Une figure des "gilets jaunes" blessée, une autre arrêtée, une "nuit jaune" écourtée... Ce qu’il faut retenir de la onzième journée de mobilisation

Quelque 69.000 personnes ont manifesté samedi en France, selon le ministère de l'Intérieur.
Quelque 69.000 personnes ont manifesté samedi en France, selon le ministère de l'Intérieur. © Alain JOCARD / AFP
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Ophélie Gobinet avec AFP , modifié à
Une mobilisation en baisse, une courte "nuit jaune" à Paris, des heurts dans la capitale et en régions… voici ce qu’il faut retenir de la onzième journée de mobilisation des "gilets jaunes".

Leur mot d'ordre ? Ténacité. Samedi, les "gilets jaunes" ont voulu montrer qu’ils étaient toujours là, face à un exécutif qui regagne en popularité, manifestant dans de nombreuses villes de France pour un "acte 11" marqué par une mobilisation en léger recul et à nouveau émaillée d’incidents.

Une mobilisation en baisse

Ils étaient 69.000 à manifester dans toute la France, selon un décompte du ministère de l’Intérieur à 18 heures. Un chiffre en baisse par rapport à la semaine dernière, où la place Beauvau avait dénombré 84.000 manifestants au niveau national. Acte après acte, le comptage communiqué par le ministère de l’Intérieur, le seul disponible, est contesté par les manifestants.

À Paris, toujours selon les chiffres communiqués par l’Intérieur, 4.000 "gilets jaunes" ont battu le pavé pour l’acte 11 du mouvement, contre 7.000 samedi dernier. Par ailleurs, 52 personnes ont été interpellées dans la capitale.

À Paris, une convergence de cortèges

Dans la capitale, quatre manifestations ont été déclarées en préfecture. Trois d’entre-elles ont convergé vers Bastille, depuis les Champs-Élysées, la place de la Nation et l’Hôtel de ville d’Ivry-sur-Seine, dans le Val-de-Marne. Vers 16 heures, des échauffourées ont démarré place de la Bastille. Les forces de l’ordre ont fait usage de gaz lacrymogène et d’un canon à eau pour repousser des manifestants qui leur jetaient des projectiles et s’appropriaient du matériel de chantier.

C’est dans ce contexte que Jérôme Rodrigues, figure connue du mouvement, a été blessé à l’œil alors qu’il filmait le regroupement de divers cortèges, place de la Bastille. D’abord pris en charge par les "street medics" (des soignants bénévoles qui viennent au secours des blessés lors des manifestations des "gilets jaunes", ndlr), il a ensuite été transporté par les secours vers un camion de sapeurs-pompiers. Sans préciser l’identité du blessé, la préfecture de police a confirmé qu’un blessé avait bien été "pris en charge place de la Bastille" et a annoncé avoir saisi l’IGPN pour faire la lumière sur les circonstances de cette blessure. Selon plusieurs médias, l'origine de la blessure de Jérôme Rodrigues serait due à une grenade de désencerclement.

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Jérôme Rodrigues, samedi après-midi, place de la Bastille. Photo AFP. 

Cette blessure intervient le jour où, face à la polémique sur les lésions graves causées par les lanceurs de balles de défense (LBD), le ministre avait décidé d'équiper pour la première fois de caméras-piétons les forces de l'ordre dotées de ces armes.

La courte "nuit jaune" de la place de la République

C'était une initiative inédite depuis le début du mouvement, le 17 novembre dernier. Sur Facebook, certains "gilets jaunes" avaient lancé un appel à une "nuit jaune", samedi soir, place de la République à Paris. Calquée sur le modèle des rassemblements citoyens de "Nuit debout" en 2016, cette initiative avait pour but d'être un lieu de débat calme et ouvert à tous, comme le présentait son organisateur, Thierry-Paul Valette, sur Europe 1

Mais samedi, alors que l'ambiance était jusque là bon enfant, la situation s'est brusquement tendue, en fin de journée, place de la République. Les forces de l'ordre ont alors fait usage de gaz lacrymogène, d'un canon à eau et tiré des grenades de désencerclement, repoussant les "gilets jaunes" sur une partie de la place. De nombreux manifestants se sont plaints d'avoir été évacués de la place alors que le rassemblement, déclaré en préfecture, était autorisé selon eux jusqu'à 22 heures.

Quelques heurts en régions

De Brest à Lille, en passant par Toulouse et Nantes, des pancartes appelaient à stopper le "blabla du grand débat". "Frexit", "Boxons Macron", "Anti flashball", ainsi que l'habituel "Macron démission", étaient notamment donnés à lire sur des banderoles. Ils étaient aussi nombreux dans les cortèges à dénoncer la "grande mascarade" du débat national lancé il y a dix jours par le gouvernement et à réclamer un référendum d'initiative citoyenne (RIC), cette revendication qui "hérisse" le Premier ministre Édouard Philippe.  

À Bordeaux, où 5.000 personnes ont défilé dans une manifestation ponctuée d'accrochages, Maxime Nicolle, une des figures nationales du mouvement, a été brièvement interpellé samedi soir. Il était venu manifester dans l'après-midi, a indiqué la préfecture, qui précise qu'il "faisait partie d'un attroupement à qui a été donné l'ordre de dispersion. Malgré cet ordre, il est resté et a incité les autres à faire de même".

Quelques incidents ont été recensés à Évreux, en Normandie. En marge d'un rassemblement qui a réuni plus de 800 personnes selon la préfecture, des dégradations ont notamment été commises devant le siège de la Banque de France et au niveau des locaux de la police municipale, selon les autorités, qui ont également déploré l'incendie de "deux véhicules" aux abords de la mairie. 

Le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner a "condamné" dans un tweet "les violences et dégradations commises" selon lui par "des casseurs déguisés en gilets jaunes".

Après les "gilets jaunes, les "foulards rouges" dimanche 

Des "gilets jaunes", dont l'une de ses figures Éric Drouet, ont également appelé à une "grève générale" le 5 février avec la CGT et le NPA, soutenue par le leader de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon. Cette "convergence" des mouvements sociaux s'est retrouvée à Marseille, où pour la première fois des militants de la CGT ont défilé avec des "gilets jaunes". 

Au lendemain de l'acte 11, ce sont des "foulards rouges" qui défileront cette fois dimanche à Paris, lors d'une "marche républicaine des libertés" pour faire entendre "la majorité silencieuse" et défendre "la démocratie et les institutions".