Jean-Pierre Caillot 26:43
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Colin Abgrall , modifié à
Président du Stade de Reims depuis 2004, membre du conseil d’administration de la Ligue de Football Professionnel et trésorier du syndicat des clubs de Ligue 1, Jean-Pierre Caillot est l’invité exceptionnel d’Europe 1 Sport. Il a répondu ce samedi aux questions du journaliste et éditorialiste Jacques Vendroux et de Cyrille de la Morinerie.
EXCLUSIF

À la veille du match entre le Stade de Reims et l’Olympique de Marseille, le dirigeant de 60 ans, qui cumule trois fonctions au sein du football français, a accordé une interview exclusive à Europe 1. Il y évoque sa genèse en tant que président, ses fonctions au sein de la Ligue et du syndicat mais aussi les finances du championnat de France ainsi que les droits télévisés de celui-ci avant de terminer sur l’avenir des ses meilleurs éléments.

Comment est-il arrivé dans le football et devenu président de Reims : "Le football, c’était ma passion."

"Ça a commencé dans une cour d'école où j'avais tendance à me prendre pour Carlos Bianchi. En fait, c'est une passion. Le football, c'était ma passion. Je suis devenu chef d'entreprise. J'ai été sollicité par Fabrice Harvey, le directeur commercial du Stade de Reims, pour me joindre à l'aventure. En 2002, le club est retourné en Ligue 2. Malheureusement, il a fini vingtième et sous l'impulsion d'un certain nombre de mes collègues chefs d'entreprise locaux et régionaux et par rapport aux résultats que j'avais dans le foot entreprises, on m'a sollicité en disant qu'il faudrait peut être une personne comme moi pour diriger le club.

Il n'y a pas eu besoin de beaucoup me pousser pour que je me mette en première ligne. J'ai donc sollicité mon prédécesseur (Christophe Chenut) pour rentrer dans l'actionnariat et pour prendre la présidence. Une présidence déléguée au début. Il y avait beaucoup de pression et une grande attente des supporters aux quatre coins de la France, de voir renaître un peu le Stade de Reims qui était, je le rappelle, reparti de la division d'honneur (en 1992). On a fait une année où on a pris le titre de National (en 2004) et à l'issue de ce titre de National, comme il s'y était engagé, mon prédécesseur m'a laissé prendre la présidence et donc depuis, je suis président de cette vénérable institution avec des hauts et des bas en Ligue 2, et un retour en Ligue 1, 33 ans après, en 2012."

Sur l'agrandissement du stade Auguste Delaune : "Ce stade a besoin d’être adapté"

"Être en centre ville sous-entend aussi des problèmes de parking. C'est à la fois handicapant, mais le fait qu'il soit en centre ville, le fait qu'il soit récent, est effectivement un élément important pour le Stade de Reims. Il a été assez long à construire parce que l'équipe première était dans des divisions inférieures, on peut très bien comprendre que ce n'était pas la priorité des politiques. Quand il nous a été livré, il était déjà un peu désuet par rapport à ce qu'on voit en France ces dernières années. Ce stade a besoin d'être adapté. On a bien l'intention de se servir d'une partie des sommes de la société commerciale qui a rejoint la Ligue pour aménager notre stade, le rendre encore plus attrayant, pour que nos supporters reviennent au stade. Aujourd'hui, on a une capacité de 21.700 spectateurs. On est prêts à descendre à 18.000 pour que nos spectateurs soient dans de meilleures conditions pour assister à des matchs de foot. Ne l'oublions jamais, nous sommes organisateurs de spectacles."

Sur le retour de Reims en Coupe d'Europe (en 2020, tour préliminaire de la Ligue Europa) : "Ça ne rappelle que des bons souvenirs"

"Être président d'un club pendant 20 ans, c'est beaucoup d'emmerdements et de temps en temps, des grands moments de bonheur. Quand, 33 ans après, on retourne en Ligue 1, c'est un moment très fort. Quand, 57 ans après, tu retournes en Europe, c'est magnifique parce que ça ne rappelle que des bons souvenirs à tous les gens qui l'ont connu ou qui en ont entendu parler par leurs parents ou leurs grands parents. J'aurais tellement aimé qu'il y ait un match à Delaune, on aurait évidemment été à guichets fermés. Ça aurait été quelque chose de grand et ça nous a donné envie. Et c'est pour ça qu'on a envie d'y retourner dans les années qui viennent."

