L'ESSENTIEL - "Gilets jaunes" : une mobilisation en recul, à nouveau des incidents

A Paris, la "nuit jaune", qui devait se tenir place de la République, a vite été écourtée.
A Paris, la "nuit jaune", qui devait se tenir place de la République, a vite été écourtée. © AFP
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avec AFP , modifié à
Le ministère de l'Intérieur a recensé 69.000 manifestants samedi, pour la onzième journée de mobilisation des "gilets jaunes", à Paris comme en régions. Un journée à nouveau marquée par des incidents.

Les "gilets jaunes" évoluent, la mobilisation se poursuit. "L’acte 11" du mouvement a lieu samedi, à Paris comme en régions, avec plusieurs nouveautés. À 18 heures, sur l'ensemble du territoire, 69.000 manifestants, dont 4.000 à Paris, ont été comptabilisés par le ministère de l'Intérieur. Dans l'après-midi, des échauffourées ont opposé certains d'entre eux aux forces de l'ordre, avant que la place de la République, où devait se tenir la "nuit jaune", une initiative jusqu'ici inédite, ne soit évacuée. 

Les informations à retenir

  • 69.000 manifestants ont été recensés sur l'ensemble du territoire, dont 4.000 à Paris, selon le ministère de l'Intérieur
  • La "nuit jaune", qui devait se tenir place de la République, dans la capitale, a vite été écourtée
  • Jérôme Rodrigues, figure du mouvement, a été blessé à l’œil place de la Bastille. Le préfet de police a annoncé avoir saisi l'IGPN
  • Dans la journée, des heurts ont éclaté à Paris, mais aussi à Rouen, Lyon, Évreux, et Bordeaux, où Maxime Nicolle, une autre figure du mouvement, a été arrêté avant d'être relâché deux heures plus tard

À Paris, la place de la République évacuée

Quatre manifestations ont été déclarées dans la capitale, impactant les transports en communs. Trois d'entre elles convergeaient vers Bastille, depuis les Champs-Élysées, la place de la Nation et l'Hôtel de ville d'Ivry-sur-Seine, dans le Val-de-Marne. Au total, 4.000 personnes ont été recensées à Paris par le ministère de l'Intérieur, contre 7.000 lors de "l'acte 10". 52 personnes ont été interpellées, selon des chiffres de la préfecture donnés vers 18h20. 

Vers 16 heures, les forces de l'ordre ont fait usage de gaz lacrymogène et d'un canon à eau pour repousser des manifestants qui leur jetaient des projectiles et s'appropriaient du matériel de chantier dans la rue Saint-Antoine, à proximité de la place de la Bastille. De nouvelles salves de lacrymogènes ont été tirées peu avant 16h30.  

C'est dans ce contexte que l'une des figures du mouvement des "gilets jaunes", Jérôme Rodrigues, a été blessé à l’œil, place de la Bastille. L'homme a été touché alors qu'il se trouvait face à des forces de l'ordre, et au moment même où il était en train de filmer en direct sur son compte Facebook l'arrivée du cortège des manifestants "gilets jaunes" sur la place. Selon plusieurs médias, l'origine de sa blessure est due à une grenade de désencerclement. Le préfet de police a saisi l'IGPN pour faire la lumière sur les circonstances de cette blessure. 

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Jérôme Rodrigues, samedi après-midi, place de la Bastille. Photo AFP. 

À la tombée de la nuit, des échauffourées ont éclaté place de la République où les "gilets jaunes" ont appelé à se rassembler pour une "nuit jaune". Les policiers de la brigade anti-criminalité (BAC) sont intervenus, ainsi que des motards de la police. Pourtant déclarée en préfecture, la "nuit jaune" a vite été écourtée samedi soir, avec l'évacuation de la place de la République par les forces de l'ordre. 

Des affrontements avec les forces de l'ordre en régions

Sur l'ensemble du territoire, 69.000 manifestants ont été comptabilisés à 18 heures, selon le ministère de l'Intérieur. Des manifestations ont notamment eu lieu à Rouen, où le cortège, parti de l'hôtel de Ville, a rassemblé au total plus de 1.000 personnes. La tension est montée dans l'après-midi : des manifestants ont érigé des barricades alors qu'un nuage de gaz lacrymogène flottait autour d'eux. 

Quelques incidents ont été recensés à Evreux, en Normandie. En marge d'un rassemblement qui a réuni plus de 800 personnes selon la préfecture, des dégradations ont notamment été commises devant le siège de la Banque de France et au niveau des locaux de la police municipale, selon les autorités, qui ont également déploré l'incendie de "deux véhicules" aux abords de la mairie. 

À Caen, le cortège a compté entre 1.000 et 1.500 personnes dans ses rangs, selon Ouest France. En Alsace, à Strasbourg, 200 personnes ont rejoint le Parlement européen, après un départ place de la République, ont rapporté les Dernières nouvelles d'Alsace. À Marseille, la CGT a rejoint pour la première fois les "gilets jaunes" dans la rue samedi, où quelques 4.000 personnes manifestaient, selon la police. 

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Des gilets jaunes à Strasbourg, devant le Parlement européen. Photo AFP

À Lyon, le rendez-vous était fixé à 14 heures place Bellecour. Peu avant 16 heures, les forces de l'ordre ont fait usage de gaz lacrymogène tandis que certains manifestants tentaient d'ériger une barricade sur les berges du Rhône.

À Nantes, des échauffourées ont éclaté entre forces de l'ordre et "gilets jaunes". De nombreux jets de projectiles, dont un cocktail Molotov ont été observés, a indiqué la préfecture de Loire-Atlantique. Trois personnes ont été interpellées. Du côté de Dijon, la mobilisation restait forte, où 2.500 "gilets jaunes" ont défilé avant que des heurts n'éclatent en fin d'après-midi, a indiqué la préfecture.

Plusieurs milliers de "gilets jaunes", près de 5.000 selon l'AFP, ont manifesté à Bordeaux, une mobilisation toujours soutenue marquée à la tombée de la nuit par des accrochages. D'un côté jets de bouteilles et pétards de quelques dizaines de manifestants souvent cagoulés et masqués et de "gilets jaunes", de l'autre des charges, lacrymogènes et canon à eau des forces de l'ordre, ont marqué la tombée de la nuit dans le centre-ville. Une des figures nationales du mouvement, Maxime Nicolle a été interpellé en début de soirée dans le centre de la capitale girondine, où s'étaient rassemblés environ 200 manifestants décidés à mener une action nocturne. L'homme "faisait parti d'un attroupement à qui il a été donné l'ordre de dispersion. Malgré cet ordre, il est resté et a incité les autres à faire de même", selon la préfecture. Deux heures plus tard, il a été libéré.

Plusieurs milliers de "gilets jaunes" ont de nouveau manifesté samedi à Toulouse, un des bastions de la contestation, avant des échauffourées et des dégradations en fin de défilé. Pour la première fois depuis le début du mouvement dans la Ville rose, la préfecture n'a pas donné une estimation précise du nombre de manifestants, évoquant le chiffre de "plusieurs milliers" pour samedi. Le 19 janvier, elle avait donné le chiffre de 10.000 personnes, un record national.

Des actions ont également eu lieu à Châteauroux, dans l'Indre, à Guéret, dans la Creuse, ou encore au Mans, où des "gilets jaunes" occupent un Carrefour. Dans la Meuse, des collectifs organisent une "Assemblée des assemblée", lors d'un week-end de "coordination nationale démocratique". Soixante-quinze groupes venus de toute la France, soit "250 à 300 personnes", sont attendus dans la salle des fêtes du village pour évoquer aussi bien le "grand débat national" que les élections européennes. 

À Dunkerque, la mobilisation a commencé dès vendredi. Environ 400 "gilets jaunes" ont défilé dans le calme dans le centre de la ville pour la première "marche nocturne citoyenne et pacifiste" organisée par le mouvement dans cette ville portuaire. Les manifestants ont marché de 20h30 à 22h30, entonnant la Marseillaise à plusieurs reprises.

Un mouvement émaillé de plusieurs divisions 

Cette semaine a par ailleurs été marquée par de nouvelles divisions internes, après l'annonce de la création par les "gilets jaunes" Ingrid Levavasseur et Hayk Shahinyan d'une liste "Rassemblement d'initiative citoyenne" aux européennes de mai. En marge d'un rassemblement Cour de Vincennes, Éric Drouet a fustigé samedi la décision d'Ingrid Levavasseur. "On demande qu'elle retire son gilet jaune et le nom du RIC", a-t-il déclaré, affirmant qu'elle "s'est servie de la notoriété du mouvement". 

Mais pour Côme Dunis, numéro 2 de cette nouvelle liste et invité samedi d'Europe 1, "à partir du 17 novembre, quand on est sorti dans la rue, on a fait de la politique", et par conséquent, "l'idée de l'élection est une évidence".  

Le grand débat lancé par l'exécutif a par ailleurs également créé des remous. Éric Drouet et son collectif "La France en colère !!!" refusent d'y participer tandis que Priscillia Ludosky a pour sa part formulé des propositions pour y contribuer et faire naître "un nouveau souffle démocratique", dans une lettre ouverte signée notamment par une centaine d'élus locaux et de militants associatifs. Ils demandent notamment la création d'"un observatoire" des débats et "d'une assemblée citoyenne" qui ferait des propositions donnant lieu à "un référendum à choix multiples" à l'issue des consultations.

LBD : des policiers équipés de caméras-piétons

Afin de mettre un terme à la polémique sur l'utilisation des armes de désencerclement par les forces de l'ordre, le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner avait fait savoir jeudi que les tirs de lanceurs de balle de défense (LBD) seraient filmés samedi, lors de "l'acte 11" du mouvement des "gilets jaunes". Ces tirs sont captés par une caméra-piéton directement située sur le tireur ou sur un policier l'accompagnant. Cette expérimentation fait suite à un premier test mené à Bourg-en-Bresse, dans l'Ain, le 19 janvier, lors de "l'acte 10", jugée satisfaisante par la place Beauvau.