OM : Labrune, l'homme-mystère

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FOOT - Le président de l'OM, qui reçoit Bastia samedi, est un homme d'une grande discrétion.
Couverture de "L'Histoire secrète de l'OM" (930x1340)

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Samedi après-midi, face à Bastia (17h00), vous ne le verrez sûrement pas parader en cas de victoire ou pousser un coup de gueule en cas de défaite. Loin de la truculence d'un Louis Nicollin (Montpellier) ou du discours volontariste d'un Nasser Al-Khelaïfi (PSG), le président de l'OM, Vincent Labrune, en place depuis l'été 2011, se fait volontiers discret, par vents calmes comme dans les tempêtes. Pas de petites phrases assassines ni d'apparitions télévisées dans le "Canal Football club". L'histoire secrète de l'OM, parue jeudi chez Flammarion*, lève une partie du voile sur une personnalité majeure du football français qui reste méconnue du grand public.

Labrune en bord de pelouse (930x620)

Labrune côté sanguin. Dans son enquête minutieuse sur l'OM, le journaliste indépendant David Garcia rend compte d'un des épisodes les plus marquants de l'histoire récente du club. Le 28 mars 2012, l'OM dispute un quart de finale de Ligue des champions face au Bayern Munich. L'événement, sportif, est sur la pelouse mais aussi dans les tribunes. Les supporters, remontés contre l'entraîneur Didier Deschamps, ont déployé une banderole : "Deschamps et tes joueurs, cassez-vous !". En zone mixte, face à trois journalistes venus recueillir sa réaction, Labrune dégoupille : "je travaille 15 heures par jour pour ce club, il faudrait me faire une statue plus grande que Jean Bouin (une des tribunes du stade Vélodrome). Les actionnaires, c'est nous, on fait ce qu'on veut, vous allez pleurer en fin de saison, vous les Marseillais (les journalistes locaux)." Le discret est donc capable de s'emporter...

Labrune en bord de pelouse L1 (930x620)

Labrune côté cœur. Rôdé à la communication d'entreprise, décrit par David Garcia comme un grand séducteur hors caméra, Labrune aime avoir les médias avec lui. Ou plutôt, pas contre lui. L'auteur raconte ainsi une entrevue entre le président de l'OM et Eric di Méco, champion d'Europe avec l'OM en 1993. A l'époque, l'ancien latéral olympien exerce ses talents de consultant sur RMC Sport et M6, dans l'émission "100% Foot". Labrune lui aurait dit : "je connais beaucoup de monde (...) Le problème avec toi, c'est que tu travailles dans deux médias sur lesquels je n'ai aucune prise." L'actuel consultant de BeIn Sport reconnaît après-coup avoir été victime de l'opération séduction du boss de l'OM. "Je suis un affectif, j'ai du mal à fracasser les gens que je connais. Depuis que j'ai fait sa connaissance, j'ai du mal à critiquer Labrune. Je suis conscient qu'il a réussi à me verrouiller." En matière de médias, Labrune est capable de tout, comme de répondre à Pape Diouf sur une pleine page de L'Equipe, après la publication de son autobiographie...

Labrune siffle (930x620)

Labrune côté cour. Avant de parvenir à la présidence de l'OM, Labrune a fait carrière dans les médias, en tant que chargé de communication à France 2 puis de Réservoir Prod, la société de Jean-Luc Delarue. Devenu conseiller de Robert Louis-Dreyfus (RLD), l'ancien propriétaire de l'OM, décédé en 2009, il collabore également avec les pontes de TF1, Patrick Le Lay et Etienne Mougeotte. Président du conseil de surveillance du club, c'est lui qui propose le nom de Jean-Claude Dassier, alors directeur de l'information de TF1, pour succéder à Pape Diouf en 2009. Les deux hommes sont proches. Selon David Garcia, au moment du procès des comptes de l'OM, Labrune demande à Dassier, alors directeur de LCI, de ne pas accorder trop de place à l'événement... "Quand il est venu me chercher, après avoir déjà viré Pape Diouf, il n'était pas dans une situation facile", commente Dassier dans L'Histoire secrète de l'OM. "Et comme il n'a pas eu le courage de descendre lui-même à Marseille, il a été très heureux de me trouver." L'auteur va plus loin : "Marionnettiste de talent, il préfère cent fois tirer les ficelles à l'abri de son protecteur du moment, RLD puis MLD (Margarita Louis-Dreyfus, devenue propriétaire de l'OM à la mort de son mari). Le pouvoir sans la responsabilité. Cette période est désormais révolue."

Labrune aux côtés d'Elie Baup (930x620)

Labrune côté jardin. Car depuis le 9 juin 2011, c'est bien Vincent Labrune qui est le président de l'OM et qui se retrouve donc de facto en première ligne, comme lors de cet épisode où le fils de Bernard Tapie a livré son numéro de téléphone à l'antenne... Il forme un attelage étonnant avec José Anigo, directeur sportif. Pape Diouf raconte dans l'ouvrage qu'au moment où Labrune était encore président du conseil de surveillance, en 2009, il "n'était pas rentré chez lui", anticipant une possible visite du sulfureux Richard Deruda, un ami d'Anigo, et dont l'OM refusait de réintégrer le fils dans l'effectif... A son poste, Labrune ne promet rien et se fait surtout la voix de la propriétaire, Margarita Louis-Dreyfus. "Labrune est le premier vrai contrôleur. Auparavant, Robert Louis-Dreyfus avait toujours donné aux dépensiers", explique dans l'ouvrage le journaliste Dominique Rousseau. Compte tenu des moyens actuels du club, le bilan de Labrune sur la pelouse est flatteur : une Coupe de la Ligue la saison dernière et une deuxième place provisoire cette saison. Si, à Marseille, le temps est à la restriction budgétaire (et langagière), le club et son président conservent l'ambition.

*Une Histoire secrète de l'OM, David Garcia, Flammarion, 379 pages, 19,90 euros. L'ouvrage évoque également les liens troubles entre le club et le "milieu" marseillais.