Comment il gère le cumul des fonctions : "Mes collègues n’ont pas l’air de s’en plaindre"

"À partir du moment où on s'investit dans un métier, je pense qu'il y a un moment où il faut relever les manches et prendre les choses en main et on ne peut pas les garder si on est uniquement dans son microcosme et dans son entreprise ou dans son club. C'est la raison pour laquelle, depuis des années, j'ai des responsabilités à la ligue et lors de la crise du Covid on a bien vu que le football partait un peu dans tous les sens. Il fallait un nouveau président à la ligue. On s'est arrangés et on a soutenu Vincent Labrune. Aujourd'hui, les gens qui ne votaient pas pour lui, reconnaissent que c'était vraiment l'homme de la situation. Quand on voit comment il a amélioré la situation du football français ces dernières années, notamment depuis son élection et de la même façon au niveau des présidents. Le fait d'être le plus ancien président derrière mon ami Jean-Michel Aulas, ça me crédibilise un peu par rapport à un certain nombre de mes collègues qui sont arrivés. Il a semblé opportun à un certain nombre de mes confrères, que ce soit moi qui porte leur voix d'abord pour éviter que tout le monde s'exprime dans tous les sens et sur tous les sujets. Voilà comment je me suis retrouvé président des présidents. C'est une fierté pour moi et a priori, mes collègues n'ont pas l'air de s'en plaindre."

CVC Capital Partners va injecter un milliard et demi d'euros dans les caisses du foot français. "Le football français est-il sauvé ? Il faut restructurer le football"

"Il a énormément souffert à la fois du covid et de la défaillance d'un diffuseur, Mediapro. Là aussi, Vincent Labrune a négocié des clauses de sortie qui sont passées un peu dans l'ombre, mais qui ont été essentielles sur les droits télés pour bonifier. Les clubs ont souffert, les clubs se sont restructurés. Soit les actionnaires sont intervenus, soit il y a eu des changements d'actionnaires. Mais aujourd'hui, on est revenu dans une situation où les clubs sont à nouveau sains. L'arrivée de CVC, c'est pour permettre au football de ré-enclenché quelque chose qui fasse que nos clubs français puissent être compétitifs à l'international. C'est impossible de comprendre pourquoi nos clubs européens n'arrivent jamais à figurer longtemps sur la scène ou de façon répétée, comme le font d'autres nations à proximité. Ce qu'il faut, c'est restructurer le football. C'est en train de se mettre en place. Tous les clubs doivent avoir une place, mais il doit y avoir des clubs forts qui, tous les ans, brillent sur la scène européenne."

Sur le match face à l'Olympique de Marseille : "Reims s’est fait une spécialité d’embêter les grands clubs"

"Le stade Auguste-Delaune va être plein. C'est ma frustration. On a deux affiches qu'il ne faut pas rater dans l'année. C'est le Paris Saint-Germain, et cette année, ça a été encore particulier puisque c'était le premier match de Lionel Messi et le match a été retransmis dans 207 pays. Marseille, évidemment, puisque ça fait aussi partie de l'histoire du football et du fait que pendant 33 ans, il n'y a pas eu d'équipe à Reims, donc toute une génération n'a pas pu se mettre aux couleurs du Stade de Reims. Elle était soit pour Marseille, soit pour Lyon, soit pour Paris. Il faut être très clair. Donc aujourd'hui, il y a plein de Rémois qui vont venir au stade et qui seront là pour regarder Marseille. C'est une frustration. Quand on joue Marseille, ce n'est pas un match anodin. Après, ce qui me fait plaisir quand on reprend nos neuf années de Ligue 1, c'est que le Stade de Reims s'est fait une spécialité d'embêter les grands clubs. On l'a encore fait mercredi dernier en battant le champion sortant (Lille) et historiquement, c'est des équipes qui nous ont assez bien réussi."

Son regard sur Marseille en Conférence League : "J’espère qu’ils vont gagner cette coupe d’Europe"

"Je serai supporter de l'Olympique de Marseille. C'est essentiel pour le football français d'avoir des locomotives et Marseille en est une. Et j'espère non seulement qu'ils vont battre le Feyenoord, mais qu'ils vont gagner cette Coupe d'Europe."

Le PSG est-il un beau champion ? "C’est une chance pour le football français"

"Et bien sûr que c'est un beau champion en français, bien sûr qu'ils vont être champion de France. Après, ils sont quand même des moyens qui font que s'ils n'étaient pas champion de France... Et ça leur est quand même arrivé quelques fois ! C'est pour ça que le football est magique. Au milieu de leurs 10 titres, il y a quand même eu deux fois où ils ont pris la deuxième place. Je pense qu'avec les moyens qu'ils ont, ne pas être champions, ce serait une hérésie. Mais c'est une chance extraordinaire d'avoir ces joueurs dans notre championnat. Ils ne sont pas tous à bout de souffle, se sont quand même des grands joueurs. C'est une chance pour le football français. Ça nous permet un rayonnement à l'international et ça nous permet dans nos stades de province d'accueillir ces joueurs et de leur donner du rêve. Il suffit de voir le nombre de gamins qui sont à la sortie de l'hôtel quand ils viennent jouer contre un autre club."

