Au cinquième jour de grève, les voyageurs redoutent un blocage long : "Je ne sais pas encore comment on va faire, mais on va s’adapter"

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Victor Dhollande, Lionel Gougelot et François Geffrier, édité par Romain David , modifié à
Au micro d'Europe 1, les travailleurs franciliens, qui font chaque matin le trajet jusqu'à Paris, témoignent de leur inquiétude au cinquième jour de la grève contre la réforme des retraites. Si beaucoup ont pu s’organiser ou ne sont pas allés travailler au début du mouvement, ils sont désormais contraints d'envisager des solutions alternatives.

De grosses difficultés sont à prévoir au cinquième jour de grève sur les routes en Île-de-France, avec près de 600 kilomètres de bouchons à 8 heures, un chiffre exceptionnel. Dans les gares, la situation n’est guère plus agréable. Avec seulement 15 à 20% du trafic ferroviaire assuré, la SNCF et la RATP ont appelé les usagers à limiter leurs déplacements pour éviter les risques liés à la saturation des quais et des rames. Agacés, les voyageurs commencent désormais à anticiper un blocage long.

En gare de Beauvais, dans l’Oise, d’où partent chaque jour de nombreux travailleurs franciliens, seuls deux trains sont programmés lundi matin, contre douze en temps normal. "Je commence à 7 heures, mais je n’y serai jamais. Je vais arriver vers 8h30-9h heures", explique Ludovic qui travaille sur un chantier parisien. "Mon employeur ne dit rien, mais si ça dure, ça ne va pas le faire. Il faudra que je prenne un hôtel sur Paris", relève-t-il.

Ali s’est levé deux heures plus tôt par rapport à son horaire habituel pour être sûr de ne pas être en retard. "Je vais prendre un train plus tôt et, de la gare du Nord, aller à pied jusqu’aux Galeries Lafayette", explique-t-il. "L’organisation avec les gens que j’emploie ne va pas être évidente", poursuit-il. "Je ne sais pas encore comment on va faire, mais on va s’adapter."

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Le covoiturage, une alternative peu réjouissante face aux embouteillages

En gare de Lille, les trains régionaux sont également une denrée rare. La SNCF ne peut assurer que 10% du trafic, avec trois départs seulement, pour Douai, Aulnoye-Aymeries et Béthune. Pour le reste, deux TGV sont partis pour Paris. La direction pense pouvoir mettre en circulation un train sur quatre sur l’axe Nord. Alex, qui espérait un train pour rejoindre son lieu de travail à Hénin-Beaumont, a dû rebrousser chemin. "Je viens de prévenir mon employeur. Je vais essayer de trouver une solution autre que le train pour les prochains jours, comme du covoiturage", glisse-t-il. "Mais les routes sont blindées, ça risque de ne pas être facile non plus."

Avec la grève, la migration pendulaire est complètement perturbée, mais ce qui frappe, c’est l'entraide qui se met déjà en place. Les voyageurs échangent des conseils et s’organisent à quatre ou cinq pour faire du covoiturage les prochains jours, si la grève se poursuit. Beaucoup s'interrogent sur l’évolution de la situation après la mobilisation annoncée de mardi, et surtout après les annonces du gouvernement mercredi, Edouard Philippe devant dévoiler l’intégralité du projet de réforme du gouvernement.

Un trafic noir en Île-de-France

Lundi matin la situation était plutôt tendue sur les routes, en particulier aux abords de Paris, avec plus de 600 kilomètres de bouchons au plus fort du trafic. Les autoroutes A1 et A3 étaient bloquées dans les deux sens, et des centaines des voitures à l’arrêt entre l’A4 et la porte de Bercy. Sur l’A6, en dépit de la voie réservée au covoiturage, la circulation restait chargée. 

"C’est l’horreur… la pluie, les gens qui conduisent n’importe comment parce qu’ils sont énervés. Faire le trajet, c’est le salaire de la peur", lâche un automobiliste, interrogé par Europe 1. "Même en bécane c’est la merde", s’agace un motard. "J’ai mis 20 minutes de plus par rapport à d’habitude". Peu avant 9 heures, le site sytadin.fr, sur l’état du trafic en Île-de-France, comptabilisait plus de 620 kilomètres de bouchons dans la région parisienne, un chiffre bien supérieur à la moyenne habituelle à cette heure (environ 350 kilomètres).

En revanche, du côté des chauffeurs de VTC c’est carton plein. À peine un client est-il débarqué, que leur téléphone sonne, signalant une nouvelle réservation. "Heureusement que je connais Paris, le sud, le nord, n’importe quel endroit. Là, il faut prendre des itinéraires alternatifs, car les GPS ont l’habitude de nous donner les grands axes, même s’ils sont bouchés", explique à Europe 1 Sidi Ahmed, chauffeur VTC pour l’application Kapten. "Il faut prendre des chemins de traverse, les petites ruelles adjacentes et parallèles".