OM-PSG : toujours la même saveur ?

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LIGUE 1 - Le classique du championnat de France oppose l'OM au PSG, dimanche, au Vélodrome.

Deux semaines après la réception de Monaco (1-1), son rival annoncé dans la course au titre de champion de France, le PSG se déplace sur la pelouse de son meilleur ennemi, l'Olympique de Marseille, en clôture de la 9e journée du championnat. Le classique, déclinaison française du clasico entre le Real et le Barça, a-t-il perdu de sa saveur avec la (re)montée en puissance de l'ASM ? Si les déclarations des joueurs ("ça reste un match particulier", a ainsi reconnu le milieu parisien Blaise Matuidi) et des dirigeants sont redevenus très... classiques (à la différence de l'époque Tapie par exemple), Europe1.fr est allé sonder des supporters des deux camps pour voir si la passion irriguait toujours de cette affiche du football français.

Le budget et le classement au second plan

Nkoulou face à Ibra (930x620)

"Ça ne change rien du tout." James, supporter du PSG et responsable de l'association Liberté pour les abonnés, n'hésite pas une seule seconde. Pour lui, les confrontations entre les deux clubs n'ont rien perdu de leur intérêt. "Ça n'a jamais été une question de budget ou de classement parce que, dans les faits, à part à la fin des années 1980 et au début des années 1990, les clubs ont rarement été au même niveau." Christian*, Aixois et inconditionnel de l'OM "depuis 30 ans", abonde dans son sens : "il faut partir du principe que cela aura toujours de la saveur. Mais là, il y a même une double saveur : l'intérêt d'un point de vue sportif, car l'OM (3e) n'est qu'à un point du PSG (2e) et puis le symbole d'un point de vue financier, avec le riche contre le pauvre. L'OM adore jouer les victimes. On l'a toujours fait même si ça n'était pas toujours forcément vrai dans les faits (sourire). Là, pour le coup, on est conforté dans notre statut de victime du parisianisme, du parisianisme qatari même."

PSG-OM de 1999 (930x620)

Et les deux supporters de se souvenir d'époques où la concentration de stars, nationales ou internationales, était bien moins importante. Mais la rivalité présente aux quatre coins du terrain. "Ces PSG-OM ou OM-PSG sont des matches où on peut oublier le classement direct", avoue James, fidèle du PSG. "Si on nous avait dit, au moment où Canal+ a repris le PSG en 1991, qu'on battrait l'OM pour la première fois grâce à un but de Bruno Rodriguez (en mai 99, 2-1, photo) personne ne l'aurait cru ! De la même façon, personne n'imagine que Khalifa marque dimanche (rires)."

Du côté marseillais, on a forcément un autre match en tête : "Je me souviens de l'année (saison 2011-12) où on les avait défoncé 3-0 et qu'Amalfitano était au sommet de sa forme (sourire), on a en moins entendu parler car l'OM était dans les choux (10e au classement final de L1)". Christian accueille même avec un certain appétit les stars parisiennes. "Ronaldinho nous a souvent humiliés, mais on était content, ça faisait des beaux matches (sourire). Ça a quand même plus de gueule (d'avoir Ibra et consorts sur le terrain, ndlr) que quand il y avait Bakayoko d'un côté et Francis Llacer de l'autre. Le Marseillais préférera toujours avoir des stars en face."

Une banderole au Vélodrome, lors d'OM-PSG en 2012 (930x620)

Car, aujourd'hui, l'OM n'a plus les moyens d'attirer les mêmes stars que le PSG. Et si le club phocéen peut espérer réaliser un "coup" sur un match, il lui est aujourd'hui difficile d'imaginer terminer devant son rival au classement final du championnat. Le président de l'OM en personne, Vincent Labrune, n'hésite plus à reconnaître que l'OM ne joue plus dans la même catégorie que le PSG. "C'est ce qui nous frustre le plus, ce n'est pas le fait qu'il y ait le prince du Qatar qui balance des milliards et des milliards, c'est d'entendre une espèce de renoncement dans la bouche de nos dirigeants", regrette Michel Tonini, président du groupe de supporters des Yankees. "On n'a pas envie de la jouer petit bras ou profil bas. (...) L'OM n'a pas vocation à être le Petit Poucet, le poil à gratter, ou je ne sais quelle autre expression. On n'est pas Auxerre, on est l'OM. On a vocation à jouer le titre chaque année." Christian confirme : "c'est un peu énervant de se dire qu'on est condamné au mieux à la troisième place, ça crée forcément un peu de frustration."