Sur les diffuseurs, Amazon et Canal+ : "Chacun redeviendra sage le moment venu"

"D'abord, il ne m'appartient pas d'être en première ligne sur ce genre de discussions, la ligue le fait très bien. Je pense que Canal+ est le partenaire historique du football. Il y a eu un certain nombre d'incompréhensions de leur part et de la nôtre. Peut être que les relations se sont tendues par moments et qu'on a oublié que c'était nos clients. On oublie parfois qu'on est des entreprises. Il n'y a peut-être pas eu le respect qu'ils attendaient. De leur côté, ils ont peut-être voulu profiter d'une situation momentanée où le football était en crise. Mais bon, le temps fait que chacun redeviendra sage le moment venu. Le fait d'avoir Amazon et que Vincent Labrune est allé chercher Amazon, on est quand même le seul pays au monde où un GAFA (acronyme désignant les géants d'internet) retransmet le championnat. Aujourd'hui, c'est incontournable. Je trouve qu'ils font du bon travail. Le championnat est mis en valeur, donc le fait d'avoir ces deux là en compétition, c'est bien pour tout le monde."

Sur les problèmes de supporters :"On travaille très bien"

"C'est des sujets sensibles et loin de moi l'idée d'être un donneur de leçons. Quand on était en National, avec assez peu de supporters présents, on a eu des comportements qui n'étaient pas ceux que l'on souhaitait voir dans un stade. On les a fait interdire de stade. Donc nous, on a toujours été tolérance zéro. On travaille très bien avec nos groupes de supporters. Ils n'ont pas non plus la taille des groupes de supporters comme peuvent avoir les grands clubs comme Marseille, comme Paris, comme Saint-Etienne avec 3 000 personnes adhérentes. Nous, on n'a pas ce genre de groupe, mais à notre niveau, tolérance zéro. On a été, à ma connaissance, le premier club français à créer une tribune réservée aux familles parce que j'entendais trop de mes salariés dire qu'ils ne voulaient pas emmener leurs enfants au stade. On a créé au moins ça, avec des animations, des jeux. On veut que les familles viennent se retrouver dans le stade. Donc on essaye de tout faire pour que ça se passe bien. Dernièrement, une journaliste de Médiapart a entendu et filmé, soit disant, un cri raciste dans le stade. On a trouvé la personne qui avait dit ça. On l'a fait interdire de stade et maintenant, quand il dira une connerie, il réfléchira avant de la dire. On ne laisse rien passer."

Sur l'avenir de Yunis Abdelhamid : "Yunis va repartir pour deux ans"

"Il est devenu aujourd'hui un élément tellement important qu'on a tout fait, alors qu'il est en fin de contrat, pour qu'il reste avec nous. C'est un garçon raisonnable, il a une famille raisonnable et donc on a trouvé un accord qu'on va bientôt officialiser. Et Yunis va repartir pour deux ans avec le Stade de Reims."

Sur l'avenir de Wout Faes : "Il va aller grandir ailleurs"

"Notre cellule de recrutement et notre direction générale sont à plus de 100 rencontres avec les plus grands directeurs sportifs et les plus grands agents d'Europe sur les joueurs que nous envisageons éventuellement de céder. C'est un garçon à qui on a vendu un projet, qui venait ici pour deux ans pour passer un cap. Preuve en est qu'il est maintenant sur les listes de l'équipe de Belgique. Il devait faire deux ans au Stade de France, il les a fait. Il va aller grandir ailleurs."

Sur l'avenir de Hugo Ekitike : "Il perdrait du temps à aller avec nous"

"C'est un garçon qui a des qualités extraordinaires et je pense qu' on va faire une petite différence par rapport à ce qu'on fait en règle générale, de prendre un jeune tout doucement, le faire rentrer dans l'équipe, le faire grandir avec notre équipe pendant quelques années et ensuite qu'il aille ailleurs. Dans le cas de Hugo, il perdrait du temps à rester avec nous. On a refusé une sollicitation à 35 millions d'euros cet hiver, ce qui est quand même beaucoup d'argent pour un club comme le nôtre. Cet argent nous servira à grandir, continuera à améliorer le club et Hugo a un bon de sortie. Il va probablement sortir. Je n'ai pas un grand club qui n'est pas venu aux renseignements."