Un policier soupçonné de renseigner la bande corse du "Petit Bar" mis en examen

Née au début des années 2000, la bande du "Petit Bar", est considérée depuis plusieurs années par les autorités comme un puissant groupe criminel corse.
Née au début des années 2000, la bande du "Petit Bar", est considérée depuis plusieurs années par les autorités comme un puissant groupe criminel corse. © JEAN-SEBASTIEN EVRARD / AFP
  • Copié
Europe 1 avec AFP
Un policier d'Ajaccio est mis en examen ce lundi pour "corruption passive". Le fonctionnaire est soupçonné d'avoir communiqué des informations à la bande criminelle corse du "Petit Bar", permettant à des membres d'échapper à des arrestations. 

Un policier d'Ajaccio a été mis en examen ce lundi pour "corruption passive", soupçonné d'avoir communiqué des informations permettant à des membres de la bande criminelle corse du "Petit Bar" d'échapper à des arrestations, ont indiqué à l'AFP une source judiciaire et son avocat. Née au début des années 2000, la bande du "Petit Bar", du nom d'un café du cours Napoléon à Ajaccio où ses membres se réunissaient, est considérée depuis plusieurs années par les autorités comme un puissant groupe criminel corse.

"Interdiction de se rendre en Corse"

La bande est soupçonnée de trafic de stupéfiants, d'assassinats, d'extorsion et de blanchiment d'argent à l'échelle internationale et plusieurs de ses membres présumés sont poursuivis par la justice. Policier de la Direction départementale de la sécurité publique (DDSP) d'Ajaccio, Yves Robert a été mis en examen par un juge d'instruction de la Juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) de Marseille, compétente pour les affaires de grande criminalité, pour "corruption passive", "révélation d'information sur une enquête pour crime ou délit puni de 10 ans d'emprisonnement à une personne susceptible d'y être impliquée", "détournement de finalité de données" et "violation du secret professionnel", ont indiqué à l'AFP la JIRS et son avocat, Me Antoine Vinier-Orsetti.

Le policier a par ailleurs été placé sous le statut de témoin assisté pour "association de malfaiteurs", ont précisé les mêmes sources, indiquant qu'il avait été placé sous contrôle judiciaire avec "interdiction de se rendre en Corse", d'avoir certains contacts et "d'exercer les fonctions de fonctionnaire de police". En garde à vue depuis jeudi comme l'a révélé l'hebdomadaire Le Point, le policier est soupçonné d'avoir communiqué des informations à Jean-Laurent Susini, beau-frère de Jacques Santoni, considéré par les autorités comme le chef de la bande du "Petit Bar".

Relation amicale

Ces informations auraient permis à trois membres importants de cette bande, André Bacchiolelli, Mickaël Ettori et Pascal Porri, d'échapper à un coup de filet policier le 28 septembre à Ajaccio, a indiqué à l'AFP une source proche du dossier, confirmant des informations du quotidien Le Monde et de l'hebdomadaire l'Obs. A la suite de ce coup de filet manqué, la police judiciaire (PJ) en Corse avait été dessaisie au profit de la gendarmerie des enquêtes concernant la bande du "Petit Bar".

"Yves Robert n'a jamais eu les informations sur l'opération policière visant le Petit Bar et quand bien même il les aurait eues, il ne les aurait pas divulguées", a indiqué à l'AFP Me Vinier-Orsetti, assurant qu'"aucune écoute ni aucun témoin ne permet de dire le contraire". Yves Robert et Jean-Laurent Susini entretenaient une "relation amicale" avec des appels et des cafés quotidiens, a précisé Me Vinier-Orsetti. Contacté par l'AFP, le juge Gilbert Thiel, aujourd'hui à la retraite, a indiqué avoir dessaisi pour "manque de loyauté" la PJ de Corse en avril 2014, après des révélations de ce même Yves Robert, qui travaillait alors à la PJ d'Ajaccio sur une enquête dont le magistrat avait la charge sur des attentats à la roquette contre des casernes de gendarmerie en 2013.

L'enquête avait permis de découvrir l'ADN d'Antoine Pes, un nationaliste déjà condamné et "bien connu de la justice", dans un "box conspiratif" à Ajaccio, selon le juge. Mais, "surprise!", "le major Robert était venu dire "ce n'est pas possible, j'étais avec lui, c'est un informateur des services". Sauf que cet informateur n'était pas enregistré conformément à la réglementation interne de la police nationale", a affirmé le juge Thiel.

Un autre contact ?

Le policier n'a fait l'objet d'aucune sanction judiciaire ou administrative dans ce dossier, a indiqué son avocat à l'AFP. Plusieurs sources proches du dossier ont également indiqué à l'AFP que les éventuelles fuites au bénéfice de la bande criminelle pourraient ne pas être le fait d'une seule personne. Yves Robert travaillait en septembre à la DDSP, située dans le même commissariat que la PJ mais à un étage différent, la PJ ayant un "accès sécurisé", ont précisé ces sources.

Lors d'écoutes policières de membres du Petit Bar citées par Le Monde, Jacques Santoni parlait le 28 mai 2019 d'"un contact policier à la BRI (brigade de recherche et d'intervention: NDLR), qui doit partir à la retraite dans deux ans" et qui l'informait sur les enquêtes en cours. Il évoquait aussi un juge.