Au carrefour du Rhum

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AXEL CAPRON , modifié à
C'est dimanche à 13h02 que s'élancera de Saint-Malo la neuvième édition de la Route du Rhum. Une course charnière pour nombre des engagés dans les deux classes vedettes (Imoca et Ultime) qui, une fois l'Atlantique traversée, vogueront pour la plupart vers de nouveaux horizons. Petit jeu des six familles.

C'est dimanche à 13h02 que s'élancera de Saint-Malo la neuvième édition de la Route du Rhum. Une course charnière pour nombre des engagés dans les deux classes vedettes (Imoca et Ultime) qui, une fois l'Atlantique traversée, vogueront pour la plupart vers de nouveaux horizons. Petit jeu des six familles. La famille forçats de la mer Pour certains, la Route du Rhum ne sera pas la dernière course de la saison, puisqu'ils auront à peine eu le temps de faire sécher leurs cirés sous le soleil de la Guadeloupe qu'ils repartiront pour un tour, et pas n'importe quel tour ! Trois des marins engagés en classe Imoca ont en effet décidé de relever le défi de la Barcelona World Race, tour du monde en double dont le départ de la deuxième édition sera donné le 31 décembre à Barcelone, tous sur des plans VPLP-Verdier. Michel Desjoyeaux, sur son tout nouveau Foncia, fera équipe avec François Gabart, récent lauréat de la Cap Istanbul et champion de France de course au large en solitaire, Kito de Pavant sur un Groupe Bel déjà bien éprouvé embarquera le Brestois Sébastien Audigane, avec lequel il a déjà disputé au printemps dernier la Transat AG2R, tandis que le tenant de cette Barcelona World Race, Jean-Pierre Dick, reconstituera sur Virbac-Paprec 3 (mis à l'eau en mars 2010) un duo gagnant avec Loïck Peyron, les deux hommes ayant remporté ensemble la Transat Jacques-Vabre 2005. Tour du monde également pour Thomas Coville, engagé sur ce Rhum en classe Ultime, mais en mode record et en solitaire, le skipper de Sodebo s'attaquant une nouvelle fois (il avait échoué en 2009) au record du tour du monde en solitaire de Francis Joyon. Pourquoi si vite ? "Si les poètes parlent de printemps, nous on parle d'hiver qui est l'été austral, et chaque hiver qu'on laisse passer, c'est une occasion de moins de faire le tour du monde", répond l'intéressé. Reste que pour tout ce petit monde, l'objectif tour du monde passera par une Route du Rhum sans pépins techniques graves, puis par une course contre la montre pour relever le challenge suivant. La famille Records Outre Thomas Coville (voir ci-dessus), qui ne fera pas relâche, d'autres marins envisagent l'avenir sous forme de records, c'est le cas de Francis Joyon, qui préfère aux courses "la liberté qu'offrent les records" et qui guettera la performance de Thomas Coville sur le tour du monde, avec éventuellement la "tentation diabolique" de repartir. Le skipper d'IDEC a d'autres chronos dans le viseur, détenus par le même Thomas Coville, ceux des 24 heures et de l'Atlantique Nord. Quant à l'infatigable Philippe Monnet, qui est allé récupérer au Qatar l'ancien Castorama d'Ellen MacArthur (plan Irens de 75 pieds), avec lequel il court ce Rhum dans la classe Ultime in extremis (il n'a déniché son partenaire, La Boîte à Pizza, que quatre jours avant le départ), il envisage une campagne de huit records océaniques, dont le «climax» sera le tour du monde à l'envers en multicoque, qu'aucun marin n'a à ce jour tenté. Reste, comme d'habitude, à trouver l'argent... La famille Volvo Ocean Race Ancienne Whitbread, course à laquelle nombre des quarantenaires ou cinquantenaires d'aujourd'hui ont fait leurs armes, souvent au côté d'Eric Tabarly, la Volvo Ocean Race remet le pied en France, puisqu'une étape de la prochaine course autour du monde par étapes en équipage (départ en octobre 2011) passera par Lorient. Lorient où se trouve la base de Groupama qui engage un team avec à sa tête Franck Cammas qui, après 13 années sur multicoque, passera donc sur une coque. Cette Route du Rhum 2010 est sa dernière course sur Groupama 3, détenteur depuis mars du Trophée Jules-Verne. La famille MOD 70 Et si on assistait à la vraie renaissance d'une classe homogène de multicoques océaniques ? Depuis la mort lente vécue par l'Orma (multicoques de 60 pieds), qui aura connu un magnifique chant du cygne sur la Route du Rhum 2006 (avec à la clé le record pour Lionel Lemonchois), les courses océaniques sont orphelines d'une telle classe de