Ligue des champions : comment Red Bull a "énergisé" Leipzig, adversaire de Monaco

La joie de Naby Keita, au centre, buteur le week-end dernier contre Hambourg.
La joie de Naby Keita, au centre, buteur le week-end dernier contre Hambourg. © PATRIK STOLLARZ / AFP
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L’AS Monaco se déplace mercredi soir à Leipzig, club possédé par Red Bull dont le succès déchaîne les passions outre-Rhin. 

L’AS Monaco va découvrir l’ovni du foot allemand. Les champions de France en titre, qui débutent en Ligue des champions mercredi soir, se déplacent sur la pelouse du RB Leipzig, club fondé et possédé par la marque Red Bull. En seulement sept ans, la marque de boissons énergisantes, présente en masse dans le sport (F1, sport extrême, foot), a mené l’équipe d’ex-RDA de la cinquième division à la plus prestigieuse des compétitions européennes. Cette ascension fulgurante, financée grâce à des moyens colossaux et une stratégie sportive parfaitement rodée, ne plaît cependant pas à tout le monde. Outre-Rhin, où le football est une affaire de tradition, le RB Leipzig est confronté à l’hostilité, voire à la haine d’une frange des supporters des autres clubs. Présentation de ce club, considéré comme l’OVNI du foot allemand.

  • Un club 100% Red Bull

Aussi incroyable que cela puisse paraître, le RB Leipzig, inattendu deuxième de la dernière Bundesliga, vient à peine de fêter ses huit ans d’existence. En 2009, année de la fondation du RB, Dieter Mateschitz, créateur de Red Bull, est déjà propriétaire de deux clubs de foot, les Red Bull Salzbourg en Autriche, et les New York Red Bulls en Major League Soccer, aux États-Unis. Mais le milliardaire autrichien rêve de fonder une équipe en Allemagne et de l’amener jusqu’en Bundesliga, l’un des plus prestigieux championnats au monde. Il rachète un petit club de Leipzig, une des plus grandes villes d’ex-RDA (Allemagne de l’Est), qui évolue alors en cinquième division.

Sauf que, contrairement à l’Autriche et aux États-Unis, la loi allemande interdit de donner à une équipe le nom d’une marque. Mateschitz trouve la parade et le baptise officiellement "RB", les initiales de RasenBallsport ("sport de balle sur gazon".) Le logo du club, lui, ne s’embarrasse pas de ces considérations : avec ses deux taureaux rouges fonçant de chaque côté sur un ballon, la référence à Red Bull est clairement assumée. Le stade de Leipzig (45.000 places), rénové à l’occasion du Mondial 2006, est lui rebaptisé "Red Bull Arena". Tout est alors en place pour assouvir les rêves de Mateschitz.

  • Un succès grâce à l’argent… et une stratégie sportive performante

Dès leur prise de fonction, les dirigeants du RB Leipzig annoncent la couleur : monter en Bundesliga dans les cinq à dix ans à venir. Grâce à plusieurs dizaines de millions d’euros injectées par la marque autrichienne, le RB obtient son accession en première division en seulement sept ans, en 2016. L’argent de Red Bull y est pour beaucoup, mais pas uniquement. Car la marque de boissons gazeuses refuse de payer le prix fort pour attirer des stars, comme le font les richissimes propriétaires du PSG ou de Manchester City. Leur modèle pour arriver à leurs fins se rapproche bien davantage de celui de l’AS Monaco, à savoir la formation et le développement de jeunes joueurs. Le RB concentre ses moyens colossaux sur le recrutement de formateurs et de "scouts" (recruteurs) capables de repérer les meilleurs jeunes. Les clubs de Salzbourg et de New York sont aussi mis à contribution, devenant des sortes de pépinières du grand frère allemand.

Sur le terrain, peu de grands noms mais des jeunes, en très grande majorité âgés de moins de 25 ans et plein de talent, qui forment un collectif cohérent et redoutable. Le milieu offensif suédois Emil Forsberg (25 ans), formé au Bayern, avait impressionné et marqué contre l’équipe de France en qualifications du Mondial 2018 (victoire des Bleus 2-1 en novembre 2016).  Autres "pépites" de Leipzig : le milieu guinéen Naby Keita (22 ans), qui sera transféré à Liverpool l’été prochain contre 52 millions d’euros, ou encore l’attaquant allemand Timo Werner (21 ans), déjà annoncé comme le futur avant-centre de la Mannschaft. Et comme tout club "formateur" qui se respecte, le RB compte deux jeunes Français dans ses rangs, le défenseur central Dayot Upamecano (18 ans), formé à Valenciennes et déjà titulaire, ainsi que l’attaquant Jean-Kevin Augustin (20 ans), acheté cet été au PSG contre 15 millions d’euros.

  • Des déchaînements de haine dans toute l’Allemagne

Si sur le terrain le RB Leipzig suscite le plus grand respect, c’est une toute autre histoire en tribunes. Depuis son avènement au niveau professionnel, le club d’ex-RDA doit faire face à l’hostilité de nombreux supporters. Car en Allemagne, pays où le foot est une religion, un schisme scinde en deux la Bundesliga depuis quelques années. Les fans des clubs dits "traditionnels" (TraditionVerein, comme le Borussia Dortmund, Bayern Munich, Schalke 04, Hambourg…), tenants d’une vision "traditionnaliste" du foot et basés sur un modèle économique rationnel, vouent ainsi une hostilité farouche aux "nouveaux riches", comme Leipzig ou Hoffenheim, perçus comme des créations artificielles.

Mais la défiance envers le club financé par Red Bull est allée nettement plus loin. En août 2016, des supporters de Dresde (deuxième division) avaient lancé une tête de taureau tranchée, en référence à la marque de boissons énergisantes, devant la tribune des fans du RB. Des fans de Leipzig, dont des familles, ont même été violemment agressés par des "ultras" du Borussia Dortmund en février dernier, suscitant une énorme polémique Outre-Rhin. Depuis ces débordements, le RB n’est pas devenu le club le plus populaire du pays, mais sa cote de sympathie est nettement remontée. Dans un sondage réalisé début 2017, 75% des fans de foot interrogés ont même estimé que l’arrivée de Leipzig a enrichi la Bundesliga. La preuve que, petit à petit, le club de la marque au taureau ailé se fraye une place parmi les vaches sacrées du championnat allemand.