"La tolérance zéro touche aussi le hand"

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INTERVIEW - Pourquoi le sportif de haut niveau n’a plus droit à l’erreur aujourd'hui ?

Daniel Costantini, ancien sélectionneur de l'équipe de France de handball : Nikola Karabatic "s'est comporté comme un petit con". Patrick Vignal, adjoint au maire de Montpellier, en charge des sports : "ce sont des pieds nickelés". Et même l'entraîneur de Montpellier, lui-même, Patrice Canayer : "autant pointer du doigt les coupables et bien les punir". Le monde du handball n'y va pas de main morte avec les joueurs toujours présumés innocents dans l'affaire du match truqué.

>>> En 2012, le sportif n'a-t-il plus le droit à l'erreur ?

Patrick Mignon, sociologue à l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (Insep), nous répond.

Depuis quand cette tolérance zéro existe-t-elle ?

Les footballeurs sont soumis à la tolérance zéro depuis 2006. Entre le coup de boule de Zinédine Zidane, l'affaire Zahia qui a notamment touché Franck Ribéry et Karim Benzema, le scandale de Knysna lors de la Coupe du monde 2010 et les insultes lors du dernier Euro, les footballeurs ont été cloués au pilori à chaque fois.

Qu'est-ce qui a changé la donne ?

Ce qui est nouveau, c'est que le sportif est devenu une véritable icône sociale. Ce phénomène est apparu en 1998 avec la victoire de l'équipe de France de football à la Coupe du monde. Avec sa nouvelle visibilité, le sportif ressemble de plus en plus aux stars de cinéma qui gagnent beaucoup d'argent. Mais jusqu'à maintenant, seuls les footballeurs étaient montrés du doigt à chaque dérapage. Eux et les cyclistes à cause des nombreuses affaires de dopage. Les autres sports étaient relativement épargnés. Il y avait donc une distinction entre les "bons sports", très proches de l'esprit sportif, et les "mauvais sports", plus enclins à la vénalité et à la corruption.

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La tolérance zéro est-elle un  moyen de préserver l'image d'un sport ?

Oui, très clairement. C'est le principe très connu du bouc-émissaire. Quand il y a un scandale, c'est qu'on présuppose que les sportifs sont des individus plus moraux que les autres. Comme on a mythifié le sport, on ne va pas jeter l'opprobre sur la discipline mais sur le sportif lui-même. On va dire : "c'est le sportif qui corrompt l'esprit sportif".

Le handball est-il encore à l'abri du star-système ?

Contrairement à ce qu'on pense, non. Il existe une espèce de consensus pour dire que le foot est le vilain petit canard du monde sportif. Le handball, lui, donnait plus l'image d'un sport plus encadré, qui prend racine dans les cours des collèges et des lycées. Ce sport a gagné en popularité grâce à cette image et grâce aux victoires de l'équipe de France. Donc, on a eu tendance à dire que Nikola Karabatic est la même personne que le lycéen qui lance la balle dans la cour du lycée. Or, le handball, c'est un championnat professionnel avec des stars. Même si on est loin des sommes du foot, le handballeur a une très bonne valeur économique qui ne le fait pas vivre comme Monsieur tout le monde (Nikola Karabatic gagne environ un million d'euros par an, ndlr). Il fréquente d'autres sphères comme celles des médias (Jeny Priez, animatrice vedette de NRJ 12, est la compagne de Luka Karabatic, ndlr). Dès qu'on atteint un certain niveau de médiatisation et que les sportifs accèdent à une sorte de starisation, ils accèdent aussi à des tentations plus grandes.

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