriose au Groupe Hospitalier Paris-Saint Joseph, confirme : "Cette maladie est tellement sous-estimée, méconnue, mal prise en charge, qu'il y a beaucoup de retard dans le diagnostic et la façon de la traiter." Yasmine Candeau, aujourd'hui présidente d'EndoFrance, l'association française de lutte contre l'Endométriose, illustre : "À partir de mes 16 ans, on a commencé à investiguer parce que je souffrais vraiment, et que j'avais des troubles associés (digestifs, urinaires) qui m'interpellaient. Aucun professionnel de santé ne faisait le lien avec le fait que ces symptômes étaient accentués au moment où j'avais mes règles."

Les étudiants en médecine toujours pas formés. Un tel retard peut sembler surprenant, surtout quand on sait qu'en France, le nombre de femmes atteintes est évalué à une sur dix. "On n'apprend toujours pas l'endométriose aux étudiants en cursus médical", alerte Docteur Petit. Et de poursuivre : "C'est paradoxal, car c'est une maladie immensément fréquente, la première cause de douleur chez la femme et la première cause d'infertilité, mais elle est considérée comme une maladie orpheline."

"Les gynécologues ne connaissent pas bien la maladie". Même dans un cursus spécialisé en gynécologie, l'endométriose n'est que rarement étudiée. "La plupart des gynécos, hélas, ne connaissent pas cette maladie", appuie Erick Petit. Une affirmation qui vient corroborer bon nombre de témoignages d'auditrices qui, sur Europe 1, ont évoqué leurs parcours de soins difficiles, avec des "spécialistes" qui en venaient à nier leurs douleurs.

 

Une longue négation de la douleur. Ces douleurs sont pourtant plus qu'handicapantes pour les premières concernées. "Sur une échelle de 1 à 10, j'évalue quotidiennement ma douleur à 4 ou 5. J'ai eu la chance d'avoir deux enfants, et j'ai accouché à chaque fois sans péridurale. Je dis toujours qu'une crise d'endométriose est plus douloureuse qu'un accouchement sans péridurale", certifie Yasmine Candeau.

"Depuis 4.000 ans, on a enfermé la douleur de la femme dans sa psyché. On a longtemps confondu deux termes : l'endométriose et l'hystérie", analyse Erick Petit, également co-auteur de Tout sur l'endométriose, soulager la douleur, soigner la maladie, chez Odile Jacob (février 2019). En clair, puisque les médecins ont longtemps rechigné à comprendre la source de ces douleurs, ils ont considéré que le problème venait à coup sûr du cerveau de ces femmes. "Si c'est dans la tête, alors on n'en parle plus. On ne s'intéresse pas à une maladie virtuelle", analyse le spécialiste de l'endométriose, qui s'est penché sur l'histoire de la maladie.

 

>> De 9h à 11h, c'est le tour de la question avec Wendy Bouchard. Retrouvez le replay de l'émission ici

Créer des réseaux d'experts. Depuis quelques années, et grâce aux témoignages de femmes médiatisées et elles-mêmes atteintes d'endométriose, la maladie intéresse de plus en plus l'opinion publique, et le corps médical. Pour autant, les experts manquent toujours à l'appel. "Le pivot central du diagnostic, c'est l'imagerie. Evidemment, cela nécessite une expertise particulière, donc une sur-spécialisation sur l'imagerie de la femme", défend le docteur Petit. Grâce à cette formation supplémentaire, il est possible pour les radiologues de mieux voir "la réaction de l'organisme aux envahisseurs, à ces cellules qui saignent." "On voit un épaississement anormal des structures envahies : les ligaments qui attachent l'utérus à la paroi, la paroi musculaire de l'intestin ou du rectum, la vessie, ou encore l'ovaire, ce qui conduit à des kystes", précise le médecin.

Avec plusieurs confrères, Erick Petit appelle à "bâtir des réseaux d'experts", afin de répondre efficacement "au problème de santé publique majeur qu'est cette maladie."