Le chirurgien est notamment accusé d'avoir réalisé des examens préliminaires sommaires, et de pratiquer les opérations à tour de bras. (photo d'illustration) 2:00
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Jean-Luc Boujon, édité par Mathilde Belin avec AFP
Un chirurgien de Grenoble, accusé par des dizaines de patients de pratique fautive qui leur a laissé des séquelles graves, a été suspendu de ses activités pour 18 mois.
REPORTAGE

Il est surnommé le "chirurgien de l’horreur". Un médecin, spécialiste des opérations du dos, est accusé par des dizaines de patients de pratique gravement fautive, qui leur a laissé des séquelles importantes. Une trentaine de victimes présumées se sont réunies jeudi, à l’initiative d’un avocat, Me Edouard Bourgin, qui tente depuis des années de traduire le Dr V. devant la justice après avoir déjà pris en main le dossier de cinq patients.

Me Edouard Bourgin, qui dit voir dans cette affaire "un scandale de santé publique", avait réclamé publiquement il y a trois semaines que la justice pénale se saisisse des activités du Dr V.. Depuis, l'avocat affirme avoir été submergé d'appels de personnes souffrant après avoir été opérées par ce médecin, qui exerçait dans une clinique privée.

Des séquelles visibles

Minerves, béquilles, voire fauteuils roulants : les séquelles de ces patients sont visibles depuis leurs opérations ratées. Évelyne, opérée trois fois pour une simple hernie discale, ne décolère pas : "Il a bouffé ma vie, je n’ai plus de travail, je suis handicapée, je touche une pension d’invalidité, je marche avec des béquilles, je suis sous morphine… Je le maudis ce mec, le maudis, maudis… Il a bouffé huit ans de ma vie, je ne demande rien mais seulement qu’il paye pour tout le mal qu’il a fait", s’insurge-t-elle au micro d’Europe 1.

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Dans chacun des cas, c’est la précipitation avec laquelle le chirurgien a agi qui est soulignée : examens préliminaires sommaires; opérations à tour de bras et ce, sans examiner d’éventuelles alternatives. Et tout cela dans le seul but d’alimenter le tiroir-caisse, selon Alex, 33 ans, perclus de douleur depuis son opération à l’épaule : "N’ayons pas peur des mots, c’est un boucher ! Il faut opérer pour soigner, pas pour faire du fric !"

Sanctionné à deux reprises

Le Dr V. a été sanctionné à deux reprises par le Conseil national de l’ordre des médecins : il a été suspendu de ses activités pour 18 mois à compter de ce mercredi, et a écopé d’un blâme par l’Ordre des médecins de Rhône-Alpes fin avril. Le Conseil de l'ordre reproche au chirurgien, sur la base d'une soixantaine de dossiers, d'avoir souvent pris des décisions d'opérer sans disposer "de tous les éléments nécessaires", et surtout de ne fournir "aucune explication convaincante" sur une trentaine de complications postopératoires. 

Une enquête préliminaire avait été ouverte fin 2016 pour mise en danger de la vie d'autrui et escroquerie, qui n'a donné lieu à aucune mise en cause depuis. Mais désormais, le "chirurgien de l’horreur" pourrait avoir affaire à la justice pénale : les dossiers et nombreuses plaintes des victimes présumées réunies par Me Edouard Bourgin vont être bientôt transmis au procureur de Grenoble.

Me Bernard Boulloud, l'avocat du Dr V., a annoncé de son côté poursuivre devant l'Ordre un médecin-conseil de la CPAM, à l'origine du dossier ayant abouti à la suspension du Dr V., l'accusant "d'acharnement" et d'une "campagne de dénigrement". Le Dr V., a-t-il souligné, "espère être mis en examen" : actuellement "au fond du trou", il "ne fuira pas ses responsabilités et se défendra", a promis Me Boulloud.