Arbitrage vidéo : cafouillages à tous les étages

Arbitrage vidéo avec Amaury Delerue (1280x640) VALÉRY HACHE / AFP
Amaury Delerue, ici au premier plan, était l'arbitre vidéo principal de Nice-Monaco, mardi soir. © VALÉRY HACHE / AFP
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Les quarts de finale de la Coupe de la Ligue ont été l'occasion de constater que l'arbitrage vidéo était encore très, très perfectible…

Un but à la limite du hors-jeu sur lequel l'arbitre vidéo refuse de se prononcer, un penalty semble-t-il évident non sifflé par le VAR (video assistant referee en VO), un moins évident sifflé par l'arbitre de champ et sur lequel l'arbitre vidéo ne s'est pas prononcé, un but non validé par la goal-line technology…

De l'attente, des récriminations, des polémiques. On ne peut pas dire que l'assistance vidéo à l'arbitrage, utilisée pour la première fois mardi et mercredi pour des matches entre équipes de Ligue 1, dans le cadre des quarts de finale de la Coupe de la Ligue, ait levé tous les doutes sur la viabilité à long terme de ce dispositif, déjà décrié en Espagne ou en Italie.

Absence de décision et temps d'attente. "Le dispositif d'assistance vidéo a très bien fonctionné", s'était gargarisé Éric Borghini, président de la commission fédérale des arbitres, à l'issue de Nice-Monaco mardi soir (1-2). "On l'a vu sur le but de Nice sur lequel il y avait un doute de hors-jeu. Cela a évité toute contestation sans altérer la fluidité du jeu." À partir de quand considère-t-on que la fluidité du jeu a été altérée ?

Peut-être à partir d'une minute et quatorze secondes… C'est le temps qui s'est écoulé entre le but inscrit par Alassane Pléa et sa validation par l'arbitre central, mardi soir. Pendant ce temps, Clément Turpin a interrogé son confrère Amaury Delerue, assistant vidéo principal, situé dans un car sur le parking du stade, pour savoir si l'attaquant niçois était en position de hors-jeu ou non. Finalement, Amaury Delerue a estimé que les images ne pouvaient prouver avec certitude si Pléa était hors-jeu ou non. Difficile de lui jeter la pierre, le joueur apparaissait en effet hors-jeu ou non en fonction de l'angle de caméra. Ce qui donne du grain à moudre aux pourfendeurs de la vidéo, estimant que la vérité n'est pas dans les images.

L'arbitre principal vidéo et son assistant vidéo auxiliaire prennent place dans un camion près du stade :

Comme cela se fait par exemple dans le football américain, en NFL, Clément Turpin est alors resté sur sa décision initiale, les images ne permettant pas de "démontrer une erreur évidente". Il aurait pu choisir de venir voir les images en bord terrain, comme le règlement le lui permet. Il ne ne l'a pas fait. Ce n'est donc pas l'assistant vidéo ni la vidéo qui ont permis la validation du but. En revanche, ce qui est sûr, c'est que le recours à la vidéo a occasionné un blanc d'une minute et quatorze secondes, qui a perturbé acteurs et spectateurs…

De l'évidence ou non d'un penalty. Le deuxième quart de finale, disputé mercredi soir entre Rennes et Toulouse (4-2), a été lui aussi le théâtre d'une drôle de scène… On joue depuis un peu plus de 20 minutes quand l'attaquant toulousain Max-Alain Gradel s'écroule dans la surface après un contact avec Jérémy Gélin. À vitesse réelle, le penalty ne semble faire aucun doute. L'arbitre de la rencontre, Bastien Millot, lui, en a, des doutes. Il fait donc appel à son assistant vidéo, lequel estime qu'il n'y a pas, comme la veille à Nice, de quoi inverser la décision. Mais de quoi susciter la colère de Gradel.

Max-Alain Gradel s'irrite contre l'arbitrage :

"C’est incroyable. Je saigne encore, j’ai pris un coup", fulminait l'attaquant du TFC à la pause, au micro de Canal+ Sport. "Les arbitres avec les caméras, les ralentis, n’arrivent pas à prendre la bonne décision. (…) Ils ne savent même pas quoi faire alors qu’ils ont les ralentis. Je crois qu’il faut arrêter la caméra, ça ne sert à rien." Et d'en rajouter une couche après la rencontre. "L’arbitre central ne servait plus à rien. J’ai regardé les images dix fois, il y avait penalty. Si c’est pour prendre des décisions qui ne sont pas bonnes, ça ne sert à rien."