Une nouvelle atmosphère dans les tribunes

Supporters du PSG à Marseille (930x620)

Alors que le PSG creuse l'écart au niveau sportif, la tendance est inverse au niveau des supporters. Le Stade Vélodrome est en cours de rénovation et les associations de supporters restent actives. A Paris, depuis la mort de Yann Lorence en marge d'un PSG-OM et le virage ultra-sécuritaire pris par la direction, les groupes ultras ont disparu. "Ça n'a plus la même saveur car il n'y a presque plus du tout de public à Paris et que, j'imagine que, pour les Marseillais, ne pas avoir 800 Parisiens au Vélodrome (moitié moins sont attendus, dimanche, ndlr), ça ne peut pas avoir la même saveur", insiste James, pro-PSG. L'un des derniers déplacements massifs de Parisiens sur la Canebière, en octobre 2009, avait tourné à la bataille rangée après l'annulation de la rencontre pour cause de grippe A. "Les Parisiens ont failli se faire lyncher. On a frôlé la catastrophe. Personne ne regrette ça", insiste le fan de l'OM Christian.

Pendant que les relations entre dirigeants se normalisaient, ces incidents à répétition ont nourri l'inimitié entre les deux camps de supporters, transcendant le pur cadre sportif. "Il faut bien distinguer les rivalités entre les clubs, portées et fabriquées par les médias à des fins commerciales, et les rivalités entre associations, formelles ou informelles suite aux dissolutions et mises en silence, qui, elles, sont plus durables et reposent sur des expériences vécues en déplacement et à la maison", insiste Antoine*, habitué du Parc et des contre-parcages en déplacement (les parties de tribunes parfois réservées aux supporters du PSG n'ayant pas fait le déplacement avec le club, ndlr). Il cite notamment la banderole sortie par les South Winners en 2009 : "trois ans sans Julien, trois ans qu'on est bien."**

Birdy Nam Nam (930x1340)

Malgré l'absence d'ultras organisés à Paris, l'inimitié avec l'OM reste vivace. Le "nouveau" public du Parc a ainsi récupéré quelques... classiques. Mercredi, contre Benfica, après une demi-heure de jeu, les virages hurlaient : "Marseille, Marseille, on t'enc...". A Paris, les insultes prennent maintenant parfois le pas sur les chants. "Il y a un manque de culture évident, à partir du moment où on a coupé autant dans le vif,  et qu'on n'a pas créé les conditions de transmission de ce qu'était être supporter", souligne James. "Les "nouveaux", ils ont l'image des PSG-OM qu'ils ont eue dans les médias, et c'est forcément une image négative. A l'époque, ça chambrait beaucoup et il y avait une vraie rivalité pour mettre l'ambiance. On essayait de faire en sorte, par exemple, qu'on n'entende pas du tout les Marseillais quand ils venaient au Parc des Princes. Et juste avec notre voix. Pas parce qu'il y a un DJ qui met la musique à fond (ici en photo Little Mike de Birdy Nam Nam) ou parce qu'il y a des micros de télévision qui sont plus d'un côté que de l'autre."

Malgré tout, le Parisien Antoine considère que la rivalité n'est pas prête de s'éteindre : "cette rivalité perdurera quoi qu'il arrive, peu importe le manque de culture des nouveaux supporters. La haine de Marseille est dans l'ADN du PSG, club plus récent qui se définit donc par un contrepoids à l'OM qui séduisait bon nombre de Franciliens avant les premières réussites européennes de Paris. Du côté de Marseille, les performances du PSG achetées à coup de millions énervent forcément. Quand ton pire ennemi se renforce et grandit de manière amorale, ta haine ne peut qu'être renforcée." Créée par Canal+ pour vanter "son" championnat au début des années 1990, la rivalité entre le PSG et l'OM a fini par s'installer dans la durée.

*Les prénoms ont été changés.
**Julien Quemener a été tué par un policier en marge du match de Coupe de l'UEFA entre le PSG et l'Hapoël Tel-Aviv.