bateaux, l'Ultime, spécialement créée pour le Rhum 2010 afin de mettre sur une même ligne de départ des bateaux très disparates en taille et en performances, servant à combler le trou et à permettre au public d'assouvir sa passion pour ces bateaux éminemment spectaculaires. Sous l'impulsion de l'ancien champion olympique de planche Franck David, a été lancée il y a maintenant deux ans la classe des MOD70, soit des multicoques monotypes de 70 pieds destinés à être menés en équipage. D'abord accueillie avec un certain scepticisme, la classe prend peu à peu corps, puisque trois des marins au départ du Rhum 2010 devraient participer au circuit (transats, tour d'Europe, tour du monde...) qui débutera en novembre 2011: Michel Desjoyeaux, de retour de la Barcelona World Race, renouera avec ses amours pour les trois coques avec Foncia, Roland Jourdain a annoncé ce vendredi qu'il serait lui aussi de la partie avec Veolia, tandis que le Team Gitana (avec Yann Guichard ?) a également commandé un bateau. La famille Vendée Globe Placée entre deux éditions du Vendée Globe, la Route du Rhum est pour certains l'occasion de lancer leur prochaine campagne: c'est le cas de Jean-Pierre Dick, qui étrenne son nouveau Virbac-Paprec 3 entre Saint-Malo et Pointe-à-Pitre, le Niçois, s'il considère le Rhum comme "l'objectif de l'année", ayant lancé son plan VPLP-Verdier dans l'optique d'une troisième participation au Vendée Globe. La course de sa vie ? "Celle pour laquelle j'ai tout lâché", répond l'ancien vétérinaire qui ne souhaite pas renoncer au tour du monde tant qu'il n'aura "pas fait le tour de la question." Même cas de figure pour Vincent Riou qui a mis en début d'année un nouveau PRB à l'eau, également plan VPLP-Verdier, dans l'objectif de s'aligner au départ d'un troisième Vendée Globe en novembre 2012, à la différence notable par rapport à Jean-Pierre Dick qu'il l'a déjà gagné. De son côté, Marc Guillemot, troisième du dernier Vendée, devrait annoncer sous peu qu'il remet ça avec Safran, comme il l'a laissé entendre vendredi à Saint-Malo: "Quand j'ai démarré le projet avec Safran, en 2005, j'avais 47 ans et je ne pensais faire qu'un Vendée Globe. Mais malgré les aventures et les difficultés que j'ai rencontrées, j'ai voulu dès l'arrivée le refaire. J'ai demandé à Safran d'attendre un an et demi-deux ans pour savoir si j'en avais encore une réelle envie de repartir, je l'annoncerai après la Route du Rhum, sans doute au Salon nautique, mais à un mois de l'annonce, l'envie est là." L'envie est également là chez Kito de Pavant, malheureux il y a deux ans (abandon dès le deuxième jour sur démâtage), et qui tentera d'effacer cette déception en 2012 sur Groupe Bel, tandis qu'Arnaud Boissières est lui aussi assuré de repartir autour du monde, mais à bord d'un bateau plus performant, celui qu'il mène sur cette Route du Rhum, l'ancien PRB 2 de Vincent Riou. Bernard Stamm dispute également ce Rhum 2010, mais en Class 40, le Suisse attendant la mise à l'eau prochaine de son nouveau 60 pieds (plan Juan Kouyoumdjian), Cheminées Poujoulat, avec lequel il disputera son deuxième Vendée Globe. Enfin, Armel Le Cléac'h, deuxième du Vendée Globe 2008-09 et en fin de contrat avec Brit Air le 31 mars 2011, attend la décision de son partenaire, mais vu sa saison (victoires sur la Transat AG2R et la Solitaire du Figaro), les résultats plaident pour une reconduction. Pour peu qu'il réussisse le Grand chelem en remportant le Rhum... La famille Inconnus... Ils disputent le Rhum, mais après ? Ils l'ignorent pour certains eux-mêmes. Engagé avec l'équipe d'Oman sur un trimaran de 32 mètres, Sidney Gavignet reste flou sur son avenir, mais se verrait bien à la tête d'un projet ambitieux sur la Volvo Ocean Race (qu'il a disputée trois fois, gagnée une), mais plutôt pour l'édition 2014-15. Le skipper d'Oman Air Majan ne cache pas également rêver depuis longtemps de Vendée Globe. même objectif pour Servane Escoffier qui, après un «one-shot» sur le vieux Saint-Malo 2015 (ex-Crédit Agricole III de Philippe Jeantot), vise toujours le Vendée Globe mais cherche des sous, tout comme Cristopher Pratt qui ne poursuivra pas avec DCNS, un partenaire qui envisage en revanche de remettre ça sur le Vendée Globe 2012-13. Quant à Lionel Lemonchois, qui s'aligne cette année en Multi50 sur Prince de Bretagne, il ne devrait guère éprouver de difficultés pour trouver chaussure à son pied, sur une ou trois coques ?