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Face à une multiplication des agressions impliquant des adolescents, le gouvernement souhaite de nouveau réformer la justice pour les mineurs. Mais attention aux mesures d'urgence, prévient Béatrice Brugère, magistrate, secrétaire générale du syndicat Unité Magistrats SNM-FO. Invitée de La Grande interview Europe 1-Cnews, elle dénonce une législation "à contre-temps".

Thomas à Crépol, Shemseddine à Viry-Châtillon, Philippe à Grande-Synthe, Matisse à Châteauroux… ne sont que quelques exemples récents de meurtres impliquant des mineurs. Un phénomène qualifié "d'hyperviolence" chez les jeunes, dénoncé par de nombreuses personnalités politiques. Pour essayer d'endiguer la violence, le premier ministre Gabriel Attal avait annoncé un ensemble de mesures lors d'une prise de parole à Viry-Châtillon. Parmi elles : de nouvelles sanctions éducatives et une révision de l'excuse de minorité.

"Il n'y a pas d'analyse"

Mais attention à ne pas céder à l'urgence, prévient Béatrice Brugère, magistrate, secrétaire générale du syndicat Unité Magistrats SNM-FO. Invitée de La Grande interview Europe 1-Cnews, elle dénonce des "recettes" aux "idées simplistes" sur les causes de la violence. "Intellectuellement, on ne fait pas d'évaluation des politiques publiques, on légifère à l'aveugle. On vient encore de réformer, il y a à peine deux ans, le code de justice des mineurs. On n'arrête pas de le réformer, donc on légifère à l'aveugle. Il n'y a pas d'analyse criminelle", dénonce-t-elle au micro de Sonia Mabrouk.

Selon la magistrate, l'une des causes principales de cette incapacité à légiférer efficacement repose sur la présence permanente de "tabous" et de "totems" dans la justice des mineurs. "C'est-à-dire qu'il y a des idées toutes faites, il y a des espèces de tabous, de déni et on a l'impression qu'il faut toujours faire la même chose. Or, faire toujours la même chose produit ce que l'on constate aujourd'hui, c'est-à-dire une délinquance des mineurs qui est de plus en plus violente, qu'on n'arrive pas à stopper, des juges, des enfants qui sont débordés. On a légiféré à contre-temps et à contre-sens", détaille Béatrice Brugère.

Alors plutôt que de légiférer en urgence, il est temps d'entamer un véritable examen politique, impliquant la cellule familiale, le délitement social, la place des réseaux sociaux et de la pornographie et revoir "la construction de l'interdit", conclut la magistrate.