L'arbitrage vidéo qui ne sert à rien ? Ses détracteurs le pensent depuis longtemps. L'épisode Gradel démontre en tout cas que le football reste un sport soumis à interprétation, même avec la vidéo. Beaucoup de téléspectateurs ont sans doute estimé qu'il y avait faute de Gélin sur Gradel. Mais pas l'arbitre vidéo, qui, dans le cas présent, a validé la première décision de l'arbitre, qui n'était pas intervenue. Loin d'apaiser les tensions, mercredi soir à Rennes, la vidéo les a donc attisées.

Autre situation, mercredi soir, à Amiens. La star du PSG, Neymar, s'écroule dans la surface de réparation après un contact avec Thomas Monconduit. La faute ne paraît pas évidente. Mais l'arbitre Nicolas Rainville est tellement sûr de lui que, cette fois, il ne fait pas appel à la vidéo. Laquelle, évidemment, ne permet pas forcément de juger s'il y a faute ou non…

Goal-line technology : deux bugs et une suspension. Cet Amiens-PSG (0-2) a également été marqué par un nouveau bug de la goal-line technology, utilisée depuis 2015 dans l'Hexagone. À la 78e minute, Adrien Rabiot a marqué un but de la tête avant que le ballon ne ressorte. Dans ces cas-là, la montre de l'arbitre est censée vibrer pour lui indiquer qu'il y a but. Ce qui n'a pas été le cas. Une scène surréaliste a alors eu lieu. Pendant que les Parisiens célébraient leur but, le gardien amiénois relançait le ballon… Après quelques secondes ubuesques, Nicolas Rainville mettait fin à la farce en accordant un but qui n'aurait jamais dû avoir besoin d'une montre ou d'une vidéo pour être validé, tant il était évident que le ballon avait franchi la ligne… Encore du temps de perdu.

Les images du but de Rabiot ne laissent guère de place au doute :

Dans le même temps, à Angers, lors du dernier quart de finale entre le SCO et Montpellier (0-1), la montre de Ruddy Buquet a vibré sur un corner, où il paraissait tout aussi évident que le ballon, là, n'avait pas franchi la ligne. Deux erreurs de trop pour la société Goal control, déjà tancée le mois dernier après une série de bugs : la LFP a annoncé jeudi après-midi la suspension "à titre conservatoire et à effet immédiat" de la technologie sur la ligne de but. "Un Conseil administration de la LFP se prononcera la semaine prochaine sur les suites à donner à ce dossier", est-il écrit dans le communiqué de la Ligue. Il est amusant de noter que c'est le principal rival de Goal Control, Hawk-Eye, qui était aux manettes pour l'arbitrage vidéo lors de ces quarts de finale…

Un dispositif encore en rodage. La Ligue de football professionnel (LFP) a annoncé le mois dernier l'application de l'arbitrage vidéo à partir de la saison prochaine en Ligue 1, en 2018-19. Ces quarts de finale de Coupe de la Ligue, comme avant eux les barrages Ligue 1-Ligue 2 et les futurs quarts de finale de la Coupe de France, servaient donc de laboratoires et il n'est pas scandaleux qu'il y ait eu quelques couacs.

Il est évident qu'il va falloir procéder à des ajustements, notamment dans la lisibilité des recours à la vidéo. Mardi et mercredi, on a vu des arbitres tâtonnants dans leur utilisation des images. On a vu aussi des joueurs tentés d'aller voir l'arbitre pour contester une décision. Logique, mais interdit. "Les arbitres sont partie prenante depuis le début", a insisté Pascal Garibian, directeur technique de l'arbitrage français. "Chacun doit rester dans son rôle."

Certes, mais ne peut-on pas envisager, comme cela se fait dans le tennis, que la demande vienne aussi des acteurs et non seulement des arbitres ? Mardi et mercredi, on a vu que le recours exclusif laissé aux arbitres continuait de susciter des critiques. Pourquoi, par exemple, ne pas laisser à chacune des deux équipes un nombre limité de recours à la vidéo sur certaines situations de jeu ? Cela éviterait de trop hacher la partie tout en enlevant un poids au corps arbitral. Car avec la vidéo dans cette configuration-là, les polémiques sur l'arbitrage ne vont pas cesser. Il est même possible qu'elles augmentent…