Desjoyeaux: "La vie continue"

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Rédaction Europe1.fr , modifié à
Une semaine après avoir remporté avec Alain Gautier le Bol d'Or en Décision 35, Michel Desjoyeaux est dimanche au départ du Record SNSM, constitué de deux allers-retours entre Saint-Nazaire et Sainte-Marine, face à quatre autres 60 pieds Imoca, Brit Air, Safran, Veolia et Akena Vérandas (ex-PRB). A l'occasion d'un convoyage entre Concarneau et Saint-Nazaire, le skipper de Foncia a évoqué son actualité et son avenir.

Une semaine après avoir remporté avec Alain Gautier le Bol d'Or en Décision 35, Michel Desjoyeaux est dimanche au départ du Record SNSM, constitué de deux allers-retours entre Saint-Nazaire et Sainte-Marine, face à quatre autres 60 pieds Imoca, Brit Air, Safran, Veolia et Akena Vérandas (ex-PRB). A l'occasion d'un convoyage entre Concarneau et Saint-Nazaire, le skipper de Foncia a évoqué son actualité et son avenir.Record SNSM en juin, Solitaire du Figaro fin juillet, Tour de l'Europe en août-septembre puis Transat Jacques-Vabre en novembre, votre saison démarre vraiment ce week-end. Enfin ou déjà ?Ça fait déjà un mois et demi qu'on est sur l'eau, la vie continue ! On ne va pas s'arrêter même après un Vendée Globe, il a été bien digéré, tout est passé, entrée, plat, dessert, café, l'addition et les mignardises pour finir. Et on n'a pas des bateaux pour les laisser ni au chantier ni au port.Votre chantier d'hiver justement, à quoi a-t-il servi ?On a réparé les petits bobos qu'on avait à droite ou à gauche, mais on n'a rien découvert de plus grave que ce que j'avais déjà vu, on n'a pas fait d'évolutions majeures en dehors de quelques bidouilles d'accastillage et on a changé le système de safrans avec un vrai axe en métal et a priori, celui-ci ne s'en ira pas tout seul.Après le Record SNSM, vous allez attaquer la préparation pour la Solitaire avec la possibilité d'être le seul à inscrire votre nom pour la quatrième fois au palmarès, est-ce quelque chose qui vous touche ?Non, ça ne m'intéresse pas, je n'étais pas dans cet état d'esprit quand je suis venu en 2007, je ne le suis pas plus aujourd'hui. Il y a plein de gens qui me disent: "Qu'est-ce qui vous fait encore courir ?" Si j'avais adopté cette attitude, je n'en serais pas là aujourd'hui. Maintenant si l'occasion se présente, j'essaierai de ne pas la rater.En novembre, vous attaquerez la Jacques-Vabre dont vous êtes le tenant, avec Jérémie Beyou, pourquoi lui ?Parce que Jérémie s'est rapproché de Mer Agitée pour l'aider à se préparer techniquement en vue du prochain Vendée. Moi, j'avais réfléchi à plusieurs personnes, et cette démarche-là me convient bien. Jérémie a l'habitude de ces bateaux, la preuve au bout d'une journée de mer, il sait déjà où sont les bouts. C'est quelqu'un qui a l'habitude de naviguer seul, de gérer toute la machine, pas juste le cockpit et les voiles, mais aussi l'électronique, l'informatique... Aller chercher des fichiers, communiquer, il connaît tout ça, du coup c'est une occasion pour moi de naviguer avec quelqu'un que je connais assez peu finalement, je trouvais que ça correspondait bien avec ce que j'avais envie de faire. Je pars avec quelqu'un qui est un solitaire aussi dans la démarche, et il se trouve que quand il a gagné son premier Figaro, j'ai fait deuxième, c'est aussi un clin d'oeil à tout ça.N'avez-vous pas songé à repartir avec Manu Le Borgne, votre co-skipper en 2007 ?J'avais pensé à Manu, je sais que ça lui aurait fait plaisir, mais Manu, comme Jérémie, faisait partie de l'équipage de Banque Populaire. Quand j'ai proposé à Jérémie, il m'a dit qu'il allait être débarqué de l'équipage de Banque Pop, je lui ai alors dit: "Ecoute Jérémie, je suis désolé, tu fais comme tu veux, c'est toi qui décide, je ne peux pas décider à ta place." Il m'a dit: "Je veux être au départ du Vendée Globe 2012, donc je viens." Il n'a pas mis longtemps à réfléchir ! Alors que Manu n'a pas cet objectif de Vendée, ou il s'est bien gardé de me le dire, du coup, c'était plus délicat de le faire sortir de Banque Pop."La Volvo n'est pas en haut de la pile"Et après, de quoi sera fait votre année 2010 ?A priori, on ira jusqu'à la Route du Rhum avec ce bateau-là, après on est en train de réfléchir. Je regarde tout.La Volvo notamment sur laquelle vous êtes venu faire un tour à Boston, ça vous a intéressé ?C'est intéressant, mais je ne suis pas tombé sur le cul sur la technologie des bateaux. On est sur certains aspects, malgré des moyens nettement plus faibles, plus en pointe qu'eux, donc il y a moyen d'aller jouer les trouble-fête, il ne faut pas avoir honte d'y aller, on ne sera certainement pas ridicules. Maintenant, il se trouve que les additions en cours sont supérieures à la puissance de feu de Foncia. Soit Foncia est intéressé, ce qui ne serait pas forcément cohérent parce que ce n'est pas vraiment leur type de marché, et dans ce cas, il faudrait trouver un co-partenaire, soit ils ne sont pas intéressés et n'ont pas envie de me perdre, moi non plus d'ailleurs, donc aujourd'hui, ce n'est pas la solution qui est en haut de la pile.Alors le prochain Vendée Globe ?Je vais répondre en faisant un petit clin d'oeil à Alain (Gautier, qui, depuis qu'il est avec Foncia, a numéroté tous ses bateaux 101, ndlr) et au numéro du bateau. Récemment, quelqu'un m'a dit: "101, c'est parce qu'en 2001 tu as gagné, en 2004 tu n'es pas venu, et 2008, t'as gagné, donc le prochain bateau, il faudrait qu'il ait le numéro 1011 !" Disons que c'est une façon de voir les choses...Si vous deviez remettre ça, ce serait avec l'actuel bateau ou un nouveau ?Je suis un gosse de riche donc je referais un bateau, la question ne se pose même pas !"Trente ou quarante ans qu'on se fend la gueule en multicoque"La classe Imoca envisage de voter une nouvelle jauge limitant les développements et donc les coûts, êtes-vous sur la même longueur d'ondes ?Je pense que ce n'est pas dans la précipitation et sous pression qu'on prend des bonnes décisions, et là, je trouve qu'on fait des choses parce que sinon on va être accusé de ne rien faire. Mais des fois, il vaut mieux ne rien faire que faire des conneries. Je pense que dans les mesures pré-mâchées à l'AG de Barcelone, il y a des choses contradictoires dans l'esprit avec ce qui pourrait rendre service à la classe.C'est-à-dire ?Aujourd'hui, la réalité économique est de dire : dix-huit bateaux récents pour le dernier Vendée Globe sont en plein capacité de leurs moyens, et deux (Pindar et Artemis, ndlr), d'après les architectes, peuvent être plus performants, au moins en équipage. Donc si on ne limite pas la jauge pour calmer le jeu de ces bateaux, très larges, très lourds et très toilés, on peut se retrouver à rendre obsolètes dix-huit bateaux. Donc on se débrouille pour remettre les deux brebis égarées dans le champ pour maintenir la stabilité économique, pour que les dix-huit investisseurs n'aient pas un bien qui, sportivement, vaille plus rien. Pour moi, il y a une solution assez simple: on limite les mâts, car à partir du moment où on limite la surface de voile, ça ne sert plus à rien de faire des bateaux lourds. Voilà, terminé ! Sauf qu'il y en a qui veulent tout limiter par tous les bouts, et au final, on va avoir une usine à gaz qui va coûter très cher.L'Imoca tente d'éviter de tomber dans les travers de l'Orma (multicoques de 60 pieds), vous possédez toujours votre ancien Géant qui reste bien au chaud dans un hangar, pourquoi ne pas tenter de faire le Rhum 2010 avec ?Je comprends les organisateurs de la Route du Rhum 2010 qui, en l'absence de classe Orma digne de ce nom, ont ouvert à tout ce qui se faisait à plusieurs coques, ils ont besoin d'avoir des bateaux spectaculaires sur la ligne de départ. Maintenant, je ne vais pas aller cautionner le truc, ça fait vingt ans que je me bagarre pour essayer de mettre un peu d'équité sportive et d'organisation là-dedans, pour que les gens puissent s'y retrouver, ce n'est pas pour repartir dans du grand délire d'il y a vingt ans. Il faut que cette Route du Rhum se fasse et après, on pourra redémarrer sur des bases saines, bien évidemment pour mon plus grand plaisir en multicoque si possible.L'envie de naviguer en multicoques est toujours là ?Bien sûr ! D'ailleurs, quand Géant m'avait demandé ce que je voulais faire en 2005 si on continuait ensemble, j'avais répondu: "On fait le Vendée et pendant le Vendée, on met un 60 pieds Orma en construction." Là, la situation est différente parce qu'il n'y a pas de circuit Orma pour le moment, mais on est plusieurs, Alain Gautier notamment, à se dire que ça peut repartir derrière. Après, faut-il simplifier un peu les bateaux pour les rendre plus accessibles ? Je ne pense pas dans la mesure où la discipline qui se veut reine dans un sport mécanique, c'est un sport prototype et assez peu de limitations, il faut qu'il y en ait juste assez pour qu'il y ait une compétition intéressante. Mais faire des bateaux de 60 pieds accessibles à tous, c'est une utopie. Là où je suis mort de rire, c'est quand je vois que la prochaine Coupe de l'America va se dérouler en multicoque. Les Anglo-saxons sont en train de découvrir ces machines, aujourd'hui ils sont à naviguer avec des casques parce qu'ils ont peur, nous, ça fait trente ou quarante ans qu'on se fend la gueule avec à plus de 20 noeuds ! Voir revenir les multicoques sur le devant de la scène, c'est un juste retour des choses.Et un grand multicoque de records ?Foncia fait partie du groupe Banque Populaire et avoir deux bateaux de records dans le groupe, ça paraît délicat. Maintenant, tout me tente à partir du moment où c'est de la technologie, du vent, des voiles et de la vitesse.