Une "récupération" face à un "message politique" ? Le genou à terre des Bleus fait polémique

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Hélène Terzian et Léa Leostic , modifié à

Avant le coup d'envoi du match contre l’Allemagne mardi soir, les Bleus avaient annoncé, avant de se raviser, qu'ils poseraient un genou à terre. Un geste fort, symbole de la lutte contre le racisme et hérité du mouvement Black Lives Matter. L’initiative a déclenché les critiques de l’extrême-droite et de la droite, sur fond de récupération politique à quelques jours des élections départementales et régionales.

Les Bleus affrontaient l’Allemagne mardi soir pour leur début de l'Euro. Outre la composition, la tactique, la rivalité historique contre la Mannschaft, l’avant-match de l’équipe de France a également été agité sur un terrain plus inattendu : la sphère politique. Car les Tricolores avaient décidé de poser un genou à terre avant le coup d'envoi du match, symbole de la lutte contre le racisme. Le capitaine Hugo Lloris l’avait annoncé à la veille de la rencontre en conférence de presse.

Ce geste vient des États-Unis et du mouvement Black Lives Matter, popularisé par le joueur de football Colin Kaepernick en 2016. Depuis la mort de George Floyd après une interpellation policière meurtrière en mai 2020 aux États-Unis, les joueurs américains ont pris l'habitude de reprendre ce geste, en soutien au mouvement. Il est depuis souvent vu sur les terrains européens, en Ligue des champions, mais aussi lors des matchs de préparation et pendant l’Euro. Les Anglais l’ont notamment fait lors du match contre la Croatie dimanche (1-1) et ont été sifflé par une partie du public.

Les Bleus se sont finalement ravisés. "On part du principe que si on doit le faire, toutes les nations doivent le faire, avec l’appui de l’UEFA. C’est le cas en Premier League. Tous les joueurs, tous les clubs avaient été concertés, le mouvement a été solidaire. Sur cette compétition, ça l’est moins. Mais ça ne veut pas dire qu’on ne soutient pas la cause", a simplement expliqué Hugo Lloris après la rencontre.

Un drame qui "n’a aucun rapport avec la France"

Après la première annonce du capitaine de Tottenham lundi, les critiques de la droite et de l’extrême droite ont fusé. "Black Lives Matter est un drame, mais un drame qui s’est passé aux États-Unis avec la police américaine. La police française n’a jamais eu ces dérives", a estimé sur Europe 1 Thierry Mariani, candidat du Rassemblement national pour les régionales en Provence-Alpes-Côte d'Azur, qui dit "regretter" ce geste qui est aussi "un message politique". Il affirme également qu'il s'agit "encore d'une opération importée d’un pays étranger qui n’a aucun rapport avec la France".

"Je pense qu’il faut séparer le sport et la politique. Manifester contre le racisme, c’est la vocation de tout un chacun. Le faire en posant un genou à terre, en important des querelles qui n’existent pas dans notre pays, je suis un peu plus dubitatif", a de son côté déploré Pierre-Henri Dumont, député Les Républicains du Pas-de-Calais, rencontré mardi après-midi dans les couloirs de l’Assemblée nationale.

"Footix de la politique"

"Les footix de la politique se réveillent parce que c'est l'Euro et parce que les élections régionales approchent (20 et 27 juin). Mais ça fait plus d'un an que les Bleus le font à certains matches. Ils l'ont déjà fait à l'époque de Black Lives Matter. Ils l'ont refait début juin contre le pays de Galles. Manque de pot, on ne l'a pas vu parce que c'était pendant la coupure pub. Je ne comprends pas cette polémique sur quelque chose qui a déjà été fait par l'équipe de France", a estimé Olivier Pérou, journaliste politique au Point, mardi soir sur Europe 1. "Ils se réveillent parce que c'est une campagne politique, c'est une récupération politique. Ce qui m'interroge, c'est ce patriotisme à géométrie variable", a-t-il poursuivi.

"Que vont-ils dire si jamais cette équipe gagne l'Euro ?"

"C'est important que des joueurs qui sont souvent victimes de racisme sur les terrains se mobilisent, au-delà même de ce qui a pu se passer aux Etats-Unis et de la symbolique que peut avoir ce geste. (…) Les extrêmes font une petite erreur. Que vont-ils dire si jamais cette équipe gagne l'Euro ? Là encore, c'est à géométrie variable", a appuyé Emmanuel Duteil, journaliste et chef du service économie d’Europe 1. "À partir du moment où on sait que c’est un geste contre le racisme, tout est clair et il n'y a pas de possibilité pour l'opposition, notamment le Rassemblement national, de venir claironner un autre message", a de son côté déclaré la journaliste politique Laetitia Krupa.

D’autres députés ont en revanche salué la décision des Bleus. "C’est une décision salutaire, une décision qu’avaient déjà pris beaucoup de joueurs qui disputaient la Ligue des champions", a noté le député LREM Sacha Houlié (LREM), particulièrement amateur de foot. Il a également insisté sur "l’exemplarité que montrent les joueurs de football". "Je ne comprends pas toutes ces personnes qui font naître des polémiques sur ces sujets", a-t-il conclu.

Du côté de La France insoumise, on applaudit également l’initiative des joueurs de Didier Deschamps. "Pardon de le dire vulgairement, mais je trouve que ça a de la gueule. Je préfère des footballeurs qui prennent des positions contre le racisme que des gens qui prennent leur chèque et ne font jamais rien. C’est leur manière à eux de chanter la Marseillaise", a déclaré Alexis Corbière.