Dr Bose : l’incroyable saga d’un obsédé du son

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DANS LE RÉTRO - La marque Bose, pionnière des enceintes et casques haut de gamme, fête ses 50 ans d’existence.

DEMI-SIÈCLE. Il y a cinquante ans, un inconnu, docteur en sciences de l’électronique de la fameuse université Massachusetts Institute of Technology proposait à l’un de ses étudiants de se lancer dans un pari un peu fou : fabriquer une enceinte haut de gamme qui diffuserait un son plus précis et plus réaliste que celui des enceintes du marché. Voilà comment la marque Bose, créée en 1964 par Amar Bose, est née. Récit d’une success-story à l’américaine.

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Un fou d’électronique. Comme de nombreux entrepreneurs de l’époque, Amar Bose était avant tout un dingue d’électronique. Une passion née dès l’enfance, à Philadelphie. Nous sommes dans les années 1930 et le petit Amar adore réparer des petits objets du quotidien. Son père, un immigré indien professeur de physique reconverti dans l’importation de paillassons, et sa mère institutrice, n’ont pas les moyens de lui offrir un train électrique neuf. Qu’à cela ne tienne, Amar va en dégoter un d’occasion, qui ne fonctionne pas, et le répare lui-même de A à Z. Puis viendront les radios de la maison ou encore les autoradios, pour se faire un peu d’argent de poche. En 1947, Amar Bose est admis à la prestigieuse université du Massachusetts avec pour ambition de devenir ingénieur en électronique.

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Un gigantesque flop pour commencer. Fasciné par la psycho-acoustique, c’est à dire l’étude du comportement et de la réflexion du son, Amar Bose va concentrer ses études sur ce sujet au MIT. Diplomé en ingénierie en 1956, il travaille déjà sur plusieurs systèmes de son, notamment des appareils électroniques pour l’armée américaine. À force de plancher sur le sujet, des dizaines et des dizaines d’idées autour du son lui venaient à l’esprit. Toujours étroitement lié à son université du Massachusetts, il décide finalement de créer sa propre entreprise en 1964 avec Y. W. Lee, un de ses propres étudiants du MIT. Le professeur Bose trouve que toutes les enceintes du marché, qui ne projettent le son que vers leur auditoire, ne le retranscrivent pas de façon suffisamment réaliste. La première enceinte qu’ils développent, la 2201, est en réalité une paire d’enceintes de salon à la forme atypique. Une prouesse technologique au son déjà reconnu, mais qui ne rencontrera jamais le succès. « Tout le monde l’aimait mais personne ne voulait l’acheter », expliquera-t-il plus tard. Vendue près de 1.000 euros, elle nécessitait en effet deux coins vides d’une même pièce pour fonctionner.

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© Europe 1 / Johann Duriez-Mise

Premier succès d’envergure. Mais ce premier échec ne décourage pas Amar pour autant. Avec le peu d’argent qui reste à l’entreprise, lui et son associé se lancent dans la conception d’une autre enceinte, avec une autre approche : fini les coins de pièces, fini les enceintes imposantes. Lancée en 1968, la 901 “Direct/Reflecting” ressemble typiquement à une lampe sur pied des années 1970. C’est ce changement esthétique, couplé à la qualité du son, qui va plaire au public et rencontrer un succès commercial d’envergure. Cette enceinte restera 25 ans au catalogue de la marque : Bose commence alors à se faire un nom.

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© Europe 1 / Johann Duriez-Mise

Le casque anti-bruit, un projet à 50 millions de dollars. Un jour de 1978, en prenant l’avion, Amar Bose découvre les casques fournis par les compagnies aériennes pour écouter de la musique à bord. Mais avec le bruit ambiant des moteurs, impossible de profiter d’un son décent. Le professeur décide alors de fabriquer un casque qui permettrait de couper le son ambiant tout en profitant d’une musique de qualité. Son idée ? Annuler ce bruit en diffusant un son à la fréquence exactement opposée à celui qui encombre l’utilisateur. Un projet fou qui demandera 15 ans de développement et un budget de plus de 50 millions de dollars (environ 40 millions d’euros): “On m’aurait viré dans n’importe quelle boîte pour ce prix !”s’étonnera à ce sujet le Dr Bose, quelques années plus tard.

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© Europe 1 / Johann Duriez-Mise

Apple, l’amour… Avec l’arrivée des smartphones, notamment l’iPhone, les accessoires dits de « petit son » se démocratisent : casques et enceintes de petites tailles fleurissent et Bose passe un partenariat dès 2008 avec Apple pour commercialiser la toute première enceinte « dock » capable d’accueillir un iPhone. Le succès est une nouvelle fois au rendez-vous mais la marque à la pomme préfère s’ouvrir à la concurrence plutôt que de s’enfermer dans une exclusivité avec Bose. Les autres marques du secteur ont cependant flairé le bon filon et Bose est rapidement rejoint puis dépassé par la concurrence.

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…avant le procès. C’est d’ailleurs cette concurrence qui va pousser Bose au premier procès de son histoire : la firme du Massachusetts dépose plainte  en juillet 2014 aux États-Unis pour violation de brevets. La société reproche à la marque Beats, son partenaire quelques années plus tot, d’avoir copié la technologie d’annulation du bruit sur ses casques, vendus à plusieurs millions d’exemplaires et désormais propriété d’Apple.

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Une philosophie d’entreprise payante. Quelle que soit l’issue de ce procès, Bose reste une entreprise à part dans son secteur. Cela s’explique par la philosophie inculquée par son fondateur : pour Amar Bose, les bénéfices tirés des ventes de ses produits devaient être systématiquement réutilisés pour la recherche d’autres inventions. C’est pourquoi le Dr Bose, en 2011, a choisi de léguer l’intégralité de ses parts de l’entreprise au MIT, à deux conditions : que le MIT n’interfère pas dans la gestion de celle-ci et qu’elle ne revende pas ces dites actions. Bien lui en a pris puisque c’est cette philosophie qui permet à Bose d’afficher aujourd’hui une santé financière sans faille : la marque aux 10.000 employés, dont 1.500 chercheurs, a déclaré 2 milliards de revenus en 2013, l’année de mort du Dr Bose. Celui-ci a laissé les commandes de la société à un autre ancien étudiant du MIT, Bob Maresca. “Aucune personne ne pourra jamais remplacer le Dr Bose. Mais il a choisi avec soin l’équipe de direction de Bose. La philosophie de Bose ne changera pas, et nous resterons fidèles aux principes sur lesquels la société a été fondée”, promettait la marque après la disparition de son mentor. Le Dr Bose n’est plus de ce monde, mais son nom continue de faire le tour de la planète plusieurs fois par jour